En 2012, un buste géant de Churchill fut inauguré à Jérusalem en reconnaissance de son soutien pour la cause sioniste [1]. Anthony Rosenfelder, responsable du projet, explique : « En tant que sioniste passionné durant toute sa vie, et en tant que philosémite, Churchill n’a pas reçu la reconnaissance méritée. » Rosenfelder dit avoir pris pleine conscience du sionisme de Churchill en lisant le livre de Martin Gilbert, Churchill and the Jews : A Lifelong Friendship, publié en 2007 : « pour moi, dit-il, ce livre a allumé une lumière [2] ». Ma propre lecture produisit le même effet. C’est pour partager cette lumière que je résume ici quelques informations qui permettent d’affiner notre compréhension des événements ayant conduit à la fondation d’Israël.
En particulier, puisque nous commémorons cette année le centenaire de la Déclaration Balfour (une simple lettre dactylographiée sans entête, adressée par le ministre des Affaires étrangères Lord Arthur Balfour à Lord Lionel Walter Rothschild), il convient de reconnaître l’importance des efforts déterminés de Churchill,
1. pour que cette vague déclaration ne soit pas simplement enfouie dans les archives comme le souhaitaient une majorité de Britanniques en 1939,
2. pour qu’elle soit interprétée dans un sens exagéré, à savoir la promesse d’un État juif dans toute la « Palestine occidentale »,
3. pour qu’elle soit à nouveau mise en jeu afin de mobiliser la « juiverie américaine » (American Jewry) dans une Seconde Guerre mondiale.
Si l’on considère que la Déclaration Balfour est indirectement responsable de deux guerres mondiales (car sans elle la première guerre n’aurait été qu’européenne, et la seconde n’aurait pas eu lieu), mais aussi d’un chaos meurtrier et interminable au Proche-Orient, alors l’histoire retiendra que cette responsabilité est partagée par celui qui écrira fièrement en 1956 (à son complice Eisenhower) : « Je suis, bien sûr, un sioniste, et je l’ai toujours été depuis la Déclaration Balfour ». Mais dans son acharnement à faire monter le prix déjà exorbitant de cette feuille de papier, Churchill a le mérite – partagé avec son vieil ami Weizmann – d’en avoir proclamé sans fausse pudeur la véritable motivation, pour la honte éternelle de l’Empire britannique.
- Un « vieux sioniste » en bronze massif
Des Rothschild à Weizmann
Les premiers chapitres du livre de Gilbert, sur l’enfance et la jeunesse de Winston, ne sont pas les plus importants, bien sûr, mais considérant le rôle futur de Churchill, il est intéressant d’apprendre que « son père Lord Randolph Churchill était connu pour son amitié avec des personnes juives ».
« Les juifs que son père connaissait et invitait à dîner étaient des gens de distinction et d’accomplissement. L’un d’eux était “Natty” Rothschild, premier baron Rothschild, le chef de la branche britannique de la famille des banquiers Rothschild, qui en 1885 devint le premier juif à devenir membre de la Chambre des Lords. Un autre était le banquier Sir Ernest Cassel, né à Cologne, un ami proche du Prince de Galles, futur roi Edward VII. »
Les Churchill étaient aussi proches d’une autre branche Rothschild, la famille de Léopold Rothschild. Après la mort de Lord Randolph Churchill en 1895, ces riches juifs conservèrent leur amitié au jeune Winston : « Lord Rothschild, Sir Ernest Cassel et le Baron de Kirsch l’invitaient fréquemment dans leurs maisons. » Lorsque Churchill passa l’été 1906 en Europe, ses trois hôtes furent Sir Ernest Cassel dans les Alpes suisses, Lionel Rothschild (fils de Léopold) en Italie, et le Baron de Forest en Moravie, tous juifs. Cassel, en particulier, prit en main, gratuitement, les finances fragiles du jeune Winston.
