L’article sur Patrick Jardin a été publié sur lemonde.fr dans sa version abonnés le 28 septembre 2018. Patrick est le père de Nathalie, 31 ans, régisseuse lumière dans la salle de rock le Bataclan, abattue pendant le concert des Eagles of Death Metal. L’ancien vendeur de voitures mettra deux jours à savoir que sa fille est morte, et il n’aura pas le droit de voir son corps de près. Depuis le drame, Patrick refuse de pardonner, et se situe à l’inverse de la position d’Antoine Leiris, qui a publié un livre après la mort de sa compagne, Vous n’aurez pas ma haine. Patrick, lui, a « la haine ».
Les deux journalistes du Monde évoquent, il faut le dire, la dérive d’un père chargé