[Observation, le 1er décembre 2020 : L’assassinat de Mohsen Farizadeh, principal scientifique nucléaire iranien, redonne une triste actualité à la question des assassinats commis ou commandités par le Mossad. Le Saker francophone conclut : « L’assassinat de Mohsen Fahrizade ne vise pas le programme nucléaire iranien. Son but est d’assassiner l’accord nucléaire avec l’Iran avant l’entrée en fonction du président élu Joe Biden. »]
Ron Unz, notre intrépide perturbateur du dogme établi, vient de publier un long essai où il fait le lien entre plusieurs de ses textes précédents, sous l’intitulé Mossad Assassinations [1] J’aime son style naturel, l’absence de pathos et de dramatisation, dans ce qu’il écrit. Quand on le lit, on a l’impression de bavarder avec un agréable voisin, qui gagne à être connu. Dans un biopic, c’est Henry Fonda qui devrait jouer le rôle. Pour moi, la longueur de ses essais (celui-ci fait 27 000 mots) ne constitue pas un défaut mais un avantage, et j’en fais tout de suite un résumé. Il s’agit de le suivre dans sa lecture du gros volume de Ronen Bergman Rise and Kill First (750 p.), l’ouvrage qui vient de paraître sur les assassinats par le Mossad, à partir d’une enquête serrée [2].
Unz a fait le tri dans cette montagne, et il est resté sur sa faim, pour une excellente raison : Bergman a volontairement soumis son étude des assassinats commis par le Mossad à la... censure du Mossad. Une telle prudence a épargné à Bergman la fureur du Kidon, comme on appelle l’unité des assassinats du Mossad, mais cela a rendu l’énorme pavé bien moins utile. Un livre sur des assassins, corrigé par un comité d’assassins, est un exercice d’hagiographie, mais non une évaluation historico-critique. Unz s’en est allé fouiller dans les lacunes du livre de Bergman, les sombres histoires où l’on n’a pas entendu aboyer les chiens, et, tel un glosateur médiéval, il a ajouté sa compréhension inestimable à un texte qui, sans lui, resterait fort obscur (peut-être à dessein).
Pourquoi devrions-nous nous intéresser au sujet, au fait ? Unz donne une réponse aussi courte que tranchante. Le Mossad a assassiné plus de gens que tous les services spéciaux des autres pays (plus que le sinistre KGB, la CIA déchaînée et le MI6 de James Bond) tous ensemble. « Le comptage de cadavres (par le Mossad) est supérieur au total de celui des autres grands pays du monde. Je pense que toutes les révélations scabreuses sur la CIA létale ou les complots du KGB pendant la guerre froide que j’ai vues commentées dans les récits des journaux ne feraient guère qu’un chapitre ou deux dans le livre interminable de Bergman », écrit Ron Unz.
Ce genre de faits s’était déjà produit par le passé, il y avait les Assassins d’Alamut, qui jadis contrôlèrent le Moyen-Orient. Les Assassins tiraient leur pouvoir de leur habileté et de leur disponibilité pour aller assassiner les chefs des Croisés comme les Sarrasins, ne laissant en vie que les gouvernants faibles et passifs qui obéiraient à leur commandement. En menaçant (et en tuant à l’occasion) les leaders européens et américains, les juifs, ces nouveaux Assassins, nous ont ouvert la porte sur le monde des politiciens frileux et corrompus, qui bavent d’amour pour eux au lieu de se soucier de leurs électeurs.
Et tout aussi important : si les USA régis par les WASP avaient globalement évité d’assassiner leurs opposants, avec l’ascendant juif, les tactiques du petit État d’Israël ont fini par être adoptées par le plus grand État juif, les USA. « L’administration Bush avait mené à bien 47 de ces assassinats-sous-un-autre-nom, tandis que son successeur Barack Obama, lui, en faisait abattre 542 de son propre chef, lui, l’éminent constitutionnaliste et prix Nobel de la Paix », tandis que Donald Trump a battu tous les records avec l’assassinat du général iranien. C’est pour cette raison que cette étude sur les assassinats du Mossad est à lire d’urgence, et que nous devrions suivre Unz dans sa lecture critique de Bergman.
