Hostiles à la colonisation, plusieurs dizaines d’appelés refusent chaque année de porter l’uniforme de Tsahal. Un mouvement encore minoritaire, mais qui ne fait que prendre de l’ampleur.
En ce soir de juillet 2012, ils sont quelques centaines d’Israéliens à endurer la chaleur moite qui pèse sur Tel-Aviv. La foule, clairsemée, se compose d’anciens déportés et de leurs proches venus protester contre l’expulsion de migrants subsahariens décidée par les autorités. Soudain, Atta Buchman, 65 ans, surgit au milieu des pancartes, sa mine joviale éclairée par la lumière blanche des caméras de télévision qui scrutent depuis plusieurs minutes son arrivée. Cette fille de rescapés lituaniens de l’Holocauste, à l’origine du rassemblement, n’est pas seule. Une adolescente qui boite légèrement s’accroche à son fauteuil roulant. Oren Rimon, 15 ans à l’époque, n’en est qu’aux prémices de sa carrière militante. « Je suis en colère, car je ne peux pas accepter que mon pays dresse des murs contre les demandeurs d’asile. Les gens ici doivent se rappeler qu’eux aussi un jour ont eu besoin d’une terre d’accueil », clame au micro celle qui est encore lycéenne et qui consacre une part de son temps libre à une crèche clandestine où s’entassent des enfants de réfugiés érythréens.
Une rencontre marquante
La rencontre d’Oren avec Atta Buchman dans le cadre d’un projet scolaire avait constitué un tournant. Cinq ans plus tard, l’adolescente, invitée en septembre dernier en Belgique par l’Union des progressistes juifs de Belgique (UPJB), est devenue une jeune femme au regard ardent et toujours aussi déterminée. Entre-temps, son combat s’est diversifié. À sa casquette d’activiste sociale s’est ajoutée celle de « refuznik ».
En 2014, elle fait partie des cinquante signataires de la lettre des shministim (élèves de terminale), qui, presque chaque année, adressent au Premier ministre les raisons « idéologiques » de leur refus de s’engager dans l’armée, étape obligatoire pour les bacheliers des deux sexes.
« Lorsque j’ai reçu ma convocation, j’ai rejoint un groupe de jeunes appelés. Ensemble, nous avons rédigé une lettre expliquant notre refus de remplir nos obligations militaires. Certains d’entre nous ont été condamnés à des peines de prison par un tribunal », raconte Oren.
Des opinions assumées concernant la Palestine
Légèrement handicapée, la jeune militante a sans doute bénéficié de la clémence des autorités. Mais, loin de chercher à se réfugier derrière son handicap, elle a choisi d’assumer haut et fort ses opinions liées à la question palestinienne.
« Dans la société israélienne, on peut vivre toute sa vie sans voir l’occupation. Des années de militarisme – dans le système d’éducation, dans la culture et dans la rue – ont provoqué l’absence de tout esprit critique », affirme-t‑elle.
Et, si Oren Rimon a développé une conscience politique dès son plus jeune âge, elle le doit certainement à sa mère, une militante d’extrême gauche chevronnée qu’elle a suivie dans de nombreuses manifestations pacifistes, jusque dans les territoires palestiniens.
« J’ai tout de suite vu le vrai visage de l’occupation. Pour moi, servir dans une armée qui enfreint les droits des Palestiniens et les contrôle en permanence, ç’aurait été comme un crime », poursuit la « refuznik », qui prend désormais fait et cause pour ce peuple sans État.
En avril dernier, sur sa page Facebook, elle affiche ouvertement son soutien aux 1 500 prisonniers palestiniens en grève de la faim.