Rappel : Le groupe Total (7,8 milliards de bénéfices en 2009) menaçait de fermer la raffinerie des Flandres au prétexte de "surcapacité" et de non rentabilité. La direction du groupe parlait de "compenser" la fermeture par la création d’un centre d’assistance technique.
En janvier, le patronat des industries pétrolières avait d’ores et déjà annoncé sa volonté de fermer "environ une quinzaine de raffineries européennes. "
Politique de délocalisation, de "baisse du coût du travail", avec son cortège de licenciements et de misère sur fond de désindustrialisation.
La fermeture de la raffinerie des Flandres, sur le site de Dunkerque, représenterait une catastrophe économique pour toute l’agglomération Dunkerquoise déjà durement frappée par le chômage.
En plus des emplois directement liés au site, seraient touchés les sous-traitants, les sociétés de ménage, les commerces, et toute l’activité portuaire. Au total, si l’on peut dire, les experts estiment que plus de 2500 emplois risquent d’être anéantis.
Une question de survie, pure et simple, pour les travailleurs et la population.
Aussitôt les salariés du site et des entreprises sous-traitantes de Dunkerque se mettent en grève. Le 17 février les six raffineries françaises du groupe Total les rejoignent.
Enjeu national, classe contre classe, les choses paraissaient claires et nettes.
Les ouvriers disaient : "les projets de substitution ? foutaises ! Nous devons exiger le redémarrage de la raffinerie des Flandres."
Le bras de fer pouvait commencer, les capitalistes ayant pour eux le gouvernement et les média, et les ouvriers, en principe, leurs organisations syndicales.
Hic est quaestio, car c’est précisément ici que rien ne va plus, que les choses ne tournent pas rond, "veut on nous faire tourner en rond ? Nous faire manifester chaque semaine jusqu’à épuisement" disaient les travailleurs lors des dernières manifestions.
Faire tourner les ouvriers en rond mais de préférence autour des tables rondes.
Alors que les assemblées de grévistes décidaient la poursuite du mouvement, que ce dernier prenait de l’ampleur et menaçait de s’étendre aux deux raffineries d’ExxonMobil à Notre-Dame-de-Gravenchon (Seine-Maritime) et Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), et même à la raffinerie du groupe Ineos à Lavéra (Bouches-du-Rhône), où la CGT avait déposé des préavis, tout à coup, la direction confédérale de ce syndicat par la bouche du coordinateur Charles Foulard déclare :
-"C’est le moment ou jamais d’en découdre avec Total " (-hourra ! voila qui est parlé !)
-"sur l’avenir du raffinage en France" (-heu.. ouais mais l’avenir du site des Flandres ? )
-"pour lequel nous voulons une table ronde, [...] avec Total mais aussi avec les élus" (-Une Table Ronde ? Qui veut une table ronde ? T’as réservé une table ronde toi camarade ? )
Si ce n’est toi c’est ceux qui parlent en ton nom, la direction de la CGT et même le PCF qui dans l’Humanité du 22 février, renchérit : "dans la négociation d’hier la CGT a réclamé la tenue d’une table ronde sur Dunkerque, [...] ainsi qu’une table ronde sur l"avenir du raffinage."
Aussitôt dit, aussitôt fait, le gouvernement et Total se sont empressés de dresser toutes les tables rondes et les "expertises européennes" que l’on veut, tout en maintenant la fermeture du site des Flandres et confirmant la vente des dépôts.
Le 23 février, le coordinateur Foulard a appelé à suspendre la grève. "Il faut savoir terminer une grève !" disait Maurice Thorez en 1947.
C’est sous les huées, les "on a rien obtenu ", que les délégués CGT ont annoncé lors des assemblées dans la nuit, aux ouvriers ulcérés la fin de la Grève et les relevés de conclusions que la direction CGT a signé avec Total.
"La direction s’engage à demander à monsieur le préfet du Nord-Pas-de-Calais, l’organisation avant fin mars d’une table ronde portant sur les perspectives du bassin dunkerquois et à y participer." C’est ça que la direction confédérale appelle une "avancée".
Paroles, paroles, sur les trois pages du relevé, le gouvernement et Total veulent bien parler de choses générales, avenir du raffinage, écologie, etc., mais ne s’engagent nullement au sujet du rédémarrage de la raffinerie, au maintien des centaines d’emplois menacés de suppression.
On le comprend cette politique de la Table Ronde qui fait table rase des revendications des salariés, fait le bonheur des capitalistes.
"Relisez toute l’histoire du début du quinquennat et vous verrez en permanence affleurer la trame d’une alliance objective passée entre Nicolas Sarkozy, le président de la République, et Bernard Thibault."
Cette grande alliance Sarkozy-Thibault est évidemment ni officielle (surtout pas) ni permanente, elle a ses heurts nombreux. Mais elle s’ancre dans la durée car elle est légitime."
Ce n’est pas moi qui l’écrit, mais monsieur Eric le Boucher directeur de la rédaction d’Enjeux les Echos, le journal des capitalistes en France.
Cette alliance est jugée "légitime" par ce représentant des intérêts bien compris du Captital parce que, selon lui, elle permet de "déminer le terrain social devenu très dangereux. Le dialogue a permis d’éviter des embrasements."
C’est un peu court il me semble. Sans doute ces embrassades entre l’Oligarchie financière et ses serviteurs à gage syndicaux évitent pour le moment bien des embarrasements, mais des embrasements c’est une autre affaire.
C’est peut-être même le contraire. Si la voie de la lutte de classe classique conduit, par l’intermédiaire des tables tournantes, les travailleurs à ne jamais obtenir rien d’autre que des ectoplasmes, il est à craindre que bientôt, ne sonne l’heure des brasiers.