Un fait divers très éclairant. Le 4 octobre dernier, une équipe de football composée de musulmans, le Créteil Bébel, doit recevoir le « Paris Foot Gay » - une équipe composée majoritairement de… gays (on s’en doutait). La veille du match, les dirigeants du club parisien reçoivent ce mail de leurs adversaires : « Désolé mais par rapport au nom de votre équipe et conformément aux principes de notre équipe, qui est une équipe de musulmans pratiquants, nous ne pouvons jouer contre vous, nos convictions sont de loin plus importantes qu’un simple match de foot, encore une fois excusez-nous de vous avoir prévenu si tard. »
Un message que le Paris Foot Gay s’empresse de publier sur son site Internet…
Et dixit un certain monsieur Pascal Brèthes, président de l’association « Paris Foot Gay » : « Est-ce que nous déciderions de la même manière de ne pas jouer contre une équipe de juifs, de musulmans, de noirs ? » Et d’ajouter qu’il s’agit, bien sûr, d’« homophobie ».
Ce qui est intéressant dans ce fait divers relativement grotesque, c’est qu’il montre très bien pourquoi les communautés peuvent devenir un problème pour le communautarisme.
Qu’est-ce qu’une communauté ? C’est un ensemble de gens qui mettent en commun une partie de leurs vies (base économique, sociale, politique ou spirituelle) parce qu’ils ont en commun des valeurs qui les différencient de ceux qui sont extérieurs à leur communauté.
Qu’est-ce que le communautarisme ? C’est une idéologie, instrumentalisée et promue par les réseaux du Capital. Cette idéologie a pour finalité secrète d’empêcher la société de fonctionner sur la base de valeurs, en affirmant la multiplicité des systèmes de valeurs à l’intérieur de la société. La manœuvre est évidente : rendre impossible l’affirmation de valeurs en sous-jacent du fait social, c’est obliger les individus, atomisés, à n’avoir comme lien que l’argent – donc précisément le vecteur du lien social que le Capital peut capter.
Quand le « Paris foot gay » se constitue, il le fait tout à fait dans l’esprit indiqué par un certain monsieur Jacques Stouvenel (dirigeant de la ligue de foot organisatrice du tournoi) : « La situation n’est pas acceptable, » déclare ce monsieur. « Le football n’a ni couleur, ni religion », poursuit-il. C’est-à-dire que le « Paris foot gay » plaît à ce monsieur parce qu’il n’affirme pas de valeurs ayant vocation à structurer le lien social : il affirme au contraire que ses « valeurs » ne constituent pas le sous-jacent nécessaire du lien social. Le communautarisme, c’est ça.
A l’inverse, le Créteil Bébel, quand il écrit au « Paris foot gay » pour lui dire, en substance, « nous n’avons pas les mêmes valeurs », affirme que les valeurs constituent le sous-jacent du lien social. Et une communauté, une authentique communauté, c’est ça.
Conclusion : les communautés authentiques peuvent devenir un problème pour les communautaristes. C’est exactement ce que dit Zahir Belgharbi, le responsable du Créteil Bébel, lorsqu’il explique : « Je constate souvent que nous ne sommes pas dans la même catégorie de Français, nous n’avons pas les mêmes droits. » Une communauté authentique, puisqu’elle est authentique, va en effet prendre appui sur le communautarisme, et ainsi démontrer l’absurdité du projet communautariste. Une société fondée sur le « droit à la différence » sans frontières débouche nécessairement sur le droit universel… d’affirmer l’inégalité des valeurs, donc, par contrecoup, la nécessité des frontières.
Aporie. Et fin de l’illusion multiculturaliste, idéologie d’encadrement du communautarisme…
Michel Drac - E&R Ile-de-France