Il n’y a pratiquement pas de nouvelle révélation dans le livre de Bergman, première révélation de Ron Unz. Toutes ces histoires, tous ces détails, mais pas un seul grand cas qui n’ait été déjà connu. Les objectifs suspectés restent cachés et non mentionnés. Il aurait pu évoquer le meurtre (ou soupçonné tel) d’Arafat, exécuté à l’aide du même isotope rare qui a tué le déserteur russe du KGB Litvinenko (un meurtre qui a été imputé aux Russes, alors qu’ils rejetaient avec insistance l’accusation), et un officier de l’Armée de l’air brésilien qui avait été assassiné de la même façon par le Mossad pour empêcher le Brésil de devenir une nation nucléarisée. Il semblerait que l’empoisonnement radioactif soit une marque de fabrique du Mossad. « Bergman se borne à rapporter les démentis israéliens catégoriques, puis il souligne que même s’il savait la vérité, il ne pourrait pas la publier dans la mesure où son livre a été entièrement rédigé dans le cadre du strict visa de censure israélien. »
Bergman fait de son mieux pour effacer le livre glaçant de Victor Ostrovky By Way of Deception, livre d’un déserteur du Mossad qui a miraculeusement évité le Kidon pour nous raconter ces coups mémorables. Le livre est à peine mentionné une fois dans une note en bas de page, tandis que son second livre, encore plus effrayant, n’est pas mentionné du tout, quoique ses révélations reçoivent un certain espace chez le prudent M. Bergman.
« Tandis qu’Ostrovsky explique certains des succès du Mossad par son emploi prolifique de sayanim, c’est-à-dire de juifs locaux prêts à offrir toute aide éventuelle, qu’il s’agisse d’un toit sûr, d’une voiture, d’un prêt, d’un transfert, le terme sayan ne figure même pas dans l’index du livre de Bergman. »
Il ne mentionne pas l’assassinat très sophistiqué du président pakistanais, le général Zia-ul-Hak, qui fut tué par l’injection d’un gaz létal dans la cabine d’un avion de ligne, ce qui provoqua le crash de l’avion, alors que cette technique pourrait éclaircir le mystère dans le cas de nombreuses catastrophes aériennes. Le général Zia avait créé la bombe nucléaire musulmane, chose qu’Israël voulait arrêter à tout prix.
Bergman ne parle pas du meurtre d’hommes politiques israéliens et palestiniens qu’ils considéraient trop « mous » et favorables à la paix. Aucun feu rouge ne les avait arrêtés, les tueurs. Ils sont fortement soupçonnés d’avoir abattu Yitzhak Rabin, le premier ministre israélien relativement intéressé par la paix ; ils n’hésitèrent même pas à tuer le dirigeant désigné du Mossad, le héros de guerre Yekutiel Adam, général et chef d’état-major adjoint, parce qu’ils considéraient qu’il ne tolèrerait pas leurs massacres gratuits. Ostrovsky parle de meurtre déguisé en suicide dans le cas du magnat de la presse britannique Robert Maxwell, que Bergman ne mentionne même pas. Il avait, après bien des années passées à servir le Mossad, eu la témérité de leur demander un prêt.
Il en ressort que les tueurs du Mossad n’ont pas été arrêtés par la dignité de la fonction présidentielle aux États-Unis. Ils avaient projeté d’assassiner le président Bush Sr en 1991 lorsqu’il avait essayé de forcer Israël à bien se tenir (Unz a vérifié et confirmé que les Services secrets US ont effectivement reçu un avertissement de M. Ostrovsky et l’ont pris très au sérieux). Ce projet fut éventé, mais Bush n’avait pas été réélu, pas plus que le président Jimmy Carter qui était considéré comme anti-Israélien par la ligne dure des juifs. Avant même que l’État d’Israël soit institué dans les faits, les prédécesseurs du Mossad avaient essayé de tuer le président Harry S. Truman. Au même moment, ils réussissaient à assassiner Lord Moyne d’Angleterre, de sorte que les présidents américains ont eu et ont toujours de très solides raisons pour prêter une oreille favorable aux requêtes juives.
Ron Unz rentre dans le détail de l’assassinat du président Kennedy en 1963. Suivant en cela l’enquête séminale de feu Michael Collins Piper, il pense que Kennedy avait été tué parce qu’il demandait à Israël de laisser entrer des inspecteurs dans le centre nucléaire de Dimona, et qu’il faisait pression pour la dénucléaristion d’Israël. Ce sujet, Unz l’avait déjà exploré auparavant, mais cette fois-ci il ajoute un détail très important.
