Il fut un temps où les Parisiens aimaient Paris non parce qu’elle était la capitale de l’entre-soi bien-pensant, mais parce qu’elle était une ville fourmillante où tout était possible.
Elle était en quelque sorte la terre promise des Rastignac, où l’on pouvait arriver avec de vieilles bottes sans chaussettes et espérer réussir par sa grâce et son talent. Elle était aussi bonne mère : une ville qui autorisait tout (et pas forcément le pire), où tous les modes de vie avaient droit de cité, sans que les bonnes âmes ne flicassent les libres penseurs et les libertins. On s’y mélangeait gaiment et respectueusement, riches et pauvres, milliardaires et culs-terreux, chrétiens, juifs et musulmans, athées et bouddhistes, libres penseurs et cagots, laborieux, artistes et rentiers. Tout ce petit monde se partageait Paris avec le sentiment d’une immense chance : celle de participer à une grande aventure humaine, pleine de souffle, mais aussi de promesses et de souvenirs, où chacun était une brique dans un mur magique de plusieurs milliers d’années.
Peu à peu, Paris perd sa magie et se range dans le conformisme gris d’une petite bourgeoisie qui se croit originale mais qui confond le caprice immédiat et l’ambition, l’opinion des salons et la vision historique, le préjugé et l’intelligence, l’avenir collectif et la somme des projets individuels. Et sans qu’on y prenne garde, sans qu’on ne le voie, cette somme des projets individuels qui dirige la Ville devient le tout d’une impossibilité grandissante.
Traverser Paris quand on est banlieusard : bientôt impossible !
Par exemple, Anne Hidalgo a le projet de rendre aux piétons les berges de la Seine, projet anticipé par la crue impromptue de la Seine. À la fin du Paris Plages de cet été, les quais resteront fermés aux automobilistes, y compris le tunnel des Tuileries, rénové en 2010 pour 10 millions d’euros. Comme c’est beau ! Paris libérée de ces banlieusards qui travaillent à la Défense ou dans le Triangle d’Or, et qui habitent un minable pavillon dans la banlieue Est. Quelle horreur ! des traîne-misères, des gagne-petits qui viennent polluer la capitale !
Marie-Antoinette aurait dit : s’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ! Anne Hidalgo répond : s’ils ne sont pas contents, qu’ils habitent à Paris !
Traverser Paris avec une vieille guimbarde : bientôt impossible !
Par exemple, Anne Hidalgo interdira bientôt les véhicules antérieurs à 1997 dans les rues de Paris. Comme c’est beau ! On en finit enfin avec la pollution mortifère due aux voitures de plus de 10 ans. Ceux qui souillaient nos rues bien propres avec leurs vieilles guimbardes en seront pour leur grade. Et s’ils n’ont pas les moyens de suivre, tant pis pour eux. Qu’ils déménagent en banlieue, où la pollution au moteur brinquebalant est un sport national !
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Il y a dix ans, l’analyse d’Alain Soral sur Paris :