Le soulèvement social qui s’est produit ces dernières semaines au Chili a fait l’objet d’une couverture unanime : un coût de la vie en augmentation, des inégalités qui montent en flèche, des services publics privatisés, des retraites misérables.
Ce sont les raisons pour lesquelles les masses chiliennes sont dans la rue. Le salaire moyen au Chili est de 778 $ par mois, alors que le coût de la vie est comparable à celui de l’Europe Occidentale ! 1 % de la population du pays possède 26,5 % des richesses. Donc, il n y a aucun doute sur la nécessité de réduire radicalement les inégalités dans le pays.
Mais ce mouvement social fait-il partie d’un soulèvement révolutionnaire contre le capitalisme en Amérique latine ? J’argumenterai ici que ce n’est définitivement pas le cas. En premier lieu, nous devons clarifier qui sont réellement les protestataires ; qu’est-ce qui motive leur courroux contre la direction du président Sebastian Pinera, et qui sont exactement leurs alliés sur le plan international. Ce qui suit n’est pas tant une défense du président Pinera qu’une critique de l’idéologie et des objectifs politiques des opposants.
Qui est l’ennemi de Pinera ?
Le président Pinera a dit que son gouvernement a été confronté à un « ennemi puissant ». À qui a t-il fait allusion ? Les médias de masse ont tous sous-entendu qu’il faisait allusion au peuple chilien. J’en doute fortement. Je suggérerais plutôt une allusion au Foro de São Paulo, ou Forum de Sao Paulo (FSP). Le FSP a été formé en 1990 en tant que think tank latino-américain qui devait promouvoir des organisations de base manifestant pour la justice sociale. Cependant, l’organisation s’est bien plus focalisée sur une opposition au libéralisme que sur la formulation d’une économie politique radicalement alternative. Bien que des critiques d’extrême droite traitent cette organisation de « communiste », c’est en fait un forum trotskiste et mondialiste de gauche : ce qui signifie qu’il utilise des slogans qui sonnent de gauche pour donner de l’avance aux intérêts de l’élite. À part le Parti communiste chilien (Action prolétarienne) qui propose la nationalisation des transports publics et une nouvelle assemblée constituante, l’idée directrice du mouvement semble être plus sur la ligne d’un agenda petit bourgeois du FSP.
Pourquoi trotskiste ? Quiconque connaît la politique latino-américaine vous dira que le trotskisme a toujours extrêmement influencé la gauche. Le FSP a été formé comme une réponse à l’écroulement du capitalisme bureaucratique d’état dans l’ancienne URSS et en Europe de l’Est. L’interprétation dominante au sujet de l’URSS et de sa contribution au socialisme est négative et est parfaitement conforme aux critiques de Trotski – qu’en fait, elle n’a jamais « vraiment été socialiste », ce qui est faux.
C’est pourquoi le FSP, contrairement à ce que pense à l’extrême droite, n’est pas techniquement une organisation communiste, ni ne propose une alternative au capitalisme. Au contraire, il se focalise sur la promotion d’un capitalisme à visage humain ou dans des termes sans doute maoïstes, un capitalisme avec des « caractéristiques sociales. » Mais même les caractéristiques sociales qu’elle proclame promouvoir n’ont rien à voir avec une alternative au capitalisme. Ces dernières années, le féminisme, la confusion des genres, l’indigénisme et l’écologisme sont devenus des discours dominants parmi la gauche latino-américaine. Ces programmes sont abondamment financés par les capitalistes les plus impitoyables et les plus ambitieux de la planète.
Pour les féministes et ceux qui soutiennent la confusion des genres, cela veut dire que la destruction de la famille naturelle est le point central de leur politique. Pour les indigénistes et les écologistes, la promotion de l’idée que les sauvages cannibales de l’Amazonie devraient être protégés de la « contamination » de la civilisation occidentale et que l’homme détruit la planète, leur sont chères. Bon nombre de ces idées viennent des écoles d’anthropologie naturelle de Franz Boas et Margaret Mead. Mead est célèbre pour avoir falsifié bon nombre de ses recherches qui ont fait le portrait de sauvages des îles Samoa comme une forme de super-utopie.
Le Pater familias
Que se passe-t-il donc au Chili ? Pourquoi Pinera a si mauvaise presse ? Les lecteurs en espagnol devraient consulter le site internet de M. Pinera et lire son programme politique. Vous remarquerez qu’il se réfère à la famille assez souvent. En fait, familia semble être le point central de sa rhétorique politique – accès à des crédits moins onéreux pour les familles, améliorer les revenus pour les familles, etc. Il y a là beaucoup d’images pour transmettre efficacement le message, et il ne s’agit pas seulement de familles bourgeoises heureuses ; il y a quelques images de famille monoparentales également. Pinera veut accroître le taux de natalité du pays qui est déclinant. Il s’oppose aussi à l’avortement et au mariage gay. Désormais, ceci est un problème pour le FSP.