Une rencontre secrète s’est tenue entre le secrétaire général de l’Élysée Alexis Kholer et son homologue camerounais Ferdinand Ngoh Ngho.
Le 19 août dernier, Alexis Kohler, le secrétaire général de l’Élysée et plus proche conseiller du président Macron, à l’occasion d’un voyage d’agrément de 48 heures en Suisse, a rencontré dans un hôtel son homologue camerounais Ferdinand Ngoh Ngoh.
La rencontre aurait été organisée par l’un des amis et conseiller du secrétaire général de la présidence camerounaise le député européen Jean-Luc Schaffhauser. Ce dernier lors des élections présidentielles françaises était intervenu pour l’obtention des prêts russes en faveur de la candidate Marine le Pen.
Il serait surprenant que le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian ait été informé d’une telle rencontre au préalable. Très impliqué depuis des mois dans les méandres de la diplomatie africaine, le ministre tente de trouver au sein de la famille présidentielle camerounaise ou dans l’entourage proche de celle-ci un successeur acceptable au président Biya et à son épouse Chantale qui paraît régir le pays de fait depuis des mois à travers Ferdinand Ngho Ngho.
Affaires de famille
Au cours de ce discret entretien, la discussion aurait porté sur la succession du président camerounais en cas de décès de ce dernier ainsi que sur la prise de contrôle du port de Douala par la Mediterranean Shipping Company (MSC) et sa filiale, le TIL.
La MSC est la propriété du milliardaire italo-suisse Gianluigi Aponte, dont on dit qu’il fait partie des 200 personnes les plus riches du monde. Sa femme Rafaela, la fille d’un riche banquier suisse, est la cousine germaine de la mère d’Alexis Kohler. Discrets et distants quant à leurs négociations avec le public, les Aponte sont très fiers de l’aspect familial de leurs affaires. Mais se pourrait-il que leurs « valeurs familiales » cachent une connexion de relations plus sinistre ?
Peu de temps après la rencontre entre Kohler et Ferdinand Ngoh Ngoh, le choix porté et la désignation officiélle du groupe MSC/TIL comme gestionnaire du port de Douala est annoncée.
La MSC soutenait pourtant de longue date le candidat de l’opposition anglophone au président Paul Biya, Maurice Kamto, un ancien officiel de l’ONU. Le Cameroon Renaissance Movement (MRC) (Mouvement de Renaissance au Cameroun – NDT) de Kamto a lancé des protestations violentes affirmant qu’il y avait eu des fraudes du gouvernement après avoir perdu les élections présidentielles face à Biya en 2018.
William Bourdon et Éric Dupont-Moretti, les avocats de Kamto, ont rédigé et fait publier avec un groupe d’autres avocats un courrier à l’intention du président Macron demandant la libération immédiate de Kamto et des opposant emprisonnés.
William Bourdon d’ordinaire publiquement plutôt scrupuleux sur les procédures dites « BMA » ne semble pas avoir montré le moindre intérêt pour la corruption de Ferdinand Ngoh Ngoh dont il est avéré qu’il a amassé des fortunes dans des tractations douteuses et fait l’objet de nombreuses enquêtes.
En se référent à des marches de protestations soutenues par les États-Unis, les auteurs de la lettre disent notamment que les intérêts à long terme de la France ne doivent pas aller contre la « marche de l’histoire ».
Que veulent dire les avocats précisément lorsqu’ils parlent d’intérêts français ? La lettre sera publiée peu de temps après l’entrevue entre Alexis Kohler et Ferdinand Ngoh Ngoh. Les avocats français ont-ils sans en avoir conscience influé sur les décisions qui ont modifié les rapports de force au Cameroun après l’arrivée de la MSC favorable à Kambo et aux Anglo-Saxons ?
Fin juillet, à la suite de l’audience accordé par le président Paul Biya malade convalescent à l’ambassadeur de France, le diplomate français sera rapatrié et remplacé sur instruction discrète de l’Élysée car jugé comme trop proche ou favorable aux positions de la famille Biya. Dès lors, un axe et une stratégie semblent se dessiner dans le contexte de cette fin de régime considérée comme imminente au Cameroun. C’est dans cet environnement manifestement très particulier que l’Élysée paraît avoir validé le remplacement de l’exploitant français du port stratégique de Douala Vincent Bolloré.
Le 16 Septembre 2019 soit trois jours après l’attribution officielle du port de Douala à la compagnie italienne MSC, hasard du calendrier, Emmanuel Macron relance la diplomatie européenne par un voyage largement médiatisé en Italie pour établir de nouvelles relations de partenariat dans la construction européenne avec le nouveau gouvernement italien...
Un empire fragilisé ? Des intérêts stratégiques sacrifiés ?
La prise de contrôle par la MSC écarte le milliardaire français Vincent Bolloré du port de Douala, lui faisant perdre son monopole sur le commerce africain dans un contexte international très agressif, ce qui ne paraît pas poser de problème à la présidence française... MSC ne cache pas son ambition de s’emparer de tous les ports africains et communique de façon permanente ses intentions et les pays ciblés comme les 16 ports aujourd’hui en exploitation par le groupe français.
Ce n’est pas la première fois qu’Alexis Kohler utilise sa position publique pour ses intérêts privés. Il a déjà été sanctionné par la commission de déontologie pour avoir conseillé STX France dans ses négociations avec la MSC.
Une grande partie de l’économie française étant liée aux intérêts africains, la chute de l’empire Bolloré pourrait avoir des effets catastrophiques à long terme sur l’économie française et son influence géopolitique en Afrique.