M. Soral,
Je viens encore une fois de passer un moment merveilleux devant une de vos conférences, où vous expliquez brillamment comment un apôtre du syndicalisme révolutionnaire peut, s’il est honnête, tomber d’accord avec un apôtre du christianisme ou du coran.
Dans mes jeunes années, en 92, j’ai croisé la CNT [Confédération nationale du travail, NDLR]. À l’époque ils étaient 600... C’est moi qui me suis retrouvé chargé de m’occuper de la propagande, la faisant passer de 600 à 6 000 à peu près... Je me suis pendant des années usé à essayer de faire comprendre à des gauchistes, pour la plupart, les fondements des concepts du syndicalisme révolutionnaire, tout en ayant au fond de moi toujours eu un profond respect pour les vrais nationalistes ou les vrais patriotes... À tenter d’expliquer que l’internationalisme n’était pas la négation des nations mais leur reconnaissance, et la lutte pour qu’elles s’entendent entre elles.
Par exemple une fois, j’arrive comme maître d’école dans une école de banlieue d’où je viens, et dans la cantine il y avait tous les drapeaux de l’Afrique, et j’ose dire à une instit’ de la LCR : « Mais il manque un drapeau », et elle me répond : « Mais lequel ? », et je lui dit : « Eh bien le drapeau français, le drapeau du pays accueillant », et là comme souvent cela fut le cas dans ma vie de combattant anarcho-syndicaliste, elle me traite de fasciste, tout en ayant une culture, elle, digne de l’huître... Je ne vous raconte pas ce fait pour m’interesser à ma petite personne. Je vous en parle pour que l’on aille jusqu’à l’union des patriotes dissidents.
Votre conférence, qui compare nos années aux années de plomb en Italie, m’a aussi profondément touché. Quand vous expliquez l’assassinat d’Aldo Moro et mai 68, comme une manipulation pour virer De Gaulle, car il avait osé s’opposer aux Américains et à ce peuple sûr de lui-même et dominateur. En fait ce n’est pas un Hasard aussi si De Gaulle eut comme un de ses meilleurs amis, Louis Lecoin, un anarchiste qui alla jusqu’au bout de sa dissidence.
Je comprends mieux aujourd’hui pourquoi, même en étant animateur de la CNT, je ne fus jamais client des pratiques des chasseurs de skins, et pourquoi je ne fus pas donc convaincu par Julien Terzic, qui fut de la CNT. Inconsciemment, j’ai peut-être dû être à l’écoute de mon instinct de classe, car dans mon milieu, j’ai eu plein de potes qui étaient skinheads... Au fond de moi, je sentais une immense tendresse pour ceux que les gauchistes appelaient à l’époque les rouges-bruns... Et jamais de toute façon je n’ai pu adhérer au substitutisme gauchiste... Et le temps me donne raison, car ils ont tous fait et fini leurs crise d’ados, alors que moi a bientôt 50 balais, je suis toujours de la dissidence...
Mais j’ai quitté la CNT, il y a quelques années, même si beaucoup de leurs slogans sont de moi, comme par exemple : « La CNT, un syndicat de combat. » Mais je fus fatigué d’expliquer a des petits bourges les fondements de notre combat initial... Je reste juste pote avec mon frère de lutte de l’Oise, ouvrier chez Nestlé, qui lui aussi pour les mêmes raisons que moi laissa tomber... Adieu les punks à chiens, qui nous traitaient d’anarcho-beaufs... En passant j’ai donc de ce fait le même mépris que vous des dessins de Cabu sur le Beauf, car moi les beaufs de Cabu étaient souvent mes potes, pour leur bon sens... Bref, cela pourrait aussi être un sujet.
Donc depuis, j’ai quitté ces gens-là après 20 ans de combat, puis une errance professionnelle, je quitte les instits, pour devenir ouvrier ostréicole en Bretagne, puis bûcheron dans les Landes, ouvrier pépiniériste en Picardie et instit en Lot-et-Garonne où, perdu, je fais la campagne de Mélenchon en 2012... Vite je m’engueule avec le Front de gauche, en disant qu’ils ont un bon général orateur, mais que leurs soldats sont des nazes, que des gauchistes perdus qui pratiquent ce que j’appelle la « gauchisto-thérapie ». De la misère en milieu étudiant... que je viens de voir aussi, bravo Monsieur Soral.
Puis la déprime plus ou moins latente, un peu de sport de combat, mais une errance générale et pas mal de picole de bras cassé ou d’amputé du cœur ; ou de fêlé du crâne. C’est comme on voudra.
Donc un immense sentiment de solitude. Jusqu’à ce que je vous entende vous faire insulter par le Kapo Valls... Sans vous connaître, par curiosité et par honneteté intellectuelle, j’ai donc choisi d’aller vous écouter sur votre site Égalité & Réconciliation. Et là je suis capté, enfin je ne me sens plus seul, fini les antidépresseurs... Je retrouve ma came, la politique avec un grand P. Enfin...
Et donc même si je suis agnostique, j’ai de la morale et de la dignité, et par principe j’ai adhéré, et suis pressé de participer aux initiatives de votre mouvement.
Merci d’exister, monsieur... et d’avoir mis des mots sur mes maux. Et désolé pour mon mail que je trouve un peu décousu, cela doit venir du fait que je ne sais pas trop encore par quel bout commencer pour vous écrire de facon cohérente, ce qui doit expliquer peut-être le coté brouillon de ce texte...
Faites gaffe à vous, car la dissidence a besoin de mecs comme vous. Mais le système fera tout pour vous éliminer. Évitez la moto. Un accident est si vite arrivé, quand on est dans la lignée de Coluche.
P.