Un certain monsieur Collard a bien résumé l’impression que donne monsieur Bégaudeau, professeur émérite d’intelligence et de beauté éclatantes, dans cette envolée anti-Praud très personnelle avec gestuelle à la Bardella.
« Je vois la gueule qu’il a, moi je reconnais les gueules, et je pense qu’on a quand même un peu la gueule de l’emploi, parfois. C’est toujours un petit peu nazi de le dire mais y a un petit peu de ça. […]
Il est tout aussi de droite, il est tout aussi abject politiquement mais il est plus intéressant. […]
Et en fait Praud il pense pas du tout qu’il est de droite, il pense qu’il est anar. Ben donc c’est intéressant de voir pourquoi le type se vit comme anar, alors que bon, de toute évidence c’est un bon bourgeois de province, réactionnaire, conservateur, catholique, qu’a peur des Arabes. »
J'ai rarement vu un tel exercice d'autojubilation onaniste typique de l'intellectuel de gauche : le zéro du Zoro jaloux de Pascal Praud... pic.twitter.com/qc1gSPYYqm
— Gilbert Collard (@GilbertCollard) April 24, 2025
L’intérêt de ce petit meurtre culturel entre amis, c’est qu’en taillant le portrait de Praud, Bégaudeau taille en creux son propre portrait, en plus méchant encore. En qualifiant son adversaire d’« abject », c’est lui qui le devient. En le qualifiant de bon bourgeois de province qui a peur des Arabes, c’est lui, le bourgeois parisien, qui révèle sa peur de ses Arabes à lui, des bourgeois assumés ou des fachos, et, derrière elle, des hommes construits. Imaginez un débat entre Bégaudeau et un skinhead...
On verse en général sur les autres ses propres seaux d’immondices. On dénonce chez eux ce qu’on ne supporte pas chez soi, c’est vieux comme le monde, la paille et la poutre, souvenez-vous, si vous étiez là en l’an 20 ou 30.
Bégaudeau jouit à grands moulinets de la posture dominante de la gauche donneuse de leçons (que personne ne lui a demandées). Elle a pourtant perdu le combat idéologique, et ne s’y résout pas. C’est l’histoire du général fait prisonnier qui continue, devant des geôliers un peu interloqués, à donner des ordres à une troupe qui a disparu.
La gauche, si elle est effectivement majoritaire dans les médias et la culture, ne l’est pas dans la population, et cela explique la popularité d’Andrew Tate auprès des jeunes, et de la MTV, la Musk-Trump-Vance, auprès des hommes. Comme modèle à vendre, en immobilier, une maison en déconstruction n’est pas l’idéal...
Techniquement, être un bourgeois, un provincial, un hétéro et un facho, bref, le contrepoint de Bégaudeau, vous classe non pas dans le camp des perdants, des losers, des moins que rien, voire des dangers pour la démocratie, mais dans celui de la majorité productive tranquille. On rappelle que le dealer qui a réussi ou le rappeur qui a la niak veulent tous deux devenir des bourgeois, et des bons pères de famille, pas des gauchistes qui parlent dans le vide.
Bégaudeau croit connaître la vie, parce qu’il ne serait pas un bourgeois – or, il l’est, fondamentalement – et que les bourgeois seraient éloignés de la souffrance, du haut de leur argent, de leurs biens. Mais les bourgeois souffrent comme tout le monde ! Si l’Arabe, le grand ami de Bégaudeau (il faudrait demander à l’Arabe au préalable s’il veut être l’ami de Bégaudeau...), souffre du racisme ou de la méchanceté de Retailleau, le bourgeois souffre des charges qui pèsent sur lui, charges matérielles bien sûr, mais charges morales aussi avec les attaques constantes des gauchistes improductifs, ce qui est un pléonasme.
Le chantier de la déconstruction du bourgeois gentil-homme par Bégaudeau et ses confrères est aujourd’hui à l’arrêt. Les jeunes garçons veulent devenir des hommes, des vrais (ils comprendront plus tard que ce n’est pas qu’une question de muscles physiques, mais surtout de muscles mentaux, c’est-à-dire de courage), et les jeunes filles veulent devenir des femmes, des vraies, pas des féministes victimes et pleurnichardes. Les uns et les autres veulent se réaliser, pas dénoncer leur prochain qui ne leur convient pas.
Bégaudeau devrait jeter un œil sur cette excellente série d’une jeune Américaine de 18 ans en 1883, fille libre, qui sait se défendre (elle a tué un brigand !), et qui ne vote pas vraiment à gauche. Au fait, la blonde, une sacrée actrice avec un sacré texte, s’appelle Isabel May, et c’est pas du Léa Seydoux. Certes, elle sort avec une racaille d’Indien, mais que voulez-vous, les filles aiment les braves.