À cause de l’Internet, il n’y a plus de pause dans l’info. L’actu, c’est 24 heures sur 24 et ce 365 jours par an. On a beau être un dimanche à 6h23 du matin, un mardi 15 août à 12h33, l’actu poursuit sa route folle. L’actu est une bagnole dont les hommes ont perdu le contrôle. Ils essayent bien de donner quelques coups de barre ou de volant à droite à gauche, mais la vitesse augmente, augmente… Le seul point positif, c’est qu’il n’y a pas de mur. Du moins encore.
L’actu, pourtant, se sédimentera avec le temps et disparaîtra comme les coquilles des ancêtres des crustacés de l’océan primitif, que l’on retrouve dans les murs en meulières de nos demeures bourgeoises. Il n’en restera que poussière. Ou une vague et fine couche géologique, que nos descendants – si on en a et si on ne se descend pas entre nous avant – étudieront avec curiosité. Nous sommes les dinosaures de l’humanité, ne l’oublions pas.
Nous sommes tous des pédaleurs dans la choucroute ultralibérale
On redescend sur terre sans se crasher non plus avec la grande polémique uberiste des livreurs à vélo. Ces moins que rien d’un point de vue syndical ont fait grève pour résister à la dérive ultralibérale de leur métier, si l’on peut oser ce pléonasme, l’ultralibéralisme étant une dérive à part entière. La dérive d’une économie sous contrôle, incluant le respect du travail et du travailleur. Là c’est fini, et les coursiers de Deliveroo nous donnent sans le savoir un avant-goût de l’avenir macronien pour tous : augmentation de la précarité, course au travail (quand y en a), concurrence accrue entre les pédaleurs, accélération des trajets provoquée par la baisse des tarifs...
Il y a quelque chose de diabolique dans ce système économique. On donne moins pour obtenir plus ! La seule chance de résister à cela, c’est de s’organiser sur la base d’une conscience collective. Bon, on va pas refaire 1917.
Le risque pris par les cyclistes livreurs dans les grandes conurbations est l’illustration parfaite de la dérive libérale : ça pousse l’être humain jusqu’à l’extrême limite pour gagner sa vie. La dissidente correcte Natacha Polony y est allée de son gros papier anti-Airbnb dans Le Figaro, ce qui est assez paradoxal, d’un point de vue idéologique. Mais l’important est de passer le message. Nous avons raisonné précédemment en termes micro-économiques, elle pense macro :
Le capitalisme californien, mariage de la dérégulation financière et du numérique, n’a rien de la gentille utopie collaborative qui s’appuie sur le partage pour créer une nouvelle forme d’économie. [...]
Certains s’imaginent encore que ce système économique a quoi que ce soit à voir avec le libéralisme. Une concurrence parfaitement déloyale, la déstabilisation de secteurs économiques qui contribuent à la richesse nationale par des emplois, des savoir-faire et le paiement de leurs impôts, l’instrumentalisation du droit, l’absence de toute décence et la prédation érigée au rang d’art de vivre, voilà qui aurait scandalisé les penseurs du libéralisme classique, mais qui semble tout à fait acceptable aux zélateurs actuels de l’économie dérégulée. Ceux-là tentent de nous faire croire que refuser ce système à la fois injuste et destructeur reviendrait à prôner la collectivisation soviétique des moyens de production. C’est confondre la liberté d’entreprendre avec le droit de piller. C’est oublier, surtout, que ce modèle ne relève d’aucune nécessité, mais bien de choix politiques.
Ça tombe bien qu’on parle de la belle Amérique, avec son passé sur la côte Est (c’est nous) et notre futur sur la côte Ouest puisque les événements de Charlottesville – une manif d’ultradroite, une contre-manif, une voiture-bélier, un mort et des blessés – retentit chez nous au milieu des murs de la grotte médiatique. Pensez donc, des nazis, des KKK, des hommes blancs qui hurlent, des tenues paramilitaires, tout ça mollement critiqué par Donald Trump, c’est la preuve que ce fils de nazi est bien un nazi.
Fils de nazi, oui, c’est Le Monde qui revient sur les liens entre le père de Donald et le KKK. Fred Trump, en 1927, participe à une bagarre de souverainistes blancs. L’article du NYT (New York Times mais c’est chiant à écrire donc on l’écrira plus en entier) refait surface à chaque fois qu’il faut accoler l’étiquette de « nazi escroc » à Donald, puisque papa Fred aurait trempé dans des affaires immobilières louches.
Trump Jr est quand même intervenu en disant que « le racisme, c’est mal », ce qui a dû faire rigoler la moitié de l’Amérique. Jaune ou pas.
Le Monde relaye donc, la main sur le cœur pur, la propagande anti-Trump du NYT. La propagande, finalement, c’est une façon particulière d’utiliser l’info. Qui est un produit comme un autre, et qui est donc transformable selon les intérêts de chacun.
