La semaine qui s’annonce devrait être décisive. Nous sommes ce dimanche 9 avril à exactement quatorze jours du premier tour de l’élection présidentielle. Alors que l’électorat semble encore extrêmement volatile, des tendances se dessinent qui indiquent les possibles coagulations à venir.
Les hommes du chômage et du passé
Nous sommes aujourd’hui en présence d’une « bande des 4 » inattendue. Alors qu’il y a deux mois toute le monde pensait que l’affrontement serait entre Mme Marine le Pen et François Fillon, voire Emmanuel Macron, la situation actuelle est celle d’un changement radical.
François Fillon semble irrémédiablement empêtré dans les conséquences morales des différents scandales qui l’ont éclaboussé. La question n’est pas tant la réalité juridique des accusations (et c’est à la justice de trancher cette question) que la dimension morale de ces affaires qui ont définitivement mis à mal l’image d’homme intègre de ce candidat. L’impact est d’autant plus grand, d’autant plus fort, que ce candidat s’est fait l’apôtre d’une politique d’extrême rigueur et envisage des coupes dramatiques dans la fonction publique. Cette politique fut déjà, et l’on a tendance à l’oublier, appliquée de 2011 à l’élection présidentielle de 2012. Elle a provoqué un accroissement instantané de 300 000 chômeurs et, si l’on considère que ces effets se sont faits sentir jusqu’au début de 2013, en réalité de 500 000 chômeurs. On imagine les conséquences dramatiques que provoquerait l’application du programme de François Fillon.
Dans le même temps, la « bulle » Emmanuel Macron semble bien en train d’exploser. Les sondages montrent au mieux ce candidat stagnant, mais plus probablement en déclin. Les électeurs semblent s’être rendus compte du vide du personnage, un vide qui se conjugue avec un projet social extrêmement réactionnaire. Se faisant le candidat de l’Ubérisation de la société, Emmanuel Macron, derrière un langage faussement moderne, n’est en fait que l’avocat d’un retour au début du XIXème siècle, un retour au « domestic system » d’avant la révolution industrielle. Il est ici frappant de constater que le candidat même qui se prétend le plus « moderne », celui qui ne cesse de vanter les vertus de ce qu’il appelle « l’économie numérique », est en réalité un homme du passé. Mais, Emmanuel Macron est un homme du passé à un deuxième titre. S’il se présente comme un « homme nouveau », voire – et cela ne manque pas de sel – comme un candidat « anti-système » [1], il convient de rappeler qu’il fut étroitement associé, que ce soit comme conseiller de François Hollande ou comme Ministre de Manuel Valls, à la politique désastreuse mise en œuvre durant ce quinquennat. Or, cette politique à rajouté, de février 2013 au début de cette année, plus de 400 000 chômeurs au nombre considérable que nous avait laissé le tandem Sarkozy-Fillon.
Face à ces deux candidats en crise qui sont des hommes du passé mais aussi des hommes du chômage, deux autres candidats représentent, d’une manière ou d’une autre, le futur.
Des candidats d’avenir ?
Mme Marine le Pen s’appuie sur un électorat extrêmement stable, largement composé de personnes convaincues, et qui défie toutes les approximations et autres effets de manche cherchant à le qualifier « d’extrême droite » et même, sans aucune peur du ridicule, de « fasciste ». Si des franges extrémistes peuvent se joindre à cet électorat, sa réalité correspond très largement à ce que le géographe Christophe Guilluy a appelé la « France périphérique » [2]. Toute cette « France périphérique » ne vote pas pour Mme Marine le Pen, et l’on peut trouver dans ses électeurs des représentants des beaux quartiers, mais il est incontestable qu’une large part des délaissés des politiques gouvernementales de ces dernières années, des victimes de la « mondialisation », vote pour elle. Nous sommes ici en présence d’un mouvement populiste qui se développe d’autant plus que le système politique actuel a fait faillite. Il est par ailleurs frappant que ce mouvement populiste a très largement repris les codes de la démocratie politique et se caractérise par un niveau de violence extrêmement bas, bien inférieur à ce que l’on peut trouver dans certains groupuscules. C’est bien l’une des raisons qui font que les accusations de « fascisme » sont d’un ridicule achevé.