Le collège, disent les spécialistes autoproclamés, est le "maillon faible" d’un système qui ne compte plus de maillon fort. La réforme annoncée mercredi par Najat Vallaud-Belkacem en conseil des ministres, et largement diffusée dans une presse sceptique, met à mal, encore une fois, la nécessaire transmission des savoirs, qui ne peut passer que par un apprentissage disciplinaire rigoureux.
À bas l’égalité, vive l’égalitarisme !
Cette réforme réinvente l’eau tiède : pour ne heurter aucun groupe de pression, il n’est pas question de toucher au "collège unique", qui depuis quarante ans égalise par le bas les exigences. À noter qu’à part le Snalc, tous les syndicats ont choisi de conserver un système qui a fait largement la preuve de sa nocivité, puisque les plus faibles entraînent vers eux les moins démunis, au lieu de l’effet contraire escompté. Seule une politique intelligente de groupe de niveaux à géométrie variable permettrait de compenser les écarts de niveau.
Sous prétexte d’égalitarisme - qui n’est pas l’égalité -, on a décidé de commencer la seconde langue en cinquième, en consacrant à cet apprentissage la totalité des postes prévus au budget (et sous réserve que l’on trouve dès 2016, malgré la raréfaction des candidats, assez de professeurs linguistes pour l’enseigner). Les moyens humains et économiques manquant, il ne sera pas question de dédoubler les classes, condition nécessaire pour un apprentissage linguistique (par exemple en labos de langues) un peu cohérent. De la langue ibérique les élèves connaîtront sans doute, en fin d’année, Un, dos, tres - l’espagnol revu et corrigé par M6 et W9.
Le but unique de cette réforme est de mettre en extinction les parcours supposés "élitistes", classes européennes ou classes bilingues. De surcroît, cet apprentissage se faisant à moyens constants, il ne pourra se mettre en place, annonce le ministère, qu’en défalquant une heure aux emplois du temps de la "première langue" en quatrième et en troisième. Inutile de dire que ce n’est pas ainsi que l’on forme des élèves trilingues.
Faut-il rappeler que l’urgence n’est pas d’apprendre précocement l’espagnol ou l’allemand ? C’est de savoir parler et écrire le français. La nouvelle définition du "socle de compétences", toujours plus bas, ne facilitera pas cet apprentissage primordial - y compris dans la perspective de l’enseignement de langues étrangères.