La seconde partie est et sera immédiatement accessible aux contributeurs au financement participatif de la Rédaction d’E&R à partir de 2 euros/mois.
Partie 1 : L’héritier et le justicier
John Junior et l’héritage de Camelot
Les projets de John Junior en 1999
JFK Junior en théoricien du complot
Partie 2 : L’assassinat et le mensonge d’État
L’appel de 21h39 et l’explosion
Enfumage médiatique
John Junior était-il inexpérimenté et imprudent ?
Un protocole de sécurité nationale
Cui bono ?
Le 16 juillet 1999, John Fitzgerald Kennedy Junior pilotait son avion privé, un modèle Piper Saratoga II, avec sa femme Carolyn Bessette et sa belle-sœur Lauren Bessette. Parti de l’aéroport du comté d’Essex dans le New Jersey, près de New York, il devait déposer Lauren à l’aéroport de Martha’s Vineyard, une île au large du Massachusetts, avant de poursuivre son vol avec Carolyn jusqu’à Hyannis Port, résidence familiale des Kennedy, pour le mariage de sa cousine, Rory Kennedy, prévu le lendemain. À 21h39, tandis qu’il approchait de Martha’s Vineyard, John demanda à la tour de contrôle l’autorisation d’atterrir en ne donnant aucun signe de difficulté.
Moins de deux minutes plus tard, des témoins entendirent et virent une explosion dans le ciel, au moment précis où l’avion de John piqua soudain du nez et plongea dans l’océan à la vitesse moyenne de 24 mètres par seconde, selon un enregistrement radar. Le jour suivant, des bagages provenant de l’avion furent trouvés flottant à environ 3 kilomètres du dernier point de contact radar.
Les opérations de recherche et de sauvetage furent conduites par l’Air Force et la Navy selon un protocol de sécurité nationale, et l’information placée sous le contrôle du Pentagone. Le National Transportation Safety Board (NTSB) conclut son enquête onze mois plus tard, et annonça à la presse, comme « cause probable » du crash, « l’échec du pilote à maintenir le contrôle de son avion », avec comme facteurs possibles « la brume et l’obscurité » [1]. Les médias amplifièrent le sous-entendu que John était un pilote inexpérimenté et imprudent qui n’a pas tenu compte des conditions météo dangereuses et qui est donc responsable de sa propre mort ainsi que de celle de sa femme et de sa belle-sœur.
Mais de nombreux faits et témoignages contredisant cette narration ont été occultés, tandis que de fausses informations et de faux témoignages ont été fabriqués pour l’appuyer. Des enquêteurs indépendants ont découvert suffisamment d’omissions et d’incohérences dans le récit officiel et médiatique pour poser la question : JFK Jr. a-t-il été assassiné ? A-t-il été tué par la même cabale qui a tué son père 36 ans plus tôt, et pour le même motif que son oncle Bobby 5 ans après : son projet de reconquérir la Maison-Blanche ? J’examinerai les indices de l’assassinat et les preuves d’un mensonge d’État dans la seconde partie de l’article. Pour commencer, voyons si nous pouvons établir les deux choses suivantes :
1) À 39 ans, John s’était décidé à lancer sa carrière politique en briguant un mandat électoral dans l’État de New York, et il était sur le point de l’annoncer publiquement. Il avait également exprimé à ses amis son ambition d’aller jusqu’à la présidence des États-Unis. Compte tenu de sa personnalité et de sa popularité, il avait de grandes chances d’atteindre ce but en moins de 20 ans. On pouvait l’imaginer président en 2008 ou 2016.
2) Élevé dans le culte de son père, John s’intéressait passionnément, depuis son adolescence, aux « théories du complot » relatives à sa mort. Ses recherches s’étaient approfondies dans la trentaine, et l’avaient sensibilisé à d’autres crimes et mensonges d’État couverts par les grands médias. Huit mois avant sa mort, il publia un numéro « spécial complot » du magazine qu’il avait fondé, contenant un article d’Oliver Stone, réalisateur du film JFK, intitulé « L’Histoire contrefaite ».
