Alors que le célèbre magasin Tati du boulevard de Rochechouart a été placé en liquidation judiciaire le 4 mai, et pourrait, à terme, fermer, de nombreux habitants s’inquiètent de la gentrification de cette partie du 18e arrondissement de Paris. Reportage.
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Pour certains habitants, la fermeture de Tati signerait l’arrêt de mort du Barbès populaire, déjà en pleine mutation.
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« Ça fait un peu tache non, cette brasserie un peu chic entourée de vendeurs de maïs itinérants ? » lâche un jeune homme à sa compagne. « Ce débat sur la Brasserie Barbès, c’est un faux débat », s’étrangle Laurent Laborie, président de l’association Paris-Louxor. « Ils ont failli ouvrir un fast-food à la place. Est-ce que c’est mieux pour l’image du quartier ? » Pour lui, l’établissement s’intègre parfaitement dans le quotidien. « Les habitants les plus âgés boivent leur café sur la terrasse le matin, les jeunes viennent faire la fête et manger le soir », explique-t-il. Ce nouvel endroit s’était, à son ouverture, attiré les foudres de certains internautes.
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« Moi, j’aurais préféré un fast-food », soupire Mokhtar. Ce manutentionnaire, ancien habitant de Barbès, s’est exilé en banlieue à cause de la flambée des prix de l’immobilier. « Je n’ai pas les moyens de manger dans ce genre d’endroit. C’est trop cher. On paye son café 3 euros. Trois fois plus cher que dans le troquet de l’autre côté de la rue. » Il déplore l’arrivée de nouveaux habitants plus aisés. « Ils changent totalement l’esprit du quartier avec leurs épiceries bio et leurs restaurants hors de prix », fustige-t-il. Le vieux magasin Tati voué à fermer fait office de dernier rempart populaire face à ces nouveaux commerces : « Si Tati ferme, c’est quand même une grosse faille dans la lutte contre l’envol des loyers et la gentrification du quartier », explique Yankel Fijalkow. Cet embourgeoisement concerne les commerces, mais aussi les logements.
Un phénomène que Laurent Laborie, le président de l’association Paris-Louxor, a du mal à reconnaître. « Il existe un encadrement des loyers à Paris », rappelle-t-il. Pour lui, pas d’arrivées massives de nouveaux habitants, ni d’exil des anciens occupants : « On a le sentiment que ce quartier n’est pas tellement prisé par de nouveaux arrivants. De nombreuses familles y vivent depuis très longtemps. » Pourtant, la flambée des prix des loyers illustre bien que le quartier est en mutation. Boulevard Barbès, le prix du mètre carré est de 7 069 euros en mai 2017 contre 5 160 euros en 2010.
Les inégalités s’accroissent, selon Yankel Fijalkow : « À Barbès, l’écart moyen de pauvreté entre les habitants est de 1 à 6. En moyenne, cet écart est de 1 à 3 à Paris. » Pour le sociologue, cette situation crée du ressentiment parmi les habitants les plus modestes du quartier. « Il y a une grande violence verbale chez eux, ils fustigent les "bobos", même si on ne sait même pas ce que ce terme signifie. »
Ce mot est répété à l’envi par les habitants. « Moi, je ne les aime pas trop ces nouveaux bobos-là, soupire Abdel en rinçant des verres. Avant, c’était beaucoup mieux, ce quartier ressemblait à un village. Serge Gainsbourg venait picoler ici. » Le gérant de l’établissement Au Clair de lune se targue de travailler dans un café ouvert depuis 145 ans, où des affiches de cinéma défraîchies sont éclairées par des néons roses. Théa, assise au comptoir, soupire en ajustant son étole en fourrure. « J’habite ici depuis quarante ans et l’ambiance est perdue. Avant, ouvriers, artistes, cadres se mélangeaient et trinquaient ensemble. » Ce n’est visiblement plus le cas avec la nouvelle génération de jeunes actifs en baskets.
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Samir, le kiosquier, a lui diversifié son offre. « Maintenant, je vends des exemplaires du New York Times à 3,20 euros, c’était impensable avant. »
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Il y a dix ans, l’analyse d’Alain Soral sur Paris :