Parmi les amis de Churchill, aucun n’influença sur sa politique « coloniale » que Chaïm Weizmann, l’infatigable lobbyiste sioniste des trente années précédant la fondation d’Israël, dont il deviendrait le premier président. Churchill et Weizmann avaient fait connaissance en 1903 à Manchester, la circonscription parlementaire de Churchill (choisie spécifiquement pour son fort pourcentage de juifs, révèle Gilbert), lors d’un rassemblement de protestation contre les pogroms russes. En 1915, alors Premier Lord de l’Amirauté, Churchill convainquit Weizmann, ingénieur chimiste à l’Université de Manchester, d’aider à résoudre la pénurie d’acétone, un produit nécessaire à la fabrication de la cordite, le principal explosif naval. Weizmann mis deux ans à mettre au point une solution industrielle, ce qui, note-t-il dans ses mémoires, « eut des conséquence que je n’envisageais pas ». Les destins de Churchill et de Weizmann ne cessèrent plus de se côtoyer.
Leur pensées, déclarera Churchill en 1942, étaient « identiques à 99% ». Churchill consultait souvent Weizmann durant des rencontres privées. En septembre 1919, c’est sur la suggestion de Weizmann qu’il fit nommer à la tête de l’administration militaire en Palestine le général Wyndham Deedes, un sympathisant sioniste. En mai 1939, lorsque sa politique en Palestine fut remise en cause par une majorité parlementaire, Churchill invita Weizmann et d’autres sionistes à déjeuner dans son appartement de Londres et, selon les souvenirs de Weizmann, « sortit un paquet de petites cartes et nous lut son discours ; puis il me demanda si j’avais des modifications à suggérer ». Ce fut le discours le plus passionné de Churchill pour le projet sioniste.
Durant la Seconde Guerre mondiale, Churchill rencontra Weizmann moins régulièrement, car, confia-t-il un jour au député Robert Boothby, « il le trouvait si fascinant qu’il aurait passé trop de temps en discussion avec lui ». Ce à quoi Boothby répondit que selon Weizmann, Churchill l’évitait parce qu’il était sa « conscience » ; une remarque éclairante sur l’influence que Weizmann estimait avoir sur Churchill (on pense à d’autres relations du même type, comme celle entre Menasseh Ben Israël et Oliver Cromwell), mais aussi sur la propension des sionistes à confondre leur cause avec le Bien universel. Également éclairant sur la confiance que Churchill accordait à Weizmann – ou sur son hypocrisie – est le commentaire qu’il fit au secrétaire colonial Oliver Stanley en 1944, en lui suggérant Weizmann comme nouveau haut-commissaire en Palestine : « On peut compter sur Weizmann. Il ne prendrait pas le job s’il n’avait pas l’intention de se plier aux conditions qui devront être imposées. »
La Déclaration Balfour selon Churchill
Après la fondation d’Israël, Churchill ne faisait plus mystère de son sionisme : « En tant que sioniste depuis les jours de la Déclaration Balfour, j’ai observé avec admiration l’effort courageux d’Israël pour établir son indépendance et sa prospérité », déclara-t-il au Carnegie Hall de New York pour le quatrième anniversaire de l’indépendance d’Israël, dans un message lu par sa fille. Ce n’étaient pas là des paroles opportunistes, visant à s’assurer une place dans l’histoire sacrée d’Israël. Comprendre l’implication de Churchill dans la politique sioniste pendant une trentaine d’années, c’est comprendre comment la lettre de Lord Balfour à Lord Rothschild, connue sous le nom trompeur de « Déclaration Balfour », devint la pierre angulaire de cette politique.
Les termes de la Déclaration Balfour, soigneusement pesés après d’âpres discussions avec Weizmann, étaient délibérément ambiguës : le gouvernement britannique « considère favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national [national home] pour le peuple juif ». Ce que cela voulait dire était l’objet d’interprétations divergentes. D’un côté, il y avait ceux qui affirmaient, comme le fera le premier ministre Lloyd George en 1938, qu’il ne s’agissait que d’un « centre de culture nationale [4] ». À l’opposé, il y avait ceux qui affirmaient que « foyer national » ne pouvait signifier autre chose qu’un État. Churchill a toujours défendu avec acharnement la seconde interprétation.
Et il le faisait en disant tout haut ce que d’autres préféraient laisser implicite : que l’engagement du gouvernement de sa Majesté à soutenir la cause sioniste avait été donné en 1917 en échange de l’engagement des sionistes de mobiliser l’opinion publique américaine en faveur de l’entrée en guerre en 1917, c’est-à-dire de transformer la guerre européenne en guerre mondiale. Puisque les sionistes avaient largement rempli leur part du contrat, insistait Churchill, le Royaume-Uni devait remplir la sienne. « Des serments et des promesses ont été faites durant la Guerre », rappelle-t-il à la Chambre des communes le 4 juillet 1922.
