Une petite note sur la situation actuelle de la crise terminale de la production mondiale de pétrole. Alerte au spoiler : le pic pétrolier se porte très bien, il aiguise ses griffes et se prépare à prendre une grosse bouchée de votre flanc. Pourquoi tout le monde ne s’enflamme-t-il pas à ce sujet ? Peut-être que certaines personnes clés portent les lunettes montrées ci-dessus. Je n’ai pas de meilleure explication, désolé !
Pour résumer, le pic pétrolier a eu lieu en 2005, provoquant une flambée des prix du pétrole, suivie d’un effondrement financier en 2008, puis une chose étrange s’est produite : le gisement de schiste américain a commencé à se développer, et à se développer, et à se développer… compensant les nombreuses pertes de production survenues ailleurs, et même un peu plus.
Mais aujourd’hui, cette croissance s’est arrêtée. Les États-Unis produisent toujours un prodigieux 12,3 millions de barils par jour, ce qui en fait le leader mondial, mais il n’y a plus de croissance du tout : à peine cent mille barils par jour de plus depuis le début de l’année, et ce malgré des prix du pétrole très attrayants. Le graphique suivant montre que le nombre de plates-formes pétrolières (qui est nécessaire pour maintenir, voire augmenter, la production, étant donné le taux d’épuisement rapide des puits de schiste) connaît un déclin lent mais apparemment inexorable, sans que les fluctuations positives du prix du pétrole ne fassent reculer cette redescente.
Les responsables américains se plaignent amèrement des réductions volontaires de production de la Russie et de l’Arabie saoudite. Pourquoi un leader mondial de la production pétrolière jugerait-il bon de se plaindre de la diminution de la part de marché de ses concurrents ? Parce que 12,3 millions de barils par jour ne lui suffisent pas ! Les États-Unis sont également un importateur net de pétrole d’environ 2,7 millions de barils par jour (sur la base des chiffres de 2022, sans compter les importations de diesel, d’essence et d’autres produits pétroliers raffinés). De plus, comme le montre le graphique suivant, l’administration américaine a également massacré sa réserve stratégique de pétrole (Strategic Petroleum Reserve – SPR) – une décision inexplicable étant donné que les États-Unis ne sont pas en guerre et qu’il n’y a pas de perturbation majeure de l’approvisionnement.
Que pouvons-nous déduire de tout cela ?
• Malgré des prix du pétrole relativement élevés, la production de pétrole aux États-Unis stagne et le nombre d’installations de forage diminue. La production de pétrole de schiste a atteint un plateau. Étant donné que le déclin annuel de la production d’un puits de pétrole de schiste typique est d’environ un tiers (en chiffres très approximatifs), ce plateau s’étendra sur des mois et même quelques années, mais certainement pas sur des décennies.
• Apparemment, le coût du forage aux États-Unis a augmenté de manière significative en raison de l’inflation. La hausse des taux d’intérêt et le manque d’investisseurs (d’idiots – pardon !) entravent également les nouveaux financements et investissements.
• Le fait de se plaindre amèrement des réductions de production saoudiennes et russes rend ridicule la réticence des États-Unis à les compenser. On peut raisonnablement penser qu’ils ne le feront pas parce qu’ils ne le peuvent pas.
• La forte baisse de la SPR semble être un geste désespéré de la part de Biden et de ses Bidenettes. La boutade « après moi le déluge » me vient à l’esprit. Un dirigeant du monde libre qui n’est qu’à une chute du Valhalla ne se soucie peut-être pas tant de l’avenir de son pays en ruine.
• Bien qu’il y ait encore une légère croissance de la production dans le secteur pétrolier (400 000 barils par jour de plus depuis l’année dernière à la même époque), les observateurs attentifs ont pu constater que la majeure partie de cette production provenait de puits déjà forés au cours des années précédentes, mais laissés inachevés. L’inventaire de ces puits est aujourd’hui largement épuisé.
• L’étrange volonté des Saoudiens d’introduire des réductions volontaires de production montre qu’ils n’ont pas non plus la capacité d’augmenter la production. Il en va de même pour la Russie, sauf qu’elle possède suffisamment de pétrole pour s’approvisionner elle-même pendant plusieurs décennies et qu’elle n’est pas aussi dépendante des recettes d’exportation du pétrole que l’Arabie saoudite. Il est bien sûr très agréable d’avoir des acheteurs de pétrole étrangers qui permettent à la Russie de maintenir des budgets équilibrés avec un taux d’imposition forfaitaire de 13 %…
Les négociants en pétrole et les experts en énergie aux États-Unis ignorent résolument ces réalités fâcheuses, peut-être en raison de l’effet des lunettes de protection spéciales présentées ci-dessus. Un coup d’œil rapide à leurs analyses d’experts montre un intérêt malsain pour la Chine. Peut-être devraient-ils se pencher sur la question et essayer de comprendre ce qui va maintenir leurs propres pantalons dans quelques années. Et puis il y a les Européens et leur mafia verte, qui se battent toujours contre des moulins à vent aux dernières nouvelles, et qui prétendent toujours que des Ukrainiens ayant loué un yacht de plaisance ont fait sauter leurs gazoducs (sic !).
Zoomons sur une vue satellite de la scène. Les États-Unis, avec 4,23 % de la population mondiale, consomment 15 millions de barils de pétrole par jour sur un total mondial d’environ 100 millions de barils par jour, et environ la moitié de ces 15 millions (la partie schisteuse) devrait disparaître au cours des prochaines années. En moyenne, le monde ne se porte pas si mal en ce qui concerne le pétrole, mais il y a un patient en particulier dans le service du pic pétrolier dont le pronostic est plutôt désespéré. Pouvez-vous trouver de quel patient il s’agit ?