Si ces deux choses peuvent être prouvées, elles sont nécessairement connectées. Chez John Junior, la quête de la vérité sur l’assassinat de son père ne peut être dissociée de son ambition politique de reconquérir la Maison-Blanche, pas plus que dans le cas de son oncle Bobby, qui, comme nous l’avons montré dans le film Israël et le double assassinat des Kennedy, envisageait de rouvrir l’enquête sur le coup d’État de Dallas lorsqu’il faisait campagne pour la présidence en 1968. Ce sont les deux faces d’un même destin. L’héritier et le justicier sont une seule et même personne. Par conséquent, le réseau secret qui, au sein de l’État profond, avait décidé d’éliminer Bobby au seuil de la Maison-Blanche avait toutes les raisons de prendre la même décision à propos de John Junior.
Il est vrai que John n’était pas prêt pour la présidence – bien que certains, comme son ami Pierre Salinger, l’ancien chef du service de presse (Press Secretary) de JFK, pensait qu’il se serait présenté à la présidence en 2000. Quoi qu’il en soit, s’il devait être arrêté dans son ascension, n’était-il pas logique de l’arrêter avant qu’il ne rende publiques ses ambitions politiques ? Juillet 1999 était le bon moment. Après cela, les soupçons d’assassinat seraient plus difficiles à réprimer. Sans compter que laisser JFK Jr. vivre plus longtemps serait prendre le risque de voir venir au monde un JFK III ; en effet, Carolyn était peut-être enceinte lorsqu’elle périt avec son mari.
Quelques jours après la mort de JFK Jr., John Podhoretz, néoconservateur comme son père Norman, publia dans le New York Post un article intitulé « A Conversation in Hell » (21 juillet 1999) dans lequel il fait parler Satan, s’adressant à Joe Kennedy en enfer. Le diable se réjouit à l’idée de torturer Joe pour l’éternité pour avoir, entre autres choses, « dit toutes ces choses gentilles sur Hitler ». Il se vante d’avoir causé la mort de son petit-fils, car, dit-il : « Quand je fais un marché pour une âme comme la tienne, je dois l’assaisonner avant d’être prêt à la mettre dans le four infernal. » Rien n’illustre mieux la haine dévorante de certains intellectuels juifs à l’égard des Kennedy. Cela rappelle un peu ce que dit le Talmud sur le Christ en enfer.
Première partie : l’héritier et le justicier
John Junior et l’héritage de Camelot
JFK Jr. n’était pas le bellâtre gâté, superficiel et irresponsable que les grands médias ont dépeint, dans leur entreprise systématique de souiller la mémoire des Kennedy. Pour se faire une idée raisonnable de sa personnalité, je conseille le documentaire I am JFK Jr. : A Tribute to a Good Man, réalisé en 2016, avec de nombreux témoignages de ses proches : voir la bande-annonce ici.
John Junior était né 17 jours après la victoire de son père à l’élection présidentielle de novembre 1960. Dès l’instant où il est venu au monde, il a été sous les projecteurs nationaux. En le voyant grandir à la Maison-Blanche, les Américains développèrent une intense affection pour lui, ce qui ne déplaisait pas à son père. Jackie essayait plutôt d’éloigner les photographes de ses enfants, et c’est John qui, en son absence, faisait venir ses enfants dans le Bureau ovale pour que Jacques Lowe, son photographe, immortalise ces moments qui attendrissait le public américain [2].
Le petit John-John eut trois ans le jour des funérailles de son père. L’image emblématique de son salut devant le cercueil du Président est restée ancrée dans le cœur brisé de millions d’Américains, et a alimenté le rêve insensé de le voir un jour reconquérir la Maison-Blanche. Car dans la psyché collective américaine, les Kennedy symbolisait une forme de royauté, et JFK Jr. était l’héritier légitime du trône. Il était le « charismatique prince héritier de la famille royale américaine » [3], écrivait le lendemain de son décès le New York Daily News.