« Elles furent faites parce qu’il a été jugé qu’elles seraient utiles à notre lutte pour gagner la Guerre. Il a été jugé que le soutien que pourraient nous apporter les juifs dans le monde entier, et en particulier aux États-Unis, ainsi qu’en Russie, serait un avantage concret décisif. »
Le 12 mars 1937, devant la Commission Peel sur la Palestine, il répéta l’argument :
« Je demande la loyauté de l’Angleterre et sa bonne foi envers les juifs, et j’y attache une importance énorme, parce que nous avons retiré de grands avantages dans la Guerre. Nous n’avons pas adopté le sionisme seulement par l’amour altruiste d’établir une colonie sioniste : c’était une question de grande importance pour notre pays. Ce fut un puissant facteur sur l’opinion publique en Amérique et nous sommes tenus par l’honneur… »
Churchill en profita pour préciser qu’il avait toujours considéré que l’intention de la Déclaration Balfour était que la Palestine puisse devenir, avec le temps, « un État majoritairement juif [5] ».
Dans un mémorandum qu’il rédigea pour le Cabinet de guerre fin 1939, Churchill exprima son opposition aux restrictions imposés sur l’immigration juive en Palestine, en rappelant à ses collègue que :
« Ce n’était pas pour des raisons légères ou sentimentales que Lord Balfour et le gouvernement de 1917 ont fait aux sionistes la promesse qui fut par la suite la cause de tant de discussions. L’influence de la juiverie américaine [American Jewry] a été évaluée alors comme un facteur de la plus haute importance, et nous ne nous sentions pas alors dans une position suffisamment forte pour être capable de la traiter avec indifférence. »
Ce que la Déclaration Balfour avait fait en 1917, ajoutait-il, elle pouvait le refaire en 1939, à condition d’en honorer les termes implicites.
« Alors que le futur est plein d’incertitudes incalculables, je veux croire qu’il est plus nécessaire encore qu’en novembre 1917 de concilier la juiverie américaine et de recruter leur aide pour combattre l’isolationnisme des États-Unis et, en fait, ses tendances anti-britanniques. »
- La relique miraculeuse de la Déclaration Balfour, actuellement exposée à l’American Jewish Historical Society à New York
Papiers blancs et carte blanche
Le 8 février 1920, alors qu’il était secrétaire d’État pour la Guerre, Churchill publia un fameux article dans l’Illustrated Sunday Herald sous le titre « Zionism versus Bolshevism : A struggle for the soul of the Jewish people ». Après avoir déclaré que les juifs sont « sans conteste la race la plus formidable et la plus remarquable qui soit jamais apparue dans le monde », puis avoir décrit le bolchevisme comme un complot mondial tramé par de « mauvais juifs » pour « le renversement de la civilisation », il prenait parti pour le projet sioniste, conduit par les « énergies fougueuses du Dr Weizmann » et « soutenu par beaucoup des plus importants juifs britanniques ». En déformant légèrement les termes de la Déclaration Balfour, par laquelle le Gouvernement britannique aurait pris, selon lui, la responsabilité de « garantir pour la race juive du monde entier un foyer et un centre de vie nationale », il l’interprétait comme ouvrant la possibilité bénéfique d’un « État juif » « sur les rives du Jourdain » (incluant donc une partie de la Transjordanie) :
« Mais si, comme cela pourrait arriver, il devait se créer durant notre propre vie, sur les rives du Jourdain, un État juif sous la protection de la couronne britannique, qui pourrait contenir trois ou quatre millions de juifs, alors cela constituerait un événement dans l’histoire du monde, qui serait, à tous points de vue, bénéfique, et serait spécialement en harmonie avec les vrais intérêts de l’Empire britannique. »
