Les récentes déclarations de Silvio Berlusconi sur la nécessité pour l’Italie d’adopter « deux monnaies » ont relancé les spéculations sur l’attachement de ce pays à l’euro. La montée de « l’euroscepticisme » est flagrante aujourd’hui en Italie. Or, une crise en provenance de l’Italie aurait des conséquences bien plus importantes qu’une (probable au demeurant) en provenance de la Grèce, du fait de la taille et du poids de l’économie italienne.
Il est évident que la dégradation continue de la situation économique en Italie depuis ces dernières années impose des mesures radicales. Il est tout aussi évident que seule une sortie de l’euro est en mesure de sauver l’économie italienne, mais aussi par conséquence ses banques, qui sont de plus en plus lourdement chargées en « mauvaises dettes ». Ces « mauvaises dettes » ou « prêts non-performant » comme on les appelle dans les milieux financiers, sont directement issues des petites et moyennes entreprises de la Péninsule qui subissent de plein fouet la stagnation économique engendrée par l’euro. On peut voir, d’ailleurs, sur les comptes de compensation de la Banque Centrale Européenne, ce que l’on appelle les comptes « Target2 » la dégradation constante de la situation italienne depuis ces dernières années.
1 – Compte Target2
Mais, ce que ne disent pas ces statistiques c’est la détérioration profonde de l’économie, mais aussi de la société, italienne du fait de l’euro. Il suffit, pour s’en convaincre, de regarder quelques graphiques. En termes de croissance, et de volume du PIB, l’économie italienne, qui était sur une trajectoire de forte croissance de 1995 à 1999, est aujourd’hui retombée à son niveau de 2000, soit l’année de l’entrée dans l’euro. Mais, ce qui est pire est que, quand on regarde le PIB par habitant, un indicateur du niveau de vie, on constate que l’Italie à régressé au niveau de 1997. Le décrochage de l’Italie par rapport aux deux autres pays « majeurs » de la zone euro, l’Allemagne et la France, apparaît nettement sur le premier de ces deux graphiques.
2 – Indice du PIB
3 – Indice du PIB par habitant
La conséquence est un véritable effondrement de l’investissement qui est, aujourd’hui et depuis 2012, en dessous du niveau qu’il avait atteint en 1995. Cela se traduit par une dégradation rapide des infrastructures publiques mais aussi privées (le logement), dégradation qui a un impact important sur le niveau de vie de la population italienne.
4 – Investissement
Cette dégradation du niveau de vie se traduit, aussi, dans la formation de l’épargne, que celle-ci soit le fait des particuliers ou des entreprises. L’épargne italienne est largement inférieure à ce qu’elle était en 1995, et si elle est redevenue supérieure à l’investissement depuis 2012 c’est uniquement lié à l’effondrement spectaculaire de ce dernier.
5 – Équilibre Épargne/Investissement
La raison de cette remontée apparente de l’épargne (par rapport à l’investissement) est l’explosion de la dette publique en Italie, une dette qui baissait depuis 1996 mais qui ré-augmente de manière spectaculaire depuis 2007 après s’être stabilisée à partir de 2003, soit 3 années après l’entrée de l’Italie dans l’euro.
6 – Dette publique (en % du PIB)
On voit très clairement que le seul espoir pour l’économie italienne est de sortir de l’euro au plus vite, mais la complexité du système politique italien, les tergiversations du Movimente 5 Stelle de Beppe Grillo en particulier, et les intérêts particuliers solidement construits dans une large partie de l’élite politique, rendent cette solution de bon sens peut probable à très court terme. Il est cependant clair que la classe politique italienne a les yeux rivés sur la scène politique française. Une sortie de l’euro par la France donnerait à la classe politique italienne le prétexte rêvé pour sortir à son tour, sans rencontrer de trop fortes oppositions.