- John Jr. saluant le cercueil de son père, le jour de son troisième anniversaire
Les Kennedy n’avaient pas acquis leur statut royal seulement en achetant de la couverture médiatique. Cette aura avait été conquise par le patriarche Joseph (Joe) Kennedy, dont le biographe Laurence Leamer, dans l’un des meilleurs livres sur la dynastie, Sons of Camelot : The Fate of an American Dynasty, a bien résumé la philosophie :
« Il croyait qu’à chaque génération, quelques hommes puissants étaient les leaders légitimes de leur génération. Il pensait que les Kennedy faisaient partie de cette aristocratie naturelle. […] Il croyait que le privilège de la fortune donnait l’obligation de servir son pays. […] Le plus grand accomplissement de Joe était sa famille. Il enseignait à ses fils que les liens de sang étaient sacrés et qu’ils devaient se faire confiance, pour s’aventurer dans un monde de trahisons et d’incertitude, et toujours revenir dans le sanctuaire de la famille. » [4]
Bien entendu, la beauté insolente des Kennedy n’était pas étrangère au charme qu’ils exerçaient sur l’Amérique, à l’aube de l’ère télévisuelle. À ceux qui s’en plaignent, je répondrai en citant Oscar Wilde : « Seuls les gens sans profondeur (shallow people) pensent que la beauté est superficielle. » La beauté d’un homme ou d’une femme est la manifestation d’une vérité anthropologique qui transcende sa personne ; elle est un don du Ciel et du sang ancestral. Mais je m’égare.
Après la mort du président John Kennedy, son frère Robert joua le rôle de père de substitution pour ses enfants, John Jr. et sa sœur Caroline. Lorsque Robert fut assassiné à son tour en juin 1968, Jackie déclara : « S’ils tuent les Kennedy, mes enfants sont la première cible. Je veux quitter ce pays. » [5] L’armateur grec Aristote Onassis, qui la courtisait depuis quelques années, lui offrit sa protection ; ses atouts incluaient une équipe sécurité de 75 hommes lourdement armés.
Jackie éleva ses enfants dans la vénération de leur père. Dès 1967, écrit le biographe Christopher Andersen dans The Good Son :
« Jackie s’assura que John était constamment en contact avec les personnes qui connaissaient le mieux JFK – depuis ses amis de longue date comme Red Fay, Chuck Spalding, Oleg Cassini, Bill Walton, et son acolyte omniprésent Dave Powers, jusqu’aux piliers de la New Frontier comme Pierre Salinger, Theodore Sorensen et Arthur Schlesinger Jr. C’étaient les gens "qui connaissaient bien Jack [surnom de JFK] et ce qu’il aimait faire". Tant qu’ils étaient dans les environs, se disait Jackie, "chaque jour John apprendra à connaître son père". » [6]
Ainsi, bien que John n’ait pas gardé de véritables souvenirs de son père, il était constamment, pour ainsi dire, imprégné de sa mémoire : « Chaque fois qu’un autre enfant lui rendait visite, écrit Andersen, il lui demandait inévitablement : "tu veux entendre mon père ?" Puis il se tournait vers une pile de disques [des enregistrements des discours de JFK] et en mettait un sur le tourne-disque. » En 1972, Jackie a demandé à Pierre Salinger de la rejoindre pendant un mois, elle et ses enfants : « Je veux que tu passes une heure ou une heure et demie par jour avec John Jr. et Caroline et leur explique tout ce que leur père a fait. » Et Salinger l’a fait [7]. La soif d’information de John sur son père n’a jamais été étanchée. Son ami et biographe français Olivier Royant rapporte que, lorsqu’il dirigeait son magazine George, John a embauché Jacques Lowe, photographe officiel de JFK, et l’a interrogé pendant des heures sur son père [8].
Même l’envie irrésistible de John Jr. de voler, contre la volonté de sa mère, remonte peut-être à son enfance, « quand lui et sa mère voyaient l’hélicoptère de papa décoller de la pelouse sud en 1962 », ou le voyait réapparaître de le ciel. Lorsque Nanny Shaw annonça au petit John le matin du 23 novembre 1963, « John, ton père est allé au paradis pour s’occuper de Patrick [le troisième enfant de JFK et Jackie, qui n’a pas survécu à son premier mois] », John demanda, « Est-ce que papa a pris son grand avion avec lui ? » « Oui », répondit-elle. « Je me demande, a déclaré John, quand il reviendra. » [9]
- John Jr. regardant son père s’envoler depuis la Maison-Blanche
John donnera à son premier avion privé le numéro d’immatriculation N529JK, une référence à l’anniversaire du 29 mai de son père.
