« C’est un peu comme entendre un fantôme. Leur voix s’était tue pendant 70 ans. Et soudain, ils se mettent à chanter pour nous. » Ces voix étaient gravées sur un mince fil d’argent, retrouvé tout récemment à l’université d’Akron, dans l’Ohio. Grâce à un long travail d’archivage et à la reconstruction d’une machine pour jouer ces précieuses bandes, les voix des camps de concentration peuvent à nouveau être entendues. (Source news.sfr.fr)
Juste après la guerre, à la libération des camps, un psy de Chicago, David Boder, enregistre les survivants mais avec un système dépassé. C’est seulement aujourd’hui que les techniciens de l’université d’Akron ont pu retrouver ces voix. Les sons que vous allez entendre (à partir de 2’54) ont été enregistrés dans un camp de personnes déplacées proche de Paris.
Au-delà de ce petit exploit technique, on peut trouver beaucoup de la culture juive musicale sur l’Internet. Voici des chants yiddish traditionnels :
Les nazis, on le sait, avaient installé des orchestres dans les camps avec cet esprit ironique parfois cruel qu’on leur connaît. En même temps, ça les distrayait. Une sorte de divertissement de masse avant l’heure. Les musiciens et chanteurs juifs y trouvaient un travail moins éreintant que dans les usines de caoutchouc ou la construction. Car Auschwitz était entouré d’usines pour le travail forcé. Dans ce documentaire, le guide explique qu’il y avait au moins 5 orchestres à Auschwitz (à partir de 15’38) :
Notez la tristesse qui émane de ces chants yiddish de Cracovie, ainsi que la nostalgie (Ostalgie ?) qui s’élève. Cependant, tous les chants juifs d’Europe de l’Est avant 1942 n’étaient pas forcément tristes. Il y a une tradition klezmer assez emballante, même si d’un point de vue musical, ça ne vole pas très haut, à la longue c’est répétitif. Que Gilad Atzmon nous pardonne, on est loin des subtilités de la musique classique (musique « blanche ») ou de la complexité du jazz (musique « noire »). Le klezmer rappelle la musique tzigane, faite pour danser et oublier la misère. Car les Tziganes ont toujours été pauvres, des nomades chassés de partout. Le grand réalisateur serbe Emir Kusturica l’a remise au goût du jour avec son splendide Temps des Gitans (Prix de la mise en scène à Cannes 1989).
On retrouve comme un fil rouge ce fond de nostalgie (de temps très anciens) assez pleurnicharde dans les compositions israéliennes proposées par exemple au concours Eurovision de la Chanson, et même dans la variété française d’aujourd’hui car beaucoup d’artistes juifs s’y expriment avec talent. Cependant, ne caricaturons pas trop : Woody Allen lui-même, joueur de clarinette, ne tombe pas dans le klezmer à 2 shekels et s’attaque au jazz.
Bon OK c’est pas Coltrane (un saxo) mais la musique n’est pas faite que pour les virtuoses. La Fête de la Musique imposée chaque 21 juin par Jack Lang le prouve.