Kontre Kulture Musique : Quel est votre parcours musical personnel, la genèse de votre projet ?
LaMottA : Pour faire court : j’ai 41 ans, je suis français d’origines italienne par mon père et anglo-normande par ma mère. De famille ouvrière, j’ai commencé la musique sur les genoux de mon grand-père, en tripotant l’orgue planté au milieu du salon, pendant que les adultes s’engueulaient en jouant aux cartes...
Parcours très classique pour l’époque : conservatoire dès 5 ans, solfège, clarinette, saxophone puis piano. Soprano puis alto dans le choeur d’enfants de l’Opéra de Paris de 11 à 15 ans. La guitare et Led Zeppelin ont dynamité tout ça. Quitté la maison à 17 ans, joué dans le métro puis dans des bistrots, pubs, cafés concerts... Premier label et premier disque à 21 ans. Signé à 25 ans sur un label londonien (alors que j’ai toujours chanté en français, faut pas chercher à comprendre) et retour en France à 28 ans. Universal, le show-bizz (sans l’aimer), l’Olympia en 2001, les radios, les télés, plus ou moins 1000 dates en 10 ans.
Quelques « succès d’estime » par-ci par-là et un virage en 2010. Le retour aux premières amours, c’est-à-dire la musique instrumentale, même s’il m’arrive encore de chanter sous la douche... Surtout Puccini.
Quel a été le déclencheur de votre désir de devenir musicien ?
J’avais 11 ans en 1985. Le grand frère d’un copain avait laissé traîné une K7 dans la platine, on a appuyé sur lecture.
J’ai entendu Led Zeppelin pour la première fois. Over the Hills and Far Away, pour être précis. Ça m’a littéralement collé au plafond, sans que je n’y comprenne rien. Depuis je ne suis toujours pas retombé.
Quelles ont été vos précédentes expériences avec le public ou les labels et maisons de disques, en France ou à l’étranger ?
Parcours du combattant. Des hauts assez hauts et des bas très bas. Si je devais résumer, je dirais que j’ai connu d’un côté les majors qui t’arrosent chez Castel, et de l’autre la vraie galère. Expulsé, SDF, à jouer dans des bar-tabacs du 19ème arrondissement contre un couscous ou une nuit d’hôtel (au passage, merci à mes amis serbes et kabyles sans qui j’y serais encore !)
Que pensez-vous de la musique qui est proposée par les médias mainstream en France de nos jours ?
Comme beaucoup, je la subis en faisant de mon mieux pour y échapper.
Pour moi la France est un grand pays de chansons, peut-être le plus grand d’ailleurs. (David Bowie a repris Jacques Brel, Sinatra et les Sex Pistols ont repris Claude François... mais pas le contraire.)
Brel, Brassens, Ferré n’ont pas été remplacés. Bashung est parti, Polnaref a pris sa retraite il y a 30 ans, Higelin nous a refilé ses mômes...
Au risque de passer pour un vieux con, il y a longtemps que je n’ai pas entendu un bon disque de chansons « en français ». Ah si, il y a Franck Deweare qui relève le niveau !
Comment avez-vous découvert Kontre Kulture Musique et E&R ?
Par Dieudonné, et puis de fil en aiguille et de clic en clic...
Je suis resté longtemps totalement apolitisé, par manque d’intérêt et de culture, tout simplement. Quand j’ai découvert les entretiens d’Alain Soral, j’ai appris beaucoup de choses et je me suis peu à peu réveillé. Je me suis pas mal reconnu dans cet esprit punk authentique... J’ai eu la chance de le rencontrer très brièvement, et je n’ai pas vu le diable (on m’aurait donc menti ?!).
Bon, on était censé parler musique, mais on a parlé boxe. Enfin... Il a parlé de boxe et j’ai écouté, parce que je suis un boxeur « de loisir » et que lui connaît assez bien le sujet...
Considérez-vous votre travail comme un acte culturel militant ?
Difficile de militer avec de la musique sans paroles. Kontre Kulture Musique m’a permis d’être entendu par des oreilles attentives, je n’en espérais pas autant quand j’ai commencé à travailler sur ces instrumentaux.
Aujourd’hui je fais de mon mieux pour filer un coup de main à KKM afin de faire découvrir d’autres musiciens qui n’ont pas les faveurs du système. C’est le moins que je puisse faire. C’est vrai qu’il m’arrive d’espérer qu’Alain et Dieudo fassent un film – docu, fiction, peu importe... Et là je me prends à rêver qu’on me commande un titre pour la bande originale (avec Gilad en guest !) Chacun sa façon de participer !
Que vous inspire l’époque dans laquelle nous vivons ?
J’appartiens à ce qu’on appelle les « incorrigibles optimistes » (comme si l’optimisme était un défaut qu’il fallait corriger à tout prix...) donc en quelques mots je suis stupéfié par la puissance de la pensée unique, la peur du débat, la diabolisation des opinions dissidentes... Mais en tant que père de famille, je suis rassuré par l’intelligence des gamins qui arrivent après nous. Non seulement ils sont bien plus malins qu’on ne le pense, mais en plus, grâce à Internet, ils peuvent se faire leur propre idée du monde dans lequel ils vivent. J’en connais même pas mal qui écoutent Oscar Peterson et Miles Davis à 16 ans, donc rien n’est perdu !
Si vous pouviez partager un dîner fraternel et bien arrosé avec trois personnes de votre choix, vivantes ou disparues, quelles seraient-elles ?
La scène se passerait entre avril et juillet 1968. Pendant le tournage d’Il était une fois dans l’Ouest.
Avec Sergio Leone (mon cinéaste et philosophe préféré) pour parler de tout et de rien, Ennio Morricone au piano (entre le fromage et le dessert) et Claudia Cardinale pour... euh... pour le plaisir des yeux, si on a encore le droit. (J’invite le lecteur à googliser « Claudia Cardinale 1968 » pour se faire une idée plus précise de ce dont il est question...)
Après la Troisième Guerre mondiale, vous êtes le seul survivant. Quelque part dans les décombres, une platine fonctionne encore. Juste à côté, un seul disque a échappé au carnage. Lequel ?
We Get Request, un disque d’Oscar Peterson Trio. J’aimerais pouvoir en parler, mais les mots seraient trop faibles. J’aimerais aussi ne jamais l’avoir entendu et le découvrir pour la première fois. Quelle chance !
Finalement – car tout à une fin –, vous arrivez au paradis. Qu’aimeriez-vous que l’on vous dise en arrivant ?
Quand ça sera terminé, j’aimerais que le Patron me dise : « Pas de chi-chis entre nous, appelle-moi Jean-Sébastien... »
Enfin, en imaginant qu’il lise ces lignes, qu’aimeriez-vous dire à Patrick Bruel ?
« Ferme-là physiquement, à tout jamais. » Si seulement il pouvait m’entendre.