Pour les célébrations du 70e anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz, le président russe Vladimir Poutine s’est rendu ce 27 janvier au musée juif de Moscou. Il y fit un discours où brilla par son absence un point tout sauf de détail de la Seconde Guerre mondiale : les chambres à gaz !
Comment un homme aussi averti, et probablement bien renseigné, a-t-il pu oublier cet élément essentiel du massacre des juifs de cette période de guerre totale ? A-t-il lu les documents en cours de déclassification par le ministère de la Défense au sujet de la libération du camp d’Auschwitz ? Y aurait-il trouvé quelques informations négationnistes du plus mauvais effet ? Nous n’osons nous aventurer dans de telles conclusions qui tueraient une seconde fois les morts – en plus d’être illégales en France, bien sûr.
« Suivant les documents du jugement de Nuremberg, 6 millions de juifs furent tués en Europe durant l’Holocauste. Ces chiffres sont impossibles à évaluer/sonder. Ils ne sont pas morts à la guerre, mais furent simplement détruits – brûlés dans des fours ou tués [1]. »
Enfonçant le clou, le président russe se permet d’affirmer péremptoirement que le chiffre de 6 millions est impossible à évaluer/sonder (unfathomable [2]). Quel culot !
Révisionnisme positif
Heureusement, certains traducteurs se sont empressés, comme c’est souvent le cas sur le sujet douloureux de la Shoah, de modifier quelque peu la forme afin de la faire correspondre davantage à la réalité. C’est ainsi qu’une traduction propose, sans vergogne, cette version quelque peu modifiée mais plus réaliste (en gras nous soulignons les bienfaitrices modifications) :
« Selon les documents du procès de Nuremberg, six millions de juifs ont été tués en Europe durant la Shoah. L’horreur de ces chiffres est insondable. Ils ne sont pas morts au combat, mais ont été tout simplement exterminés, gazés puis brûlés dans les fours ou abattus [3]. »
Non, cette modification n’est pas du révisionnisme. En effet, elle colle davantage à la version officielle, que des historiens de renom nous ont léguée de façon définitive en 1979 avec une précision toute scientifique :
« Il ne faut pas se demander comment, techniquement, un tel meurtre de masse a été possible. Il a été possible techniquement puisqu’il a eu lieu [4]. »
Explications
Somme toute, Vladimir Poutine aura rejoint ici la grande pudeur du réalisateur de Shoah, Claude Lanzmann, qui, sur France Info ce 27 janvier, dans un élan de généreuse honnêteté, nous explique pourquoi, malgré l’immense quantité de matériel photographique ou filmique existant, vous ne verrez jamais de chambre à gaz :
« Il n’y aucune image de la mort des gens dans les chambres à gaz. Il n’y en a pas. Il n’y a pas une seule image de la mort de 3000 personnes dans les grandes chambres à gaz de Auschwitz Birkenau (...)
– Et vous n’avez pas utilisé non plus de récits de survivants ?
– Il n’y a pas de survivants des chambres à gaz. Il n’y en a pas. »