La France, pays des droits de l’homme, est aussi celui de la liberté d’expression. Le Colonel Rémy, héros de la Résistance, avait le droit de dire que le maréchal Pétain n’était pas un traître. Il le peignait même en bouclier d’une France dont de Gaulle était l’épée.
Le Pen, lui, doit se taire.
Robert Aron, historien et juif, avait le droit d’écrire que la condamnation de Pétain fut sévère. Pas le Pen.
Léopold Sédar Senghor, académicien français et chef d’État sénégalais, pouvait chanter la négritude. Le Pen ne doit pas parler du monde blanc.
De Gaulle, Pompidou, Giscard, Mitterrand pouvaient faire porter une gerbe à l’île d’Yeu. Le Pen ne saurait déposer la moindre fleur de rhétorique sur la tombe du chef de l’État français.
N’importe quel quidam peut affirmer que Joffre n’a pas gagné la bataille de la Marne ni Pétain celle de Verdun, que le génocide vendéen n’a pas existé, que Trotski n’a pas été un boucher, etc., ad libitum, mais quand Le Pen affirme que les chambres à gaz – sans nier leur existence – sont un détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale, le monde s’écroule dans le nauséabond, sa fille le renie et les petits marquis engraissés qui lui doivent tout se pincent le nez.
Le Pen est un provocateur obsessionnel, un vieux roi qui s’est dépouillé de son pouvoir et le regrette. Il veut faire parler de lui ? Peut-être, sans doute. Mais ce n’est pas l’important.
L’important est l’abîme d’ignorance et d’intolérance où est tombée la France en quelques décennies. La mort des générations qui ont connu la Seconde Guerre mondiale a permis la construction d’un dogme que nul ne peut plus discuter sans être jeté dans les ténèbres extérieures où sont les pleurs et les grincements de dents.
L’inculture fondée sur une mémoire faussée à dessein (« Vous ne savez pas de quoi vous parlez, jeune homme », disait François Mitterrand à Georges-Marc Benamou) s’érige en juge péremptoire. La France devient un pays de pions délirants. La basse-cour médiatique est aujourd’hui plus haineuse que les jurés de la Haute Cour de la Libération. Des journalistes frais pondus dans leurs madrasas socialistes aux vieux routiers politiques qui espèrent un jackpot électoral, toute la troupe des larbins stipendiés ou simplement sots y va de son coup de bec, sans oublier une révérence, en passant, à l’on ne sait quelle autorité morale. Comme s’il y avait quelque part un grand conseil de la pensée habilité à décider qui dérape, quand et pourquoi.
J’ai bien connu Jean-Marie Le Pen et j’aurais quelques raisons de m’en plaindre. Pour le défendre et le rejoindre, j’ai perdu ma carrière, puis, après son coup de force de décembre 1998, j’ai perdu mon emploi et vendu ma maison. Mais la volaille qui prétend le juger me force à le louer. C’est un homme. Je n’ai jamais été Charlie et je n’ai pas l’intention de le devenir, je suis Jean-Marie.