Le 9 septembre 2001 mourait en Afghanistan le commandant Ahmad Chah Massoud, deux jours avant les attentats sous fausse bannière du Pentagone et du World Trade Center.
Issu d’une famille aisée qui l’avait scolarisé dans un lycée français de Kaboul, Massoud parlait assez bien le français, comme on peut l’entendre dans la séquence ci-dessous (extrait de Une vallée contre un empire, documentaire de Christophe de Ponfilly et Jérôme Bony, 1981) :
Il était francophile et entretenait de bonnes relations avec la France. En avril 2001, il fut invité au Parlement européen à Strasbourg à l’initiative de sa présidente française, Nicole Fontaine. Dans une interview donnée à des journalistes russes, il avait cité comme son héros et modèle le Général de Gaulle ; à voir dans le beau documentaire de Christophe de Ponfilly, Massoud l’Afghan, à 32:25 :
Avocat de formation, lettré et amateur de poésie, Massoud n’aimait pas la guerre, mais l’acceptait comme une épreuve à laquelle Dieu soumet les hommes. Il s’y dévoua corps et âme, comme à un sacerdoce, dans la pure tradition du jihad. Mais il ne combattait pas pour l’islam ; il combattait pour son pays et pour la liberté de son peuple contre l’oppresseur — les Soviétiques d’abord, puis les Pakistanais, dont les talibans étaient à ses yeux les mercenaires. C’était un guerrier d’un autre âge, peut-être le dernier guerrier héroïque, avant l’âge des drones.
Peut-être n’était-il pas irréprochable ; on prétend par exemple que, dans les années 70, il avait fini par pactiser secrètement avec les Soviétiques ; si c’est le cas, cela prouve qu’en stratège réaliste, il savait hiérarchiser ses ennemis, et percevait correctement les islamistes radicaux soutenus par le Pakistan avec l’argent américain, comme de pires ennemis que les Russes, qui après tout ne souhaitaient rien de plus qu’un régime laïc loyal à Moscou.
Massoud fut assassiné par deux Tunisiens munis de passeports belges et se faisant passer pour des journalistes, mais armés d’explosifs dissimulés dans leur matériel. Selon la thèse officielle, ces deux Tunisiens étaient commandités par les talibans et leur hôte saoudien Oussama Ben Laden. Ceux-ci voulaient éliminer Massoud avant de perpétrer leurs attentats sur le sol américain, car ils anticipaient, en représailles, une attaque des États-Unis, lesquels se seraient alors naturellement alliés à Massoud contre leur régime. Cette explication est absurde. Premièrement, les talibans, qui n’avaient pas jusque-là réussi à vaincre l’Alliance du Nord de Massoud, n’étaient certainement pas assez idiots pour espérer, une fois débarrassés de lui, tenir en échec l’armée américaine. Deuxièmement, Massoud n’était pas l’allié, encore moins l’obligé des Américains. Ces derniers ne l’ont jamais soutenu concrètement dans sa lutte contre les Soviétiques, car ils s’en remettaient à l’ISI pakistanais pour soutenir à la place les groupes islamistes radicaux comme celui de Gulbuddin Hekmatyar, lequel était d’autant mieux contrôlable qu’il ne disposait d’aucune base populaire. Ahmed Chah Massoud et son Alliance du Nord, culturellement proches de l’Iran, étaient hostiles à l’ingérence du Pakistan et devinrent les ennemis jurés des talibans formés au Pakistan. Dans cette nouvelle lutte, Massoud ne reçut encore que très peu de soutien américain concret.
Massoud était, en réalité, destiné à devenir le De Gaulle de l’Afghanistan : celui qui, après la libération de son pays par les troupes américaines sous mandat de l’ONU, aurait résisté de toutes ses forces contre la volonté de domination des États-Unis. Si Massoud avait été vivant lors de l’invasion américaine, rien n’aurait pu s’opposer à ce qu’il devienne le président légitime, et il se serait érigé en rempart contre la mainmise politique et économique des Américains.
Une fois débarrassé de Massoud, le gouvernement de George W. Bush a pu tranquillement installer Hamid Karzaï, un opportuniste que Massoud avait mis en prison en 1994 parce qu’il le soupçonnait d’être un agent du Pakistan, et qui s’était par la suite vendu aux Américains comme agent d’UNOCAL.
Comme dans tous les attentats islamistes de cette sorte, où les coupables désignés sont liquidés avant de pouvoir être interrogés (l’un des deux assassins fut tué par sa charge explosive, l’autre abattu dans sa fuite), la thèse officielle sur l’assassinat de Massoud suscite de lourds soupçons de manipulation. Mais les théoriciens du complot peuvent au moins s’accorder avec la thèse officielle sur une chose : les commanditaires de l’assassinat de Massoud furent très certainement les mêmes que ceux des attentats du 11 Septembre. Il faut se souvenir que la nouvelle de l’assassinat de Massoud par les talibans et leurs alliés d’al-Qaïda, diffusée mondialement le 10 septembre 2001, prédisposait de façon remarquablement efficace l’opinion publique à accepter la mise en accusation quasi instantanée de Ben Laden comme responsable des attentats du 11 septembre.
C’est pourquoi Massoud mérite de figurer, dans le panthéon de la résistance, comme la première victime de l’Empire dans cette guerre ignoble dont le 11 Septembre marque le déclenchement.
Que son âme souriante veille, depuis le « Jardin de Dieu », sur son peuple martyr, qui a fait de lui son héros national !