Merci pour cet entretien, très intéressant et bien mené.
Nigel Farage est un homme appréciable : excellent orateur il fait preuve ici d’un art de la conversation fin et léger, mais toujours profond. Certains Anglais ont su conserver ce qui caractérisait l’esprit français d’autrefois. L’humour et le flegme sont bien à eux, en revanche !
Quant au fond, je dirais qu’il est surtout servi par les qualités formelles de l’intervenant : un fond optimiste, un brin moqueur, toujours tempéré par un certain scepticisme. Politiquement cela donne un libéral. Mais je doute que de telles qualités, formant certainement une excellente philosophie existentielle (que je partage), puissent suffire pour construire une quelconque pensée politique ou une analyse réaliste du monde.
Moi-même, très marquée par la philosophie libérale, j’en suis venue à la remettre en question, sans doute pour l’anthropologie optimiste sur laquelle elle repose. Or en politique il est toujours nécessaire d’imaginer le pire. Pas pour dramatiser, mais pour prévoir.
Un exemple fragrant de cette lacune de la pensée libérale est donné par Farage lorsqu’il s’interroge sur les moyens développés par nos pays modernes pour nous contrôler : certes c’est effrayant, dit-il, mais surtout si ces moyens tombent dans de mauvaises mains, alors qu’ils ne sont pour l’instant que dans celles d’incompétents. J’ajouterais, avec le prince de Ligne, que les sots et les méchants ont en commun d’avoir toujours de la présence d’esprit. Ne jamais sous-estimer les sots, surtout quand il s’agit de gouvernements.
Idem pour la mondialisation, Nigel Farage dresse le tableau idyllique des vertus du commerce entre nations apportant bonheur et prospérité aux peuples. Y compris la chute de ce qu’il appelle les "mauvais régimes". J’aime bien Adam Smith, mais enfin là c’est un peu léger. Je pense que le commerce est indépendant du régime politique, et même tellement éloigné aujourd’hui que les acteurs sont des multinationales qui tiennent en respect les États dans le vaste monde qui est leur aire de jeux. De quelle manière les États-nations, dans ce contexte, peuvent redéfinir leur existence, dont la nôtre dépend ? C’est la question à laquelle le politique doit répondre et qui ne se résume pas à un équilibre des règles de droit. C’est une question de puissance.
En bon Anglais, Farage dit beaucoup de choses justes. Mais sa pensée politique est faible. Les Anglais n’ont jamais aimé Hobbes...
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