John Jr. avait-il l’intention de suivre les pas de son père en politique ? John Quinn, un pionnier de la recherche sur sa mort mystérieuse, écrit :
« Dévoué à l’héritage de son irrésistible père, il n’y a jamais eu de doute sur la direction que John F. Kennedy Jr. allait suivre. Ce n’était qu’une question de temps avant qu’il ne revendique le legs de son père. Quiconque prétend que nous ne le saurons jamais vraiment ne sait rien de John F. Kennedy Jr. » [10]
Nous ne savons pas à quel stade de sa vie John a endossé consciemment cette responsabilité. Mais la pensée était certainement déjà dans son esprit depuis plusieurs années lorsqu’il introduisit son oncle Ted à la convention démocrate de 1988. Comme des millions d’Américains électrisés par l’apparition du jeune prince, Salinger fut saisi par l’enthousiasme :
« J’ai emmené John Jr. pour lui parler en privé pendant quelques heures. Je lui ai dit que son discours montrait qu’il devrait sérieusement penser à entrer en politique. Il m’a dit que ça l’intéressait, mais qu’il était encore trop jeune. Il m’a dit que son idée était d’entrer en politique au siècle prochain. » [11]
Jackie, qui a toujours été le guide principal dans la vie de John, considérait son fils comme le prince héritier de Camelot [surnom donné par Jackie à la famille Kennedy]. Dans la dernière lettre qu’elle lui adressa, avant de mourir d’un lymphome en 1994, elle écrivait : « Tu as, toi en particulier, une place dans l’histoire. » [12] Selon l’historien présidentiel Doug Wead, interviewé dans le film I am JFK Jr., Jackie « savait dans son cœur que, un jour ou l’autre, les étoiles seraient dans la bonne configuration et qu’il deviendrait président. » « Ma mère m’a en quelque sorte pousser à me mêler de politique », déclara John à Lloyd Howard en 1997. « Elle voulait que je suive les traces de mon père. Et bien sûr je le ferai. Mais je ne pense pas que le moment soit encore propice. » [13]
En 1995, John lança son magazine politique George. Sous une couverture un peu people, la rédaction s’engageait dans des questions controversées de politique profonde reflétant les intérêts de John. Son ami de longue date, Robert Littell, écrivait dans The Men We Became : My Friendship with John F. Kennedy Jr. (2004) : « George a également été l’occasion pour John de créer une plateforme à partir de laquelle il pourrait entrer dans la vie politique. » Après tout, son père avait également poursuivi une brève carrière dans le journalisme avant de se lancer en politique. George était également un moyen pour John d’interagir avec des acteurs politiques et des penseurs, avec une prédilection pour les personnages controversés. Dans son premier numéro, il interviewait George Wallace, le gouverneur de l’Alabama qui s’était opposé à la déségrégation décrétée par Kennedy en 1963. En octobre 1996, il interviewait Louis Farrakhan, le leader de Nation of Islam. En août 1997, il s’entretenait avec Gerry Adams, le leader de l’IRA (organisation paramilitaire d’Irlande du Nord), et en novembre 1998, il donnait la parole au général vietnamien Vo Nguyen Giap, le ministre de la Défense du Nord-Viêt Nam, vainqueur des Américains.
John ne craignait pas de laisser transparaître son intérêt pour son père. La couverture de George de septembre 1996 montrait Drew Barrymore grimée en Marilyn Monroe et la légende suivante : « Joyeux anniversaire, Monsieur le Président », une référence évidente – et, pour certains, indécente – à la sérénade de Marilyn devant JFK au Madison Square Garden en 1962. En octobre 1997, à l’occasion du 35e anniversaire de la crise des missiles cubains qui conduisit la planète au bord de l’apocalypse nucléaire, John s’envola pour Cuba afin de rencontrer Fidel Castro. Officiellement, l’entretien qu’il souhaitait ne se concrétisa pas, mais Castro l’invita à dîner et à nager dans la baie des Cochons. Une rumeur dit que Castro lui a donné son point de vue sur la mort de son père, et une autre que John conservait les déclarations de Castro pour un future dossier complet sur JFK [14].