En 1921 Churchill fut nommé secrétaire d’État pour les Colonies, avec une responsabilité spéciale pour les deux mandats britanniques : la Palestine et la Mésopotamie (Irak). C’est alors que, selon Gilbert, « les efforts de Churchill pour aider à établir un foyer national juif en Palestine furent à leur niveau le plus intense [6] ». Son intervention fut déterminante pour obtenir du roi Fayçal, fils aîné de Hussein, qu’il renonce à toute revendication sur la Palestine. Trente-quatre ans plus tard, en 1955, son fidèle ami James de Rothschild l’en remerciait, en se souvenant de « notre séjour à Jérusalem en 1921 » :
« Vous avez établi les fondations de l’État juif en séparant le royaume d’Abdallah [Transjordanie] du reste de la Palestine. Sans cette vision prophétique en dépit de beaucoup d’oppositions, il n’y aurait pas d’Israël aujourd’hui. »
En 1922, Churchill émit un bref communiqué désigné comme White Paper, destiné à rassurer les Arabes, dont les appréhensions, dit le texte, « sont en partie fondées sur des interprétations exagérées du sens de la Déclaration [Balfour] » (elles étaient plus encore fondées sur les positions connues de Churchill). Par l’expression « a Jewish National Home in Palestine », la Déclaration « ne veut pas dire un gouvernement juif pour dominer les Arabes […]. Nous ne pouvons tolérer l’expropriation d’un peuple par un autre ». Cependant, tout en prenant les Arabes pour des idiots, cette « Lettre blanche » était formulée de façon à être utilisée par les sionistes comme une « carte blanche » : elle n’imposait aucune limite précise à l’immigration juive en Palestine, et pas davantage à l’achat des terres palestiniennes par les Juifs, les deux inquiétudes des Arabes. Elle disait simplement que « la communauté juive devait accroître son nombre par l’immigration, [sans] excéder les capacités économiques du pays. […] Jusqu’à présent, l’immigration a rempli ces conditions ». De plus, en spécifiant que les juifs ne devaient pas dominer les Arabes, la Lettre blanche de Churchill autorisait implicitement les juifs à gouverner en Palestine un territoire vidé de ses Arabes.
En 1939, Churchill fut mis dans l’incapacité de gouverner par une nouvelle majorité travailliste au Parlement. Un nouveau White Paper fut voté par une large majorité, qui limitait l’immigration juive à 75 000 pour les prochaines cinq années (10 000 par an, plus 25 000 réfugiés), afin de préserver une majorité arabe de deux tiers. Le haut commissaire se réservait en outre le droit de prohiber ou réguler tout nouveau transfert de propriété foncière des Arabes aux juifs. Le texte déclarait l’interprétation exagérée de la Déclaration Balfour comme contraire à son intention, en précisant : « le gouvernement de Sa Majestée déclare donc sans la moindre équivoque qu’il n’est pas conforme à sa politique que la Palestine devienne un État juif ». Le but déclaré était un État indépendant unique « dans lequel les Arabes et les juifs partagent le gouvernement de manière à assurer que les intérêts essentiels de chaque communauté sont sauvegardés », et dans lequel les Arabes seraient majoritaires.
Ce revers provoqua une forte colère parmi les sionistes, qui mobilisèrent des groupes militaires (Haganah et Irgoun) dans des actions terroristes contre les autorités britanniques en Palestine. Tout en condamnant ce terrorisme, Churchill se battit sans relâche contre la Lettre blanche de 1939, qu’il considérait comme une trahison. Durant un débat à la Chambre des communes le 1er août 1949, il déclara :
« Je n’ai jamais modifié mon opinion que la Lettre blanche constitue une négation de la politique sioniste qui, la Chambre doit s’en souvenir, était une condition intégrale et indispensable du mandat. »
Selon les mots de Gilbert, Churchill « refusa d’autoriser que la Lettre blanche de 1939 prenne effet, malgré sa traduction en texte de loi par une majorité écrasante de membres du Parlement. C’était indiscutablement anticonstitutionnel de sa part. » Dans un mémorandum daté du 19 mai 1941, Churchill exprima son espoir pour l’établissement après la guerre d’un « État juif en Palestine occidentale », avec des droits entiers sur l’immigration et le développement, et avec une provision « pour l’extension dans les régions désertiques du sud [7] ».
