L’affaire des deux navires de la classe « Mistral », que la Russie avait commandé à la France, et que la France a refusé de livrer en raison du conflit en Ukraine, semble devoir connaître son épilogue.
Un communiqué du gouvernement russe, confirmé par une déclaration de M. Le Drian, le Ministre de la défense, annonce que les deux pays ont trouvé un accord : la France va rembourser à la Russie les sommes payées par cette dernière, soit environ 1,16 milliards d’euros. Cet accord est plutôt avantageux pour la France. La Russie était en droit d’exiger des pénalités de rupture de contrat pour un montant bien plus élevé. Pourtant, le gouvernement russe a décidé de ne pas poursuivre le gouvernement français et d’accepter un accord à l’amiable. Il y a là, incontestablement, un geste de bonne volonté de la part de Vladimir Poutine. La France s’en tire donc à bon compte. Mais, le coût, pour la France, de cette lamentable affaire risque d’être, en réalité, bien plus élevé [1].
Le coût pour la France
Le coût financier ne se limitera pas à la somme que la France va rembourser à la Russie. Ces deux navires, le Vladivostok et le Sébastopol ont été construits aux normes russes, qu’il s’agisse des équipements de communication ou des équipements électriques et techniques. Cela rend ces deux navires inutilisables par une marine occidentale. En fait, si la France veut les revendre à un autre pays, les deux seuls pays qui peuvent utiliser ces navires tels quels sont soit la Chine soit l‘Inde. Pour pouvoir les revendre à d’autres pays, il faudra refaire une partie de l’équipement et des moyens de communication, ce qui devrait entraîner une dépense supplémentaire de 400 à 500 millions d’euros. Or, il est plus que probable qu’aucun acheteur n’acceptera de payer ce surcoût, qui restera à la charge de la France. Quand bien même la France trouverait un acquéreur pour ces deux navires, et que cet acquéreur accepte de payer le prix que la Russie avait – elle – accepté, la perte pour les chantiers, et pour l’État, serait de 400 à 500 millions d’euros.
Il y a aussi un coût industriel. L’annulation de cette vente compromet toute une série d’autres contrats que pouvaient espérer l’industrie française. C’est aussi au coup dur pour les chantiers navals français. Quoi qu’en disent les russes, qui n’ont – bien évidemment – aucun intérêt à ébruiter cette affaire, des transferts de technologies importants ont été consentis par les industriels français, que ce soit dans le domaine des moteurs diésels, dans celui de la conception même des navires, ou – plus simplement – dans la réorganisation industrielle des chantiers russes. En effet, on oublie que ces derniers vont construire deux unités jumelles de celles dont la vente a été annulée. Ces deux unités seront construites dans les chantiers navals de Saint-Pétersbourg, et ces derniers pourraient construire, à partir de 2020, un développement de la classe « Mistral », qui sera à la fois plus gros et plus rapide. Le coût industriel ne se limitera pas à cela. Le plan de charge des chantiers navals français sera durablement affecté par cette annulation. Entre le transfert de savoir-faire, le développement d’une capacité de production concurrente, qui pourrait peser sur de futurs contrats car les coûts de production des chantiers navals russes sont inférieurs à ceux des chantiers navals français, et une perte en terme d’emploi, le coût industriel de cette annulation sera certainement élevé.