L’intérêt de John pour la présidence transparaissait fortement dans son magazine, en particulier dans la rubrique « Si j’étais président », dans laquelle diverses personnalités étaient invitées à répondre à la question : « Que feriez-vous si vous étiez président ? » Par exemple, dans le numéro d’octobre 1998, Tony Brown, auteur du livre Empower the People : A 7-Step Plan to Overthrow the Conspiracy That Is Stealing Your Money and Freedom, déclarait que, s’il était président, il abrogerait la loi sur la Réserve fédérale de 1913.
Les projets de John Junior en 1999
En 1999, à 39 ans, John avait de nouveaux projets. Selon Gary Ginsberg, un proche collaborateur qui était avec John la veille de son décès, « il était très concentré sur deux choses : trouver un acheteur pour George et son avenir politique. » [15] Christopher Andersen écrit dans sa biographie The Good Son : « Ceux qui le connaissaient semblaient ne pas douter que John était au bord d’un brillant avenir politique. » En juillet 1999, sa décision était prise. Ses plus proches amis ont témoigné qu’il se préparait à briguer un mandat électoral. Pierre Salinger, qui le connaissait bien, a déclaré à la radio française Europe 1 le 19 juillet 1999 :
« J’avais l’impression que dans l’année à venir, John Junior allait également devenir un homme politique. C’est mon point de vue. Et avec d’autres personnes, nous pensions qu’il allait être candidat démocrate aux prochaines élections présidentielles. » [16]
- John Junior et Pierre Salinger en 1997
Plus vraisemblablement, John Junior aurait commencé par briguer un mandat politique dans l’État de New York, où il vivait depuis 1963. Il aimait New York, et New York l’aimait. Selon un sondage privé réalisé en 1997, JFK Jr. était « le plus populaire des démocrates de New York » et recevait un taux d’approbation de 65 % parmi les votants démocrates [17]. John avait plusieurs options. Il a exclu la mairie de la ville de New York. RoseMarie Terenzio, son assistante chez George, raconte que, lorsque le sénateur de New York Al D’Amato lui a suggéré de se porter candidat à la mairie, John a ri, puis a fait le commentaire suivant à Terenzio : « Rosie, combien connais-tu de maires qui soient devenus président ? » [18] Terenzio a également déclaré sur le site TheWrap :
« Je pense qu’il aurait brigué la présidence. Je pensais qu’il aurait été candidat en 2008. J’ai dîné avec un collègue de George hier soir qui pensait qu’il aurait attendu 2016. Il aurait eu 56 ans. » [19]
- Donald Trump et John Kennedy Jr. en 1999
Selon Gary Ginsberg, le collaborateur de John à la rédaction de George :
« Il avait envisagé de se présenter au siège du Sénat de New York – il avait même fait des réunions à ce sujet au printemps –, mais en juillet, il avait décidé de se concentrer plutôt sur le poste de gouverneur de New York en 2003. Par tempérament et par intérêt, je pense que John se rendait compte qu’il était davantage fait pour être gouverneur que législateur. Il savait, de par son expérience à la tête de George, qu’il pourrait être un dirigeant fort et inspirant, donner le ton au gouvernement et diriger avec succès une entreprise complexe. Cette idée lui a beaucoup plu à un moment donné cet été. Si les étoiles s’étaient alignées au cours des deux prochaines années, je suis convaincu que c’est ce qu’il aurait poursuivi. » [20]
D’autres personnes autour de John pensaient qu’il était sur le point de se présenter au siège du Sénat que Daniel Moynihan, ancien assistant du président Kennedy, allait laisser vacant en 2000. C’est le siège qu’avait occupé son oncle Robert Kennedy de 1964 à 1968. Le 19 juillet 1999, Joel Siegel, journaliste au New York Daily News, a interviewé deux amis anonymes de John Junior qui pensaient que c’était son intention, et qu’au bout du compte, il serait allé jusqu’à la présidence. [21]
- « JFK Jr. envisageait de se présenter au Sénat en 2000. »
Christopher Andersen est du même avis (voir son interview – en anglais – sur Eyewitness News) : selon lui, après avoir consulté les dirigeants démocrates, John s’était décidé pour le Sénat. Cela le mettait en travers du chemin d’Hillary Clinton. Les Clinton, qui devaient quitter la Maison-Blanche en janvier 2001, étaient sur le point d’acheter une maison à Chappaqua, dans l’État de New York, et Hillary se préparait à se porter candidate au Sénat comme tremplin pour ses propres ambitions politiques, qui visaient aussi la présidence. John était un New-Yorkais accompli, habitant intermittent de la ville depuis l’âge de trois ans, tandis qu’Hillary, qui n’avait jamais passé plus de quelques jours à New York, serait perçue comme une opportuniste [22].
