Cher Monsieur Soral,
Des tomates farcies délicieuses (préparées par ma femme), du roquefort, une belle soirée d’été et les quelques verres de rouge de mon beau-père sembleraient m’inspirer et me pousser à vous écrire.
Ceci est un modeste témoignage ainsi qu’un remerciement.
Je viens de fêter mes 34 ans. Je suis un simple Goy blanc (la majuscule car j’en suis fier), un quidam. Je suis le croisement de deux familles totalement opposées. D’un côté, des militaires, de l’autre, des paysans.
Enfant, j’ai donc fait face à la rigueur de l’armée et à la douceur de la campagne, le tout dans des principes catholiques, et j’admirais profondément mes deux origines.
Adolescent, mes parents me rêvaient dans une carrière « à l’international », parlant plusieurs langues, voyageant sans arrêt, pour eux, pour leur génération (je ne peux leur en vouloir), l’avenir était là. Cependant, au fond de moi, j’étais perdu. Je ne comprenais pas ce qu’ils essayaient de m’inculquer. Voyager ? C’est un travail ? Parler plusieurs langues ? C’est un travail ? Ça ne correspondait pas du tout à l’idée que je me faisais de l’avenir, de la vie d’une manière générale.
J’ai 18 ans, Jean-Marie Le Pen est au second tour des élections présidentielles, je regarde mon lycée, les infos, le monde autour de moi me paraît fou, les élèves sèchent les cours pour organiser des « sittings », des débats à ciel ouvert, des manifs... Ma réflexion d’alors : « Des gens ont voté pour ce mec, bordel, vous avez le droit de ne pas être d’accord avec lui, mais arrêtez de réagir comme des connards ! C’est le principe de cette démocratie ! Merde, quand même ! » Inutile de préciser que je n’ai participé à aucun de leurs attroupements. Au fond de moi, je sentais que quelque chose ne tournait pas rond.
Jeune adulte, je ne parle pas suffisamment de langues et j’ai peur de l’avion. Les sorties et le besoin de conquérir des femmes me poussent à démarrer une petite carrière dans le tertiaire (je gagne des ronds et ça paraît bien en société, mes parents sont rassurés), au milieu d’un tas de poules, j’étais le plus beau coq, je chérissais tous les gadgets de la société moderne, j’ai joui plus qu’à mon tour, je me suis endetté plus qu’à ma mesure. Un beau jour, un nouveau chef arrive dans le service : une vilaine connasse quadragénaire mal baisée. Ma grande gueule de grand coq ne lui revenait pas, ou peut-être aurais-je dû coucher... Mais sauter un boudin pour garder ma petite place ne m’inspirait guère, d’autant que j’arrivais au bout d’un cycle, je jouissais de moins en moins, je me lassais de cette vie, sans savoir pour autant quoi faire d’autre.
2008. Chômage. Quel bonheur de ne plus avoir à se réveiller tous les jours à la même heure... Je lis, je glande, je fréquente les bistrots moins chics, je recroise un de mes meilleurs amis d’enfance, ensemble, nous écrivons, nous nous lançons dans de sérieux projets artistiques (qui n’aboutiront pas après plusieurs années de travail et de démarches, nous sommes arrivés très près, mais nous avons alors compris qui, comment, pourquoi), je paye mes dettes, je rencontre ma femme, je gagne mon procès aux prud’hommes. Et je vous rencontre, vous. La vidéo où vous réglez son compte à la factrice à bajoues, l’invitant sur un ring. J’ai ensuite dévoré vos vidéos, j’ai lu. Grâce à vous j’ai découvert Piero San Giorgio, Thierry Casasnovas, Étienne Chouard, Marion Sigaut... et tant d’autres... Et j’ai finalement retrouvé le sens.
Voilà maintenant un an que je vis dans un petit village, à la campagne, ma femme et moi avons investi une vieille ferme familiale dont personne ne voulait plus s’occuper. Je suis une sorte de « mix » entre Piero San Giorgio (pour la rigueur) et Étienne Chouard (pour la douceur)... Un paysan éveillé en somme. Nous faisons pousser nos légumes (les tomates de l’intro, je les ai fait naître), nous tuons nos propres volailles et lapins, des après-midi à lire, à bricoler, couper du bois, préparer la terre, aider le voisin, pêcher, préparer les conserves pour l’hiver, les confitures... Dans peu de temps mon ami (évoqué plus haut) s’installe dans une autre ferme du village avec sa compagne.
Je vis aussi libre que la France d’aujourd’hui me le permet. Je suis un Homme debout, droit dans mes bottes, fier de ses origines, j’ai une carabine et un potager, finalement l’enfant que j’étais ne cracherait sûrement pas au visage de l’adulte que je suis devenu.
Monsieur Soral, je pense que vous avez quelques vilains défauts, je ne vous vénère pas, je ne suis pas un « soralien ». Cependant, je vous dis Merci, vous m’avez remis sur la voie, au plaisir de vous croiser « là haut » pour discuter, car ici-bas nous avons vous et moi d’autres chats à fouetter. En attendant, portez-vous bien, gardez le cap, vous faites partie de l’Histoire.
Amicalement,
I.