Robert Kennedy fut assassiné alors qu’il était sur le point d’être élu président des États-Unis, de façon à éviter que le meurtre de son frère fasse l’objet d’une enquête. Un jeune Palestinien appelé Sirhan Sirhan avait tiré un coup de feu sur la scène, et fut rapidement arrêté et condamné pour le meurtre. Certains chercheurs ont longuement défendu l’idée qu’il n’était qu’une sorte de figurant utile dans le complot, agissant peut-être sous un certain type d’hypnose ou de conditionnement. Pure imagination ? Ron Unz a remarqué un récit comparable dans le livre de Bergman : au même moment, un autre jeune palestinien suivait des séances intensives de conditionnement hypnotique entre les mains du Mossad en Israël, parce qu’on le programmait pour assassiner le chef de l’OLP, Yasser Arafat.
Cela avait été décisif. Le Mossad a appris encore bien plus de son prédécesseur, le Vieux de la Montagne qui avait créé la secte assassine. Le conditionnement hypnotique explique le mystère de l’assassinat de Robert Kennedy, et peut-être de quelques autres ; Ronen Bergman n’a pas fait le lien, mais a permis à Ron Unz de le faire.
Bergman raconte une histoire terrible, où le Mossad chercha à terroriser à une grande échelle :
« Une grande vague d’attentats terroristes sous faux-drapeau avait été déclenchée en 1981 par Ariel Sharon, ministre de la Défense israélien. Sous la direction israélienne, de grandes voitures piégées se sont mises à exploser dans les quartiers palestiniens de Beyrouth et d’autres villes libanaises, tuant ou blessant d’énormes quantités de civils. Un seul attentat en octobre fit environ 400 victimes, et, en décembre, il y avait dix-huit explosions par mois ; leur efficacité se trouvait grandement augmentée par l’usage de la très innovante technique israélienne des drones. La responsabilité officielle pour tous ces attentats, c’est une organisation libanaise inconnue jusque-là qui la revendiqua, mais le but était de provoquer l’OLP afin qu’elle engage une riposte contre Israël, ce qui allait servir à justifier l’invasion planifiée par Sharon du pays voisin. Dans la mesure où l’OLP refusa obstinément de tomber dans le piège, on mit en œuvre le projet d’un gigantesque attentat sur le stade de Beyrouth à l’occasion de la cérémonie politique du 1er janvier, avec des tonnes d’explosifs, dans l’idée de provoquer morts et destructions "dans des proportions sans précédent, même selon les usages au Liban". »
Ce plan, c’est le Premier ministre Begin qui l’avait fait avorter. Quant à Unz, cette histoire lui a servi de déclencheur pour reconsidérer le 11 Septembre. Il avait écrit sur les tours jumelles auparavant, en rejetant les deux versions, celle du gouvernement, avec ses 19 Arabes armés de cutters, et celle, alternative, du « inside job » (complot au plus haut niveau), parce que personne, dans l’administration Bush, n’aurait osé exécuter un tel projet. Maintenant, avec la nouvelle référence de Bergman, on y voit plus clair. Ariel Sharon avait été empêché par son Premier ministre de tuer une centaine de milliers de gens dans le stade de Beyrouth en 1981 ; mais il était lui-même devenu Premier ministre en 2001, et là rien ne l’avait empêché de tuer trois mille habitants de New York. C’était risqué mais cela avait payé. En 2001, les États-Unis étaient un État pacifique et prospère, tandis qu’Israël était au bord de l’effondrement. Vingt ans plus tard, Israël prospère, tandis que les États-Unis sont en plein effondrement, conséquence du 11 Septembre.
Cependant, ni Unz ni Bergman n’ont tenté de replacer les assassinats du Mossad dans la continuité de l’histoire juive. Les assassinats juifs n’ont pas commencé avec le Mossad, ni même avec les sionistes. Cela fait partie de l’ADN juif, au moins depuis le XIXe siècle. Une femme juive avait pris part à l’assassinat du tsar Alexandre II en 1881. Le Premier ministre russe Piotr Stolypine, celui qui avait presque réussi à éviter la Révolution, fut assassiné en 1911 par le tueur juif Dimitri Bogrov. Entre ces deux actes, des milliers d’actes terroristes avaient été perpétrés, des milliers de personnages officiels avaient été assassinés dans l’empire russe, et les assassins étaient dirigés par deux terroristes juifs, Grigori Gershuni et Eugene Azef.
