L’histoire du peuple juif est généralement vulgarisée par les médias dominants et l’école républicaine comme un uniforme et continu torrent de larmes et d’injustices subies. Le peuple juif serait l’éternel faible victime de la méchanceté de l’homme, ou de sa jalousie ancestrale : il serait détesté pour avoir fourni « son Dieu et son argent » dont nous serions dépendants, nous explique Jacques Attali [1]…
Comme souvent, la doxa actuelle consiste à vulgariser l’histoire en lui appliquant des visions simplistes et manichéennes contribuant à supporter l’idéologie dominante. Un regard sérieux sur l’histoire du peuple juif nous rappelle pourtant que cette simplification est indigne de sa complexité et de son ampleur. Sans prétention, permettons-nous ainsi de piocher et résumer en quelques lignes un court épisode de l’histoire du judaïsme : les Zélotes et les Sicaires.
La Judée devint une province Romaine en l’an 6. La population n’accepta alors qu’avec des nuances l’occupation, malgré la souplesse donnée par la reconnaissance romaine du droit indigène. Au-delà du poids fiscal, les populations juives supportaient mal les agissements de l’occupant païen, qui, méconnaissant les règles de vie à observer d’après le judaïsme, multipliaient les « idolâtries », les « souillures » ou autres « blasphèmes ».
Les Zélotes, gardiens du Temple, furent un groupe religieux de quelques milliers d’individus constituant le fer de lance officiel de l’opposition. Ils furent d’ailleurs des acteurs centraux de l’ensemble des révoltes juives du premier et deuxième siècle.
Parallèlement, une autre faction fondamentaliste, plus restreinte et secrète, émergea : les Sicaires.
Les Zélotes et les Sicaires avaient en commun de légitimer leur opposition à l’occupant par des visées profondément religieuses : Dieu est unique et il est le seul maitre que le fidèle doit accepter. Ainsi, toute autorité humaine s’écartant de ce cadre doit être entièrement et totalement refusée [2].
Les méthodes d’actions entre les deux groupes différaient cependant. Alors que les Zélotes, en tant qu’organe officiel, ne menaient dans un premier temps aucun combat armé contre les Romains, les Sicaires agissaient clandestinement, dans l’ombre. Ils commirent d’abord des assassinats [3] de représentants romains, mais aussi, par fanatisme, de religieux ou notables locaux qu’ils jugeaient trop complaisants avec l’occupant. Grâce à leur discrétion et leurs ruses, mais aussi grâce à la bienveillance des Zélotes, qui fermaient les yeux sur ces actions, les Sicaires arrivaient à agir en demeurant relativement impunis.
Mais leur nombre (une centaine) et leurs faibles moyens ne suffisaient pas à combattre efficacement le pouvoir romain, qui, bien que fortement contesté, restait relativement toléré par la population, en particulier par les élites. Quand la révolte juive commença véritablement, en 66, les Sicaires entreprirent alors de tirer, « par la tignasse de leurs cheveux », pourrait-on dire, les deux camps – Romains contre population autochtone – au conflit total plutôt qu’à la paix. Ils détruisirent les réserves de vivres, provoquant ainsi une atroce famine, et s’assurèrent que les Romains fussent accusés de cet acte vil.
La révolte juive de 66 aboutit à la destruction du second Temple en 70 par les Romains. Quant à la secte des Sicaires, ils se suicidèrent collectivement en 74 à Massada.
L’épisode des Zélotes et des Sicaires, bien que lointain, est un élément notable de l’histoire du judaïsme, et nous pouvons à sa lumière poser des questions en rapport avec notre monde contemporain.
En ce qui concerne les Zélotes tout d’abord, il est évident en premier lieu que ce qu’une certaine lecture moderne désigne comme l’héroïsme des Zélotes contre les Romains pourrait avec ironie être comparé aux résistances palestiniennes contemporaines qui s’opposent elles aussi, au même endroit, à un expansionnisme agressif.
Mais les Zélotes peuvent être le symbole de quelque chose d’encore plus fort dans la constitution de l’esprit même d’un certain judaïsme. Ils symbolisent effectivement la fusion entre l’intérêt d’un peuple, dans ses aspects socio-économiques liés à un territoire considéré comme son espace vital propre, et une volonté religieuse. Ce rapprochement, jusqu’à l’indistinction, du religieux et du politique est la source même de l’identité juive et du sionisme en particulier, qui fait du destin d’Israël la finalité même du judaïsme [4]. Cette conception théocratique et ethnocentrée de la chose publique semble être celle qui a surpassé toutes les autres dans l’Israël d’aujourd’hui, tant l’actualité nous en donne des illustrations. Ainsi, il est intéressant de noter que Benjamin Netanyahu, en son titre de chef d’État, s’est rendu à l’autre bout du monde, à Toulouse, pour rendre hommage à des membres de la communauté juive assassinés dans une école religieuse.
Quant aux Sicaires, leurs actes font sans doute d’eux les inventeurs officiels du terrorisme. Nous ajouterons qu’ils sont aussi probablement les inventeurs des opérations sous faux drapeau. Avec ironie encore, nous constatons donc que les opérations sous faux drapeau, qui provoquent des cris accusatoires de « complotisme paranoïaque antisémite » à leur moindre évocation, trouvent pourtant des échos véritables dans un épisode historique vieux de deux mille ans…
Par ailleurs, comme certains « analystes » se sont parfois basés sur des anecdotes ridicules, ou de sombres interprétations de versets religieux pour décréter que, définitivement, l’intolérance était un pilier de l’Islam, la violence inhérente au catholicisme, de même que le racisme aux peuples européens, nous les invitons à faire le même exercice de vulgarisation malhonnête à partir de l’histoire des Sicaires…