Le Conseil d’État vient donc de rendre un arrêt invalidant l’arrêté du maire de Villeneuve-Loubet qui « interdisait » le « burkini ». Cet arrêté, parce qu’il était plus extensif que ceux pris dans d’autres municipalités, était plus vulnérable à un argument d’ordre juridique. Notons aussi que cet arrêté, parce qu’il faisait référence aux « bonnes mœurs et au principe de laïcité », ouvrait la porte à une contestation en justice, ce qui semble être moins le cas d’un arrêté pris pour un motif « d’ordre public ».
Ceci ne fait que confirmer ce que l’on avait noté dans un texte précédant [1], soit que l’argument de laïcité, dans la situation actuelle, ne pouvait être juridiquement invoqué pour une interdiction motivée du « burkini ». Mais, l’arrêt rendu par le Conseil d’État [2], qui précise que « À Villeneuve-Loubet, aucun élément ne permet de retenir que des risques de troubles à l’ordre public aient résulté de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes. En l’absence de tels risques, le maire ne pouvait prendre une mesure interdisant l’accès à la plage et la baignade », soulève, à son tour, d’autres problèmes.
« Burkini » et ordre public
Le « burkini » comme d’autres vêtements ne correspond pas à une obligation explicite d’une religion (ici l’islam), mais bien à une interprétation qui est donnée par certaines personnes se réclamant de cette religion. En invoquant, dans ses motifs, le « liberté de conscience », ne peut-on pas considérer que le Conseil d’État établit en une jurisprudence ce qui relève d’une religion, rôle qui – à l’évidence – ne saurait être le sien ? Au-delà de cette légitime interrogation, il convient tout d’abord de rappeler que la loi de 1905 [3], dans sa formulation actuelle, stipule bien que le « libre exercice des cultes » se fait sous réserve de « l’intérêt de l’ordre public ». Il est intéressant ici de rappeler les divers articles de la loi :
« Article 1 – La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public ».
Ou encore :
« Article 25 – Les réunions pour la célébration d’un culte tenues dans les locaux appartenant à une association cultuelle ou mis à sa disposition sont publiques. Elles sont dispensées des formalités de l’article 8 de la loi du 30 juin 1881, mais restent placées sous la surveillance des autorités dans l’intérêt de l’ordre public ».
Si la municipalité de Villeneuve-Loubet voulait ré-intervenir sur cette question, elle devrait le faire pour un temps limité et en précisant que l’arrêté est pris pour des motifs d’ordre public, motifs qui devraient être explicités. C’est d’ailleurs ce que firent les maires de Cannes ou de Sisco. Il faut noter que le maire de Sisco entend maintenir son arrêté [4].
On peut penser que la question posée par le « Burkini » va au-delà, qu’elle implique un regard et une lecture du rôle des femmes dans la société. Mais, aujourd’hui, en l’état du droit, c’est bien le motif dit « d’ordre public » qui doit être utilisé, en attendant que le législateur ne se penche sur la question, et considère que ce qui n’est qu’un vêtement « coutumier » est bien contradictoire avec l’article 1 du préambule de la Constitution.
L’arsenal légal existant
Mais, une lecture attentive de la loi de 1905 révèle aussi que la discussion sur les mosquées dites « salafistes », voire l’idée d’interdire le « salafisme » (qui est loin d’être le seul à poser problème), est largement sans objet. Le respect strict des articles de la loi de 1905 couvre la quasi-totalité des cas de figure.
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