On reste en Amérique mais toujours du côté français avec cette déclaration fracassante du grand opposant du FN dans le showbiz communautaire : Dany Boon. Par un petit tweet à moitié honteux (c’est comme rompre par SMS) il déclare qu’il va désormais vivre aux États-Unis pour le bien-être de ses enfants. Merde, ce grand esprit qui donnait des leçons de bien-voter aux Français pendant la grande panique anti-FN des 1er et second tour des présidentielles… L’hebdomadaire Gala précise que « l’acteur français est vivement critiqué sur Twitter ». Hum, vivement critiqué, on dirait plutôt lourdement tomaté, pour rester poli. Désormais, la moindre déclaration sur la France lui reviendra en 100 fois plus fort dans sa poire de clown.
« Si je vis à Los Angeles c’est pour pouvoir emmener mes enfants au foot et faire des courses avec eux. Les enfants de parents connus ont toujours l’impression qu’on leur vole leur père ou leur mère »
Quelques « réactions », parmi les plus sages :
« C’était bien la peine d’avoir pleuré l’élection de Trump puis intimé aux Français de voter pour Macron » commente un internaute.
Un autre s’emporte : « Après avoir joué les humanistes, Dany Boon part vivre aux USA “pour le bien de ses enfants”. Le parfait exemple de la fausse charité ! ».
Enfin, un dernier ajoute en colère : « Dany Boon est parti vivre aux USA pour “le bien de ses enfants”. En revanche, pour les vôtres, la plèbe, il réclame toujours + de migrants ».
Pour info, cet hypocrite de première est en train de tourner La Ch’tite famille dans le Nord… Le filon français, le couillon de Français, ça rapporte !
Cette photo résume parfaitement la situation de la France.
Dramatique.#FranckRibéry pic.twitter.com/qECSDJjwgW— Guill. de Longeville (@gdelongeville) 15 août 2017
Dany a tourné dans le Nord, et les gentils Ch’tis se sont précipités pour le voir. Mais le néo-Californien n’a pas fait profiter les commerces locaux de sa présence, un peu comme Airbnb qui fabrique des millions dans un pays qui n’en voit pas la couleur. Anthime Lamote, patron du bar Aux Trois Rois, interrogé par La Voix du Nord :
« On ne l’a pas senti sur la fréquentation, mais c’est pas grave. On a quand même envie que son film réussisse parce qu’on l’aime bien, nous, Dany Boon. »
Mais le plus émouvant reste à venir :
70 enfants de la commune ont par ailleurs eu la chance de se rendre sur le tournage et de rencontrer les équipes. Ils sont tous repartis avec une photo. Et tous les comédiens ont eu un mot et un sourire pour chacun. De quoi laisser de beaux souvenirs aux enfants, qui ont vécu des vacances peu ordinaires.
Quelle générosité ! On en a les larmes aux yeux. Ça rassure sur l’être humain. Avec Dany , la France est bien partie pour rire de bon cœur et oublier l’ultralibéralisme dérégulateur qui va impacter la vie et le portefeuille de tous (sauf celui de Dany, qui en profite), y compris ceux qui vont applaudir les vannes très très légères de cet agent « comique » du Système. Écoutez sa trouvaille hilarante :
Ben oui qu’il est sympa, l’Dany. Et puis un tournage en France, c’est déjà ça que les Roumains n’auront pas, et pis ça fait du bien au tourisme, qui a un peu morflé en 2015-2016, suite aux événements parisiens (sans oublier Nice). La grosse chute de fréquentation est en train d’être résorbée à Paris, la ville ruinée par la gestion hidalgoiste qui fabrique en douce des dettes pour 20 ans et des impôts locaux chasse-pauvres.
Mais rien n’est trop beau pour la dominance culturelle qui veut « ses » Jeux en 2024 (les autres capitales ont reculé devant la note) et qui préfère les touristes aux classes populaires. Paris va finir en décor flamboyant pour le touriste mondial et en étape historique pour l’hyperclasse du même nom. Entre les deux, du personnel de service pour faire tourner la machine, quelques banlieusards qui veulent rêver un peu, et c’est tout.
Pourtant, Paris c’est autre chose, enfin, théoriquement : c’est un esprit, qui mélange la fronde et l’art, un souffle de liberté et de savoir-faire dans la jouissance de la vie qui fait encore saliver le monde entier. Petite visite guidée sur la Buttte :
Pour finir, une info pleine de sens pour ceux qui pensent que la France est en train de se dissoudre dans le mondialisme, cette purée américano-sioniste qui détruit les frontières pour constituer un marché mondial bourré de gentils esclaves sous neurodépresseurs. C’est en 1968 qu’a eu lieu le dernier Tour de France par équipes nationales.
Où l’on apprend que le Tour était moribond dans les années 20, et que c’est la « nationalisation » de la course qui l’a relancé, sans oublier la caravane publicitaire et le développement de la radio. Mais c’est en 1968 donc que les équipes de « marques » prennent le pas sur les équipes nationales, une date qui marque le basculement de la France dans le libéralisme.
1968, une sacrée date charnière, n’est-ce pas ? C’est drôle, en 50 ans on est passés d’un cyclisme national à des cyclistes shootés à l’ultralibéralisme à 5 euros de l’heure dans les rues des grandes villes. La Boucle est bouclée...