L’ONU et des pays africains ont exprimé vendredi leur inquiétude face aux violences xénophobes qui ont fait six morts et provoqué le déplacement de 5 000 étrangers en trois semaines en Afrique du Sud, où elles frappent désormais Johannesburg.
Les incidents qui ont éclaté depuis début avril sont limités depuis trois jours au centre-ville de la capitale économique. Vendredi, la situation y était toujours tendue devant un foyer de travailleurs : un groupe de Sud-Africains apparemment désireux d’en découdre chantait et dansait, face à la police.
Dans la nuit, des magasins tenus par des étrangers avaient été pris d’assaut par des pillards, qui ont également crié aux propriétaires de quitter le pays. Douze personnes ont été arrêtées, des voitures ont été incendiées, mais aucun blessé n’a été signalé.
Depuis Genève, le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) a sonné l’alarme. "En Afrique du Sud, les attaques xénophobes au cours des trois dernières semaines ont tué six personnes et déplacé plus de 5 000 étrangers", a déclaré un porte-parole de l’agence onusienne, Adrian Edwards. "Ceux qui sont affectés par ces attaques xénophobes sont des réfugiés et des demandeurs d’asile ayant été obligés de fuir leurs propres pays en raison de la guerre et des persécutions. Ils sont en Afrique du Sud car ils ont besoin d’être protégés", a-t-il souligné.
Début avril, six personnes ont été tuées dans des violences à Durban, le grand port sud-africain sur l’Océan Indien. Aucun incident n’a été signalé à Durban depuis mercredi, mais la tension s’est déplacée à Johannesburg, pour une fois dans le centre-ville, alors que les townships surpeuplés de la grande banlieue - théâtres habituels d’incidents xénophobes - sont restés calmes.
Traitement inhumain
À Pretoria, le directeur de cabinet de la présidence sud-africaine, Jeff Radebe, a mis en garde contre les conséquences de ces incidents sur l’économie et l’image du pays. Selon lui, la chanteuse Kelly Khumalo a déjà dû annuler des concerts à Londres, et un groupe sud-africain a également renoncé à se produire au Zimbabwe.
Les pays d’origine des immigrés montent aussi au créneau. À Harare, capitale du Zimbabwe, une centaine de manifestants ont marché vendredi sur l’ambassade d’Afrique du Sud pour remettre une pétition. "Nous, Zimbabwéens solidaires avec nos frères africains, condamnons fermement et dénonçons les attaques xénophobes cruelles, insensées et effrayantes contre des étrangers et le pillage de leurs biens en Afrique du Sud", indique le texte. Le Zimbabwe, qui compte officiellement 250 000 immigrés en Afrique du Sud, a annoncé qu’il rapatrierait ceux de ses ressortissants qui en feraient la demande. Le Malawi avait fait la même annonce en début de semaine.
Au Mozambique, plus de 200 manifestants mozambicains ont brièvement bloqué vendredi matin la route menant au poste-frontière de Ressano-Garcia, entre le Mozambique et l’Afrique du Sud. Ils ont interdit le passage de tous les véhicules immatriculés en Afrique du Sud, en représailles aux violences xénophobes des derniers-jours.
Au Nigeria, le ministre des Affaires étrangères Aminu Wali a relevé qu’aucun de ses concitoyens n’avait été victime des récents incidents. En cas de besoin, "il est de notre devoir de nous assurer que nous pourrons rapatrier nos compatriotes", a-t-il cependant indiqué jeudi soir, ajoutant : "Nous n’acceptons pas que nos citoyens soient l’objet d’un tel traitement inhumain en Afrique du Sud".
Plus symbolique, une radio privée en Zambie a annoncé qu’elle ne diffuserait plus aucune musique d’artistes sud-africains. La ministre sud-africaine des Affaires étrangères, Maite Nkoana-Mashabane, a reçu des ambassadeurs africains, vendredi, pour les assurer des efforts de Pretoria. "Nous avons mis le corps diplomatique africain dans la confidence des mesures prises par nos forces de sécurité pour traduire en justice les responsables de la violence et des actes criminels", a-t-elle dit, assurant : "Nous pensons que nous pouvons vaincre ce démon" de la xénophobie.
Les violences de ce genre sont récurrentes chez ce géant économique du continent. Elles reflètent les frustrations de la majorité noire qui continue de souffrir économiquement, et la résurgence d’une culture de violence exacerbée sous l’apartheid.