Discours donné par Gilad Atzmon à Oxford (Royaume-Uni) le 15 avril 2014 lors d’un débat intitulé « Antisémitisme : mythe ou réalité ».
Bonsoir à tous, amoureux des livres et autres chercheurs de vérité.
Comme certains d’entre vous ont pu le remarquer, le sujet de ce débat s’est quelque peu transformé depuis que je l’ai démarré. La discussion s’intitulait « Antisémitisme : mythe ou menace ». Nous sommes à présent censés parler de « Racisme : mythe ou menace ».
Mesdames et messieurs, ce glissement dans l’intitulé du débat est en fait plus significatif qu’il en a l’air. C’est en réalité une manifestation de notre confusion et de notre appréhension à regarder de plus près l’identité, la politique, la culture et l’idéologie juives.
Il ne fait aucun doute parmi les intellectuels que les juifs, en tant que groupe, descendent de nombreux groupes ethniques différents et sont loin d’être une race homogène. Il n’y a pas de continuum racial entre un juif polonais et un juif yéménite. Mais il est aussi évident que la culture politique juive, qu’elle soit sioniste ou antisioniste, est ethnocentrée et, dans une large mesure, motivée racialement. Tout comme Israël, l’État réservé aux juifs, les opposants juifs à Israël préfèrent bien trop souvent opérer au sein d’organisations juives telles que « Voix juives pour la paix », « Juifs pour la justice », etc. Pour faire court, qu’ils soient sionistes ou antisionistes, les juifs préfèrent d’une manière ou d’une autre opérer dans des cellules politiques racialement orientées et prônant la ségrégation ethnique.
La conclusion est évidente – bien que les juifs ne soient pas une race, la politique identitaire juive est raciste jusqu’à l’os.
Nous pouvons maintenant reformuler légèrement l’intitulé de ce débat et demander si le racisme juif est un mythe ou une menace. Laissez-moi vous le dire tout de suite : cela ne nous conduira pas vers un débat intéressant. Le racisme juif est une évidence et c’est très certainement une menace.
Cinq millions de Palestiniens qui ont été les victimes d’un nettoyage ethnique peuvent confirmer que c’est bien le cas. Leurs frères et sœurs qui sont restés en vie, contre toute probabilité, peuvent vous parler de l’ethnocentrisme israélien et des lois raciales discriminatoires. Même ici, au Royaume-Uni, mon amie palestinienne, le poète Naiad Izzat, fut exclue d’un groupe de solidarité avec la Palestine par de soi-disant bons juifs socialistes simplement pour avoir dit ce qu’elle pensait de la culture et de la politique juives. Nous avons donc là une autre conclusion embarrassante. Le racisme juif est facilement identifiable en tant que menace mais pour une certaine raison, nous ne pouvons en parler ouvertement.
Je pense que nous sommes maintenant prêts à aborder le sujet initial de ce débat. L’antisémitisme, mythe ou menace ?
Vérifions d’abord que nous comprenons bien la terminologie impliquée.
À un certain moment, principalement à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, certains éléments de l’intelligentsia européenne furent fascinés par le darwinisme et ses applications politiques. Ce fut alors que l’opposition à la communauté juive adopta un raisonnement racialiste. Des penseurs et mouvements politiques étaient clairement opposés aux juifs simplement parce qu’ils étaient juifs. Une telle opposition peut être identifiée comme une tendance essentialiste racialement orientée et est souvent étiquetée comme antisémite. Cependant, je crois que cette idéologie a été vaincue à la fin de la Seconde Guerre mondiale.
En tant que principal commentateur de l’identité juive, je suis très familier de presque chaque texte critique portant sur la politique juive. Je peux confirmer que je ne suis encore jamais tombé sur une opposition contemporaine à la communauté juive qui soit guidée par le sang ou par des motifs biologiques. Je suis incapable de penser à un quelconque texte ou appel politique à s’opposer aux juifs parce qu’ils sont juifs. Par contre, j’ai lu de nombreux textes qui critiquent le racisme, la culture et la politique juives.
Vous devrez vous poser la question, peut-être pour la première fois : la critique culturelle est-elle mauvaise ? La critique politique est-elle un crime ? Certaines catégories politiques devraient-elles échapper a toute critique ? Élaborer ces questions peut nous conduire à une meilleure compréhension de la notion de pouvoir juif. Le pouvoir juif n’est pas seulement la manifestation de la domination de certains juifs au sein du paysage politique, culturel et financier. Le pouvoir juif repose principalement sur la capacité à nous empêcher de discuter de la vraie signification de cette domination juive.
Nous tendons à croire que toute politique doit être sujette à une critique rigoureuse. Nous ne nous empêchons pas de critiquer le Parti national britannique (BNP) ou David Cameron. Nous n’hésitons apparemment pas à critiquer les Frères musulmans, mais essayez de parler du soutien d’Ed ou de David Miliband [politiciens britanniques membres du parti travailliste, NDLR] pour Israël et le projet sioniste. Essayez aussi de remettre en question le sens de la judéité de l’État juif. Vous ferez rapidement face à un mur de résistance, et finirez peut-être par être la victime d’une campagne de calomnies orchestrée par les soi-disant juifs progressistes. La vérité est que le pouvoir juif, c’est-à-dire la tentative agressive de dissimuler le véritable sens de la judéité, est en fait dans les mains de la gauche juive.
La Trinité cachère et la Mécanique quantique juive
Nous allons maintenant tenter de saisir le mécanisme par lequel cette suppression de toute critique politique a pu avoir lieu.