- Deux vieux complices en 1961
Deux Guerres mondiales, une stratégie
En décembre 1939, comme Weizmann planifiait un voyage aux USA, le Bureau des Affaires étrangères britanniques envoya un télégramme à son ambassadeur aux USA, Lord Lothian, pour rappeler les grandes lignes de la nouvelle Lettre blanche. Churchill tenta de s’opposer à ce télégramme en protestant auprès de ses collègues du Cabinet de guerre qu’il saperait la mission de Weizmann de mobiliser la « juiverie américaine » en faveur de la guerre :
« Je suis sûr que c’est son plein désir d’amener l’opinion des États-Unis de notre côté autant qu’il est possible, mais les lignes du télégramme risquent de rendre cette tâche impossible, et il va se trouver confronté avec le ressentiment actif de la juiverie américaine. Leur colère pourrait devenir publique et rapidement exploitée par tous les éléments qui nous sont défavorables aux États-Unis. Cela pourrait nous causer un grand tort… »
Churchill et Weizmann avaient à l’esprit de renouveler le pacte ayant motivé la rédaction de la Déclaration Balfour. Le 10 septembre 1941, après avoir parcouru pendant des mois les États-Unis, Weizmann écrivit à Churchill (une lettre que ne mentionne pas Gilbert), que « les cinq millions de Juifs américains » sont le seul « groupe ethnique important prêt à se tenir, unanimement, aux côtés de la Grande-Bretagne » :
« Il a été largement reconnu par les hommes d’État britanniques que ce sont les Juifs qui, dans la dernière guerre, ont effectivement aidé à faire pencher la balance en Amérique en faveur de la Grande-Bretagne. Ils sont prêts à le faire – et peuvent le faire – à nouveau [8]. »
Weizmann suggéra en outre la formation d’une « Armée juive » officielle parmi les troupes alliées. Il reprenait là une idée avancée par Vladimir Jabotinsky dès la Première Guerre mondiale, et recyclée pour la Seconde dans son livre The War and the Jew. Le but était de se servir de cette armée comme argument après la guerre, car une armée suppose un État. Mais il s’agissait aussi d’armer les Juifs contre les Arabes, bien plus que contre les Allemands. Churchill discuta de ce projet avec Weizmann et le soutint de façon répétée auprès du Cabinet de guerre, qui le rejeta à chaque fois.
En 1945, Churchill fut remplacé par un Premier ministre travailliste, Clement Attlee, qui nomma aux Affaires étrangères un homme mal disposé envers le sionisme, Ernest Bevin. Churchill comprit alors que le nouveau gouvernement s’en tiendrait strictement à la Lettre blanche de 1939 et s’opposerait à un État juif. L’espoir sioniste reposait dès lors sur les USA. Churchill se mit alors à défendre vigoureusement l’option du gouvernement britannique d’abandonner « une responsabilité que nous échouons à remplir et qui en même temps nous couvre de sang et de honte », et de rendre le mandat aux Nations Unies. Incapable de pacifier la Palestine et harcelée par les terroristes de l’Irgoun, l’administration britannique jeta l’éponge. Israël déclara son indépendance le jour même de la fin du mandat britannique.
La majorité de la classe politique britannique percevait cela comme une trahison et une humiliation nationale, et refusa de reconnaître le nouvel État. Mais pas Churchill, qui, neuf mois plus tard, argumenta en faveur de la reconnaissance devant la Chambre des communes :
« Les Juifs ont repoussé les Arabes en dehors d’une zone plus grande que celle contemplée par le plan de partition. Ils ont établi un gouvernement qui fonctionne effectivement. Ils disposent d’une armée victorieuse et ils ont le soutien à la fois de la Russie soviétique et des États-Unis. Ce sont peut-être des faits déplaisants, mais peuvent-ils être ignorés ? »
En 1955, Churchill soutint une suggestion de James de Rothschild qu’Israël, une nation qui s’était fondée en chassant les Anglais de Palestine par le terrorisme, soit admise dans le British Commonwealth : « Ce serait une chose merveilleuse, dit-il durant un déjeuner à Buckingham Palace. Tant de peuples nous quittent ; ce pourrait être le début du vent qui tourne. » Il défendit également le droit des juifs d’avoir Jérusalem comme capitale, contre la décision des Nations Unies d’en faire une ville internationale.
À la lecture de tout cela, on se demande si, en plus de son buste géant à Jérusalem, les Anglais ne devraient pas envoyer à Israël tous les bustes, statues et portraits de Churchill qui se trouvent chez eux. Et l’original de la Déclaration Balfour avec ; elle est, après tout, l’un des plus formidables monuments du génie juif.
- Le précieux bureau de saint Balfour est déjà au Musée du Peuple juif à Tel Aviv