Andersen reprend le témoignage de l’ami de longue date de John, Billy Noonan, qui a écrit en 2006 Forever Young : My Friendship with John F. Kennedy, Jr. John devait retrouver Noonan à Nantucket pour célébrer le cinquième anniversaire de mariage de Noonan le 16 juillet. Ils allaient ensuite assister au mariage de sa cousine Rory à Hyannis Port. Selon Noonan, dans la dernière conversation téléphonique qu’il eut avec John, celui-ci lui déclara qu’il avait quelque chose d’important à lui dire, mais que, les murs de son bureau ayant des oreilles, il préférait lui en parler directement. Lorsque Noonan lui parla de la candidature d’Hillary, John répondit : « Attends qu’elle arrive. On va lui servir sa tête sur un plateau. » [23]
Noonan et Andersen ne sont pas les seuls à penser que John avait décidé de se mettre en travers du chemin d’Hillary. Andrew Collins confirme :
« JFK Jr. était entré sur la scène politique. New York était électrisé à l’idée que JFK Jr. revendique l’héritage de son père ! Une part de Camelot était toujours vivante en Amérique et les donateurs ont commencé à faire la queue. Hillary savait qu’elle ne pourrait jamais vaincre le fils de JFK en Nouvelle-Angleterre. » [24]
En conclusion, aucune certitude ne peut être dégagée sur les projets immédiats de John, sinon qu’il était à l’aube d’un avenir politique radieux et qu’il avait plusieurs options dans l’État de New York. Il est facile de deviner qu’Hillary considérait John comme un sérieux rival, au niveau de l’État de New York pour le court terme, mais aussi au niveau national pour le long terme. Elle n’avait aucune chance si John croisait son chemin, et cela arriverait certainement tôt ou tard.
Il est vrai que son magazine George ne s’est jamais acharné sur les Clinton, peut-être par loyauté démocrate. Mais l’un des tout derniers numéros que John a lui-même supervisé (avril 1999) était hostile à la candidature d’Hillary au Sénat, affichant en première page : « Pourquoi Hillary ne sera pas sénatrice ». En avril 1996, la couverture portait : « Pourquoi les femmes abandonneront Hillary ».
Une fois John éliminé, la ligne éditoriale de George changea discrètement. Le numéro de novembre 1999 contenait une interview exclusive d’Hillary, ainsi que – dans une ironie tragique – un article sur « Comment Bobby Kennedy a séduit New York ». Hillary remporta son poste de sénatrice de l’État de New York. Qu’elle occupait donc au moment des attentats du 11 septembre 2001.
- Les couvertures d’avril 1999 et novembre 1999
Autre signe du troublant retournement éditorial : dans le numéro de janvier 2000 paraissait un article d’Edward Jay Epstein intitulé « Le complot pour tuer Castro », remettant sur le tapis la thèse selon laquelle ce serait RFK qui serait indirectement responsable de la mort de son frère, assassiné sous l’ordre de Castro en représailles aux tentatives d’assassinat contre lui fomentées par la CIA, prétendument sous la supervision de RFK – une thèse que jamais John n’aurait soutenue.
JFK Junior en théoricien du complot
Selon les témoignages de ses amis, John Junior était hanté par la mort de son père et connaissait bien les enquêtes indépendantes contredisant le rapport Warren. En 1999, il n’était pas un néophyte dans les théories du complot sur JFK ; sa quête de la vérité avait commencé dès la fin des années 1970. Son ancienne petite amie de lycée Meg Azzoni, dans son livre auto-publié, 11 Letters and a Poem (2007), écrit qu’à l’adolescence, JFK Jr. mettait en doute la version officielle de la mort de son père : « La quête qui lui tenait à cœur était d’exposer et de traduire en justice ceux qui ont tué son père, et ceux qui les ont couverts. » [25] Don Jeffries, auteur de Hidden History, a affirmé qu’« un autre membre du cercle intime de JFK Jr., qui a demandé à rester anonyme, a confirmé qu’il était bien informé sur l’assassinat et en parlait souvent en privé. » [26] Selon Jeffries, JFK Junior était engagé dans « une quête shakespearienne pour venger la mort de son père », comme le jeune Hamlet [27].