À cause de son émancipation, de sa sécularisation et de la montée du nationalisme, la communauté juive européenne est passée par une transformation radicale durant le XIXe siècle. En 1897, on vit la formation de deux mouvements nationalistes juifs. Le premier fut le sionisme – une promesse de « civiliser » la diaspora juive en la déplaçant à Sion (en Palestine). Le second mouvement fut le Bund – un « mouvement socialiste réservé aux juifs » qui réclama des droits nationaux pour le peuple yiddish d’Europe de l’Est.
L’historien israélien Shlomo Sand avance que ces deux mouvements ont contribué à l’invention de la « nation juive ». Ce fut l’invention de la nation juive qui amena une nouvelle Trinité cachère – à l’opposé du judaïsme rabbinique théocentré, l’identité juive laïque moderne se réfère à la race (un lien biologique), au nationalisme (un récit commun) et à la religion (un fantasme d’origines et d’héritage communs appelé Yiddishkeit).
La Trinité cachère est cohérente, mais n’en reste pas moins un sinistre amalgame. Examinons par exemple l’appel sioniste : en tant que race, « les juifs sont des victimes », en tant que nation « ils ont droit à un pays au soleil » et pour leur religion « ce pays doit être Sion ».
Bien que de nombreux juifs opèrent politiquement, et dans la plupart des cas de manière agressive en tant que juifs, ils traitent toute critique à leur encontre comme du racisme et de l’intolérance religieuse.
Lorsque vous critiquez la politique israélienne, le juif sioniste vous dénonce comme étant un raciste. Quand vous désapprouvez la tendance raciste et suprémaciste qui caractérise le judaïsme et le Talmud, le juif progressiste vous accuse d’intolérance religieuse. Et lorsque vous attendez du juif cosmopolite qu’il respecte son supposé engagement universel envers l’humanité et qu’il se retire de sa cellule progressiste réservée aux juifs et rejoigne l’humanité pour de bon, vous êtes immédiatement blâmé pour votre intolérance culturelle, religieuse et même pour votre racisme.
Ce que nous voyons ici en pratique est une nouvelle forme de mécanique quantique juive. Le juif politique est partout et nulle part à la fois. Le juif politique est dynamique et cohérent et pourtant, flou d’une certaine manière. On ne peut jamais comprendre ce qu’il est ni où le trouver exactement, mais on peut être sur qu’il se trouve quelque part dans un champ magnétique tripolaire imaginaire formé par le racisme juif, un nationalisme agressif et une adhésion religieuse juive vague et versatile. Le sujet politique juif rebondit sans arrêt entre ces trois forces magnétiques. Il n’est jamais stable, il ne se trouve jamais à un seul endroit – il se déplace, se transforme et s’adapte.
Je peux admettre que les soi-disant antisémites évitent la métaphore précédente et se référent plutôt au juif en tant que caméléon. Chose intéressante, le Zelig de Woody Allen peut aussi être une tentative cinématographique de représenter cette condition juive instable.
Maintenant, regardons les choses en face. Il n’y a aucun mal, du moins en théorie, à être orienté racialement ; on ne fait pas campagne contre les Noirs qui célèbrent le fait qu’ils sont noirs. Le nationalisme peut être un sentiment exaltant et les rituels religieux peuvent purifier l’esprit. Mais, malheureusement, aucune de ces caractéristiques potentielles positives ne peut être attribuée à la politique juive identitaire. Tragiquement, la politique juive moderne est toujours célébrée aux dépens de quelqu’un d’autre. Les sionistes ont pillé la Palestine, les néocons asphyxient les terres arabes avec des munitions à l’uranium appauvri au nom de la morale, le bon juif cosmopolite s’est précipité en Espagne pour tuer des Catholiques et brûler leurs Églises au nom du « prolétariat ». À l’heure où je vous parle ce soir, le lobby juif ici au Royaume-Uni, en Amérique et en France pousse à la guerre contre la Syrie et l’Iran.
Je suis venu aujourd’hui pour répondre à la question de savoir si l’antisémitisme est un mythe ou une menace. Ma réponse est simple : l’opposition au pouvoir juif n’est ni un mythe ni une menace. C’est en fait un devoir moral et humaniste fondamental.
L’État juif et ses lobbies dévoués sont une menace pour la paix mondiale. S’opposer au pouvoir juif et comprendre son mode opérationnel sont un impératif éthique. Et cela peut aussi sauver les juifs.
Les juifs sont assez doués pour s’attirer des désastres. L’histoire juive est une chaîne spectaculaire d’horribles holocaustes. Et s’il y a bien quelque chose que les juifs échouent a faire, c’est de se regarder dans le miroir et de reconnaître leurs fautes. Au lieu de prendre leurs responsabilités pour leur passé et pour leur avenir, la culture et la politique juives peuvent être comprises comme une tentative réussie de blâmer les autres. D’une manière ou d’une autre c’est toujours au « Goy antisémite » que revient la faute.
Étrangement, le sionisme à ses débuts était une rare tentative juive de se regarder dans le miroir. Quelques intellectuels juifs tels que Herzl, Nordau et Jabotinsky regardèrent dans le miroir et furent dévastés de reconnaître que quelque chose était en effet problématique dans la condition sociale juive. Ils diagnostiquèrent un malaise culturel juif mais leur remède s’avéra être un échec total.
Que les juifs soient capables de se regarder dans le miroir et de faire leur introspection reste une question ouverte. Cependant, la critique du pouvoir juif et de la culture juive est un devoir éthique, c’est une nécessité. Nous le devons à nous-mêmes, à nos enfants et aux générations futures. Je pense qu’il serait aussi juste de suggérer que ceux qui sont aujourd’hui étiquetés comme antisémites sont tout simplement des individus brutalement honnêtes, assez souvent d’origine juive.