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Réflexions sur l’inauguration de la plus grande mosquée d’Europe en Russie

De nombreux questionnements ont accompagné l’inauguration de la plus grande mosquée d’Europe par le président russe Vladimir Poutine.

L’édifice est assez colossal et surtout moderne : cinq étages, sept ascenseurs, un système d’air conditionné dernier cri, un accès pour les personnes handicapées, des écrans plats géants installés dans plusieurs salles pour transmettre la prière depuis la salle centrale de la mosquée. Celle-ci sera en outre dotée d’un complexe islamique regroupant une salle de conférence, une bibliothèque, un musée, une galerie d’exposition, un centre de presse et des locaux hôteliers. À terme, il est prévu d’ajouter sur le territoire un institut islamique, une madrasa et un centre culturel.

L’édifice se trouve sur le lieu même de son édification en 1904, après avoir été acquis en 1902 par des commerçants tatars, et a été entièrement financé par les fidèles et notamment par son plus généreux donateur, Souleyman Kerimov, le représentant de la république du Daguestan, qui a débloqué la coquette somme de 100 millions de dollars sur les 170 qu’a coûtés le projet. L’inauguration de cette mosquée a été faite par Vladimir Poutine en personne, entouré de personnalités du monde musulman : le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le président turc Recep Tayyip Erdogan et le président de la république de Tchétchénie Ramzan Kadyrov.

Pour nombre d’observateurs et de commentateurs occidentaux, la vision d’un Vladimir Poutine confirmant et affirmant l’authenticité de l’Islam russe comme part intégrante de Russie a été une surprise. En ces temps troublés par la crise des migrants qui frappe l’Europe, certains ont même accusé le président russe d’être le « complice de l’islamisation de l’Europe » !

Ex-empire géographiquement coincé entre l’Europe et l’Asie, la Russie est une civilisation complexe et multiforme au sein de laquelle contrairement à l’Europe de l’Ouest en effet, l’Islam y est « de souche ».

La conquête des territoires musulmans du Caucase et de la Volga est certes passée par des périodes de guerres, mais les victoires militaires et politiques de l’administration russe ont été suivies d’une politique d’intégration complète de ces nouveaux citoyens au sein de la civilisation et de la société russes. Comme l’explique très bien la brillante Natalia Narochnitskaya : leurs chefs ont été plus qu’intégrés, même anoblis. Ils ne furent jamais traités comme des colonisés ou des vaincus, mais étaient les égaux des aristocrates russes. Ils avaient même des serfs russes. Le Tsar s’est même entouré d’une garde privée de combattants caucasiens peu de temps après les guerres du Caucase afin de forcer l’instauration d’un rapport de confiance. Un seul État ouest-européen peut-il se targuer de telles politiques d’intégration par le haut ?

Cette islamo-compatibilité de la Russie actuelle est un fait acté tant historiquement que géographiquement, que l’Empire russe, l’Union soviétique puis l’Union eurasiatique de nos jours intègre et promeut. À la différence de la France, l’Allemagne ou l’Italie, la Russie n’est en effet pas une nation homogène mais un État-civilisation composé d’agrégats multiples, une Symphonie des cultures, disent les théoriciens et partisans de l’unicité civilisationnelle russe et de son ADN non-occidental. La grande majorité des musulmans de Russie sont des citoyens russes vivant dans leurs territoires d’origine, des territoires se situant géographiquement et politiquement au sein de la fédération de Russie.

Le président russe Vladimir Poutine avait lui-même souligné cette unique interaction entre l’islam d’Eurasie et le christianisme orthodoxe russe au sein de l’État-civilisation en affirmant que « nous avons dans notre pays le christianisme oriental, orthodoxe, et certains théoriciens soutiennent qu’il est plus proche de l’islam que le catholicisme. Je ne veux pas me prononcer sur le bien-fondé de cette affirmation, mais nous avons développé au cours des siècles une culture commune. »

Dans la double lutte entamée par Moscou contre l’occidentalisation libertaire des mœurs d’un côté et la radicalisation terroriste islamiste de l’autre, l’affirmation du pouvoir russe de prise de contrôle politique et moral de l’islam russe tout autant que la promotion d’un islam authentique au cœur de l’Eurasie s’inscrivent parfaitement dans la logique de politique-puissance que le Kremlin développe avec de plus en plus d’ampleur tant sur le plan intérieur qu’extérieur.

Une politique-puissance qui confirme que, n’en déplaise à certains, la Russie est un pays chrétien qui appartient également au monde musulman.

À ce titre, la Russie est du reste le seul pays européen chrétien membre observateur de l’Organisation de la coopération islamique, et nul doute que c’est cet ADN propre qui permet à l’administration russe d’intelligemment refuser de prendre part ou de laisser se développer les dynamiques destructrices qui poussent au conflit de civilisations.

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