En dehors de son oncle Bobby, John est le seul Kennedy à avoir démontré une détermination sérieuse à poursuivre cette vérité. Et il a pris le risque de rendre son intérêt public en octobre 1998, lorsqu’il a publié un numéro spécial « complot » (Conspiracy Issue) de son magazine, comprenant un article d’Oliver Stone intitulé « Notre histoire contrefaite », annoncé en couverture sous le titre : « Parano et fier de l’être ! »
Comme de nombreux chercheurs de vérité d’abord fascinés par l’affaire Kennedy, John avait pris conscience que d’autres événements de portée historique faisaient l’objet de mensonges et de dissimulations orchestrés par l’État, avec la complicité des grands médias. L’assassinat de JFK n’était donc pas la seule « théorie du complot » explorée par son magazine George. Il vaut la peine de jeter un coup d’œil sur deux autres de ces théories, car elles peuvent nous informer sur la direction que John prenait dans sa quête de la vérité.
En décembre 1996, avec un article titré « TWA Conspiracy Theories », George s’est engagé dans la controverse au sujet du vol TWA 800, qui avait explosé le 17 juillet 1996, peu après avoir quitté l’aéroport JFK International. Il se disait que l’avion avait été abattu par un missile, plutôt qu’explosé à la suite d’un court-circuit à proximité du réservoir de carburant, comme l’a conclu le rapport du National Transportation Safety Board. La thèse était basée sur les témoignages de 375 personnes qui ont vu un ou deux objets lumineux frapper l’avion, beaucoup d’entre eux pensant qu’il s’agissait d’un missile (voir sur YouTube le documentaire de 2001 Silenced : TWA 800 and the Subversion of Justice). Pierre Salinger, ancien collaborateur de JFK et ami de son fils, était le journaliste le plus éminent soutenant la thèse d’un missile tiré, par erreur, d’un navire de la marine américaine. Il fut pour cela violemment attaqué par ses pairs, et sa notoriété en subit un dommage irréparable.
Le 27 mai 1999, il revint à la charge dans un article du Georgetowner, en se basant sur de nouveaux éléments montrant la présence d’un bateau suspect qui disparut à grande vitesse juste après l’explosion de l’avion. [28] Certains soupçonnent que ce bateau était israélien. En effet, le jour même du crash, le LAP (LohammaPsichologit, le département de guerre psychologique du Mossad) lançait une vigoureuse campagne de désinformation sur le thème d’un attentat ourdi par l’Iran ou l’Irak. Le Mossad avait même diffusé avant le crash des alertes contre un possible attentat iranien, selon le Times londonien du 23 juillet, qui cite « un officier du Mossad qui surveillait les groupes terroristes du Moyen-Orient » ayant déclaré avoir mis en garde les Américains sur des projets d’attentats islamiques. « Des milliers d’histoires médiatiques ont perpétué la fiction », explique Gordon Thomas dans son Histoire secrète du Mossad, de 1951 à nos jours. Un an plus tard, l’enquêteur en chef du FBI James K. Kallstrom confia à ses collègues : « S’il y avait un moyen de clouer ces salauds de Tel-Aviv qui nous ont fait perdre du temps, j’aimerais bien que cela se produise. Nous avons dû vérifier chaque intox qu’ils ont glissé dans les médias. » [29]
Cette histoire méritait d’être rappelée, parce que certains spéculent sur un lien étroit avec le crash de l’avion de JFK Jr. Jackie Jura, auteur du site Orwell Today, a écrit :
« Je me souviens quand le TWA 800 a explosé et que Salinger allait donner une conférence de presse à Paris pour révéler la vérité. Mais ensuite il l’a annulée. La rumeur sur le net à l’époque disait que les pouvoirs profonds l’avait prévenu que s’il donnait sa conférence de presse, ils tueraient John-John, et donc il a reculé. »