Les sionistes, à l’époque un petit mouvement, et le parti socialiste juif, le Bund, faisaient aussi dans le terrorisme appliqué. Certains terroristes, qui participaient à des organisations non juives, choisirent d’aller vers l’État juif naissant, en Palestine. Pinchas Rutenberg, terroriste et assassin, devint sioniste et homme d’affaires très en vue ; il implanta une compagnie électrique et il y a des rues qui portent son nom dans plusieurs villes israéliennes.
La Révolution russe ne mit pas fin au terrorisme juif : en 1919, une tentative pour assassiner Vladimir Lénine fut mise au point par Fanny Kaplan, juive. Lénine survécut, mais très diminué, et mourut en 1924 après une longue maladie. En 1953, Staline mourait dans des circonstances suspectes, après avoir affronté les juifs. Et le terrorisme juif a continué à régner ailleurs ; le président ukrainien en exil Simon Petlioura fut tué par un juif vengeur, de même que le diplomate allemand vom Rath.
Il y a des années, j’ai rencontré en Israël un vieux terroriste qui avait participé à bien des massacres dans la Russie pré-révolutionnaire, après quoi il s’était enfui en Palestine. Il me disait : pour que le terrorisme fonctionne, il te faut de la dynamite et des journaux. La dynamite sans le soutien médiatique, ça ne marche pas, et vice-versa. Sans les médias, on crée un martyr. Sans une véritable option létale, les gens à la tête solide ne vont pas se soucier de ce que vous pouvez écrire.
Nous entendons souvent dire que l’influence juive est basée sur la finance et les médias. Ce n’est pas toute la vérité. La peur de la mort est le troisième pilier de l’ascendant juif.
Un ennemi, ça peut être traité :
(a) Par les médias. Au début, ils barrent toute référence à son nom ; si cela ne suffit pas, ils l’attaquent ad hominem, non sur ses idées, mais par la diffamation.
(b) Par l’argent. Henry Ford essayait de combattre l’influence juive, mais il reçut une offre qu’il ne pouvait pas refuser ; il présenta ses excuses, fit brûler ses livres, et fit acte de repentance, le tout pour ne pas voir sa firme automobile mise en faillite.
(c) Par l’assassinat proprement dit, pour ceux qui ne tiennent ni à l’argent ni à leur réputation.
Tandis que les juifs maniaient tout cela depuis longtemps, l’État d’Israël a fait de l’assassinat une production de masse. Il y a des milliers de noms, des milliers de tués, diffamés, ruinés, partout dans le monde. Et c’est un problème inhérent à la notion d’État juif ; cet État ne saurait être différent. « La tradition juive est sournoisement ethnocentrique et elle déshumanise les gens extérieurs avec un empressement unique », écrivait Ed Herman dans son Triomphe du marché.
Il est là, le problème, avec « l’accord du siècle » de Trump : non seulement il est injuste avec les Palestiniens (mais la vie elle-même est injuste), mais il préserverait un État juif séparé.
Même un État juif plus petit serait le siège du Mossad et de son unité d’assassinats, le Kidon, pour menacer les présidents et les hommes politiques. Même un État juif réduit possèderait des armes nucléaires et tiendrait le monde en respect. Même un État juif plus petit serait empoisonné par son idéologie profondément enracinée et extrêmement xénophobe, et cet État restera une source de contamination idéologique pour les descendants de juifs comme pour les non juifs.
Le vieil État assassin d’Alamut fut conquis par les Mongols et ces guerriers impitoyables chassèrent les Assassins de leurs caches dans les montagnes, et démantelèrent définitivement leurs conspirations. Leurs descendants inoffensifs sont les Ismaéliens, qui vivent paisiblement et ne troublent la paix de personne. Si nous ne parvenons pas à régler le problème, il y aura de nouveaux Mongols pour démanteler l’État d’Israël et rendre les descendants de juifs aussi inoffensifs que les Ismaéliens.
Cependant, le problème peut trouver une solution pacifique, par la fusion d’Israël et de la Palestine en un seul État démocratique comme l’Afrique du sud a fusionné, au lieu de se laisser glisser sur la pente des Bantoustans, comme le suggèrent Trump et Kushner. Ce pays ne serait pas exclusivement juif, mais de nos jours il n’existe plus d’États purs ethniquement ou religieusement. On en aurait fini avec l’État des Assassins juifs et Israël se verrait pacifiquement absorbé dans la région, et les descendants de juifs dans chacune de leurs nations actuelles.