Alimuddin Usmani : L’écrivain Emmanuel Ratier a publié un nouveau livre intitulé Le vrai visage de Manuel Valls. Dans ce livre, il fait de surprenantes révélations à propos du premier ministre, considéré à l’heure actuelle comme un sioniste particulièrement zélé. Alors qu’il était maire d’Evry, ville habitée par de nombreux musulmans, il avait un discours pro palestinien. Certains pensent qu’il souffre de troubles bipolaires d’autres que c’est la confirmation qu’un politicien souhaitant faire une carrière aboutie en France est obligé d’adopter un discours sioniste. Est-ce que ce changement de la part de Manuel Valls vous surprend ?
Gilad Atzmon : C’est loin d’être surprenant, c’est la réalité occidentale contemporaine. Aux États-Unis, le lobby juif dicte au secrétaire d’État la terminologie qu’il peut utiliser et lui explique celle qu’il doit éviter. Cependant, ce phénomène est également présent au sein du mouvement de solidarité palestinien. Ce sont aussi les groupes juifs qui dictent leur terminologie dans le but de détourner l’attention sur le fait qu’Israël se définit comme un État juif. En résumé, la politique occidentale a été « jérusalémisée » et l’émancipation a pris du retard.
Lorsque la réalisatrice franco-israélienne Esti a demandé à l’écrivain Agnès Michaux C’est quoi être juif ?, elle a répondu ceci : « C’est faire partie d’un vieux moment de l’histoire du monde, d’où la difficulté d’être juif aujourd’hui, être juif c’est être archaïque ». Qu’en pensez-vous ?
C’est de toute évidence faux et trompeur. La judéité est l’identité politique la plus adaptable. 2 500 ans d’identité en exil ont mené à un développement évolutionnaire d’une multiplicité de stratégies juives de survie. La politique juive peut transformer toute idée, pensée ou même un simple événement en une religion juive.
On a beaucoup écrit sur l’Holocauste comme étant la nouvelle religion juive. Il possède tous les éléments qui sont nécessaires à une religion organisée-des sanctuaires, des leaders spirituels, la rédemption par la vengeance, l’apostasie, l’hérésie, et même une sorte de Dieu chrétien-le juif, celui qui a été réduit en cendres et qui a ressuscité en une force politique totale et sans précédent. Mais en fait, le judaïsme et l’Holocauste sont juste deux religions juives parmi d’autres. Le marxisme, le bolchévisme, les droits de l’homme, les droits des homosexuels, l’interventionnisme au nom de la morale, sont tous des formes de religions juives. Ils sont moralisateurs et déterminés par la notion d’élection (progressisme). Ils impliquent tous que les autres sont inférieurs. En réalité les nouvelles religions juives ont fait transformer l’humanité en « Autre ».
Zbigniew Brzezinski a parfois eu des positions courageuses. Il a défendu le livre de Walt et de Mearsheimer Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine. Cependant, il a apporté tout récemment son soutien à ceux qu’il appelle « les héros de Maïdan ». En agissant de la même manière que BHL, où se situe sa cohérence ?
De manière générale je ne cherche pas à suivre la trace d’une quelconque cohérence dans les déclarations politiques. Il est plus que probable que Brzezinski, ancienne figure de la guerre froide, échoue à comprendre la situation en Europe orientale et sa signification.
Vous étiez récemment en Turquie. Le Premier ministre Erdogan dénonce de manière régulière la politique israélienne à l’égard des Palestiniens. Pourtant, il apporte son soutien à l’opposition armée en Syrie, ce qui fait le jeu d’Israël. Que pensez-vous de lui ?
Il est intéressant de noter que j’ai soulevé précisément cette question dans chaque réunion à laquelle j’ai participé à Istanbul. En occident nous avons tendance à interpréter la politique turque à l’égard de la Syrie comme étant motivée par l’avidité. Nous pensons que la Turquie considère le régime d’Assad comme un obstacle en ce qui concerne le transit du gaz entre les pays du Golfe et l’Europe. Néanmoins, les universitaires turcs et les officiels avec qui je me suis entretenu démentent ceci. Ils insistent sur le fait que la Turquie porte un intérêt marqué pour la Syrie à cause du fait que les villes du nord de la Syrie ont appartenu en son temps à l’Empire ottoman et que les problèmes des droits humains en Syrie ont des répercussions près de leurs frontières. Je ne suis pas en position d’émettre un jugement mais je peux affirmer que les affaires turques sont bien plus compliquées que la conception qui en est faite en occident. Nous avons affaire à une puissance montante sur la scène régionale qui commence à comprendre sa propre histoire et l’importance de son rôle politique et militaire.
Les Femen ont manifesté contre le Front national hurlant « Stop à l’épidémie fasciste ». Elles ne feraient jamais une chose pareille à propos de l’idéologie nationaliste israélienne. Est-ce que ces femmes pratiquent la Haskala ? (éthique duale de la philosophie émancipée juive)
Pour commencer, je dirai que si le fascisme suffit à pousser les femmes nues à marcher dans les rues, alors je suis pour la montée de la droite. Plus sérieusement, il a été établi depuis longtemps que la gauche et les progressistes sont immergés dans une culture du slogan. La gauche étiquette tout ce qu’elle ne comprend pas comme du fascisme. Ces filles, pour certaines magnifiques, ne savent pas ce que le fascisme veut dire ni ne comprennent la signification de l’épidémie. Elles ne saisissent pas que le fascisme se réfère en fait à un mouvement puissant qui poursuit une idéologie nationale et socialiste. C’est la croyance que le bien-être et le patriotisme peuvent coexister et même faire avancer la société. C’est un secret à peine voilé qu’une telle perception du bien-être patriotique est la seule réponse à la globalisation et au sionisme interventionniste. Les Femen sont, de toute évidence, financées par les sionistes mondialistes, certains suggèrent que c’est le réseau de Soros qui les soutient. Par conséquent, je ne les imagine pas combattre Sion, elles font plutôt partie d’un front financé par les sionistes.
Dans un récent entretien vous avez dit que vous ne participiez pas au jeu démocratique. Vous ne voteriez même pas pour une personne comme George Galloway ?
Certainement pas (avec tout le respect que j’ai pour George), je ne vote pas et je possède un intérêt nul pour le jeu politique et pour les acteurs impliqués dans ce jeu. Je suis intéressé en tant qu’intellectuel dans la signification de ce jeu politique.
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