Pierre Salinger a reculé, mais le 27 mai 1999, il a réitéré ses déclarations et John Junior mourut 50 jours plus tard. Plus troublant encore, son avion s’écrasa la veille du troisième anniversaire de l’explosion du TWA 800, dans le même périmètre, et l’enquête fut confiée à la même direction régionale du National Transportation Safety Board : un message cryptée aux initiés, et aux Kennedy en particulier ? Trois mois après son article sur le TWA 800, en mars 1997, le magazine George se mêlait d’une autre théorie du complot sulfureuse, avec un article de treize pages rédigé par la mère de Yigal Amir, l’homme reconnu coupable d’avoir assassiné le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin. Rabin avait offensé l’extrême droite israélienne en voulant échanger des terres contre la paix. La mère d’Amir a révélé que son fils avait été manipulé par un agent du Shin Bet, Avishai Raviv, travaillant pour des forces cherchant à arrêter le processus de paix. [30]
Le journaliste canado-israélien Barry Chamish, qui a enquêté sur l’assassinat de Rabin dans son livre Qui a tué Itshak Rabin (1999), souscrit à cette analyse, et prétend savoir que John poursuivait ses recherches sur ce dossier. Il évoque une information du Frankfurter Allgemeine Zeitung (que je n’ai pas retrouvée) concernant une rencontre entre John et le chef adjoint du Mossad, Amiram Levine, deux jours avant la chute de son avion. Chamir conclut ainsi son article sur John Junior :
« Oui, je suis sûr qu’il a été assassiné. Et oui, l’establishment politique israélien avait un mobile : le dernier Kennedy mort de façon violente était le seul éditeur américain à exposer le complot derrière l’assassinat de Rabin. Et il avait l’intention de poursuivre ses révélations jusqu’à aller au fond des choses. Nous ne savons pas ce qui le poussait à se dresser seul en quête de la vérité, mais cela pourrait avoir un rapport avec l’information contenue dans le livre de Michael Piper, The Final Judgment (2004). » [31]
Il n’y a aucune confirmation que John Junior ait lu le livre de Michael Piper Final Judgment accusant Israël d’avoir fait assassiner Kennedy, paru en 1993. Mais c’est dans le domaine du probable, étant donné sa quête personnelle de la vérité sur la mort de son père, et son intérêt pour l’hypothèse selon laquelle l’État profond israélien serait derrière l’assassinat de Rabin.
Alors, JFK Jr. a-t-il été assassiné lui aussi ? Voilà un homme dont le chemin vers la présidence des États-Unis semblait tout tracé. Aucun autre homme de son âge n’avait de meilleures chances d’atteindre un jour la Maison-Blanche. Et aucun autre homme au monde n’avait autant de raisons de vouloir que l’assassinat du président John Kennedy soit réexaminé. Il essayait déjà d’éduquer le public par le biais de son magazine, au risque d’exposer ses propres soupçons, chose qu’aucun autre Kennedy n’avait jamais faite (même RFK s’était gardé d’ébruiter ses doutes sur le rapport Warren et son projet de rouvrir l’enquête). Et cet homme, selon son meilleur ami, était sur le point d’annoncer sa candidature à un siège au Sénat de New York, ce que l’Amérique entière aurait interprété comme un premier pas vers la Maison-Blanche. Pierre Salinger et d’autres pensent même qu’il se serait porté candidat à la présidence en 2000. Quelles sont les probabilités pour qu’un tel homme meure à ce moment précis par accident, épargnant à ses ennemis la peine de l’éliminer, comme ils avaient éliminer son oncle en 1968, pour les mêmes raisons ? Si c’était un accident, alors c’est bien la preuve qu’il y a une « malédiction Kennedy », n’est-ce pas ? Si c’était un accident, alors le Diable l’a causé. Ou était-ce Yahvé ?
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Partie 2 : L’assassinat et le mensonge d’État
L’appel de 21h39 et l’explosion
Enfumage médiatique
John Junior était-il inexpérimenté et imprudent ?
Un protocole de sécurité nationale
Cui bono ?