Le dernier grenier à blé de Paris va t-il être englouti par un énième temple de la consommation ? À Gonesse dans le Val-d’Oise, le géant de la distribution Auchan envisage d’ouvrir en 2024 un méga-centre de 80 hectares mêlant commerces, loisirs et « offre culturelle ». Si le projet aboutit, les dernières terres agricoles de la Plaine de France feront place à des pistes de ski et de luge... Mais dans le débat public, qui se déroule jusqu’au 30 juin, ce n’est pas l’autonomie alimentaire ou la surconsommation d’énergie qui préoccupent les habitants, mais bien l’emploi. Ce type de grand projet est-il la meilleure voie pour sortir un territoire enclavé de l’impasse économique et sociale ? Enquête.
Coincées entre les aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle et du Bourget, l’autoroute A1 et l’usine aujourd’hui fermée de PSA-Aulnay, se trouvent les dernières terres agricoles de la plaine de France. Ces sols limoneux, à forte réserve en eau, regorgent de colzas, de maïs, de blés et de betteraves. « Le maïs, on ne l’arrose même pas. On sème et il pousse tout seul », raconte Dominique Plet, agriculteur céréalier du Val-d’Oise, fier de ces terres figurant parmi les plus fertiles d’Europe. Depuis quatre générations, la famille Plet cultive une partie des champs du « triangle de Gonesse », une enclave champêtre située à quelques kilomètres à peine du nord-est de Paris.
Pourtant Robin, le fils de Dominique, ne reprendra peut-être jamais la ferme. Une gigantesque opération immobilière s’apprête à amputer sa surface de 20 hectares. Au terme de plusieurs décennies de grignotage de ces terres agricoles par des zones d’activités économiques et commerciales, c’est maintenant le projet EuropaCity qui pourrait signer l’arrêt de mort de cette exploitation. Rognant ainsi, encore un peu plus, sur la déjà faible autonomie alimentaire de la région Ile-de-France.
Le chantier du complexe EuropaCity, prévu pour couvrir 80 hectares, pourrait être lancé en 2019 pour une ouverture au public prévue en 2024. Il s’inscrit dans une zone d’aménagement concertée (ZAC) qui projette en tout d’urbaniser 280 hectares. Les promoteurs d’EuropaCity tempèrent, mettant en avant un projet de « ferme urbaine » de sept hectares et un « parc urbain » de dix hectares. S’y ajoutent, selon les plans, 23 hectares de commerces – l’équivalent de 33 terrains de football ! –, 2 700 chambres d’hôtels, des restaurants, et parc de loisirs.
« Ce sera un lieu hybride, proposant des expériences inédites, résume Christophe Dalstein, directeur du projet EuropaCity. On y trouvera le plus grand parc aquatique de France, mais aussi un parc des neiges, des salles de spectacles, des boites de nuits... ». L’opinion de Guillaume Faburel, enseignant chercheur en études urbaines, est plus tranchante : « Europacity se veut être une des nouvelles cathédrales du néo-libéralisme urbain [1] ».
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Quelques illustrations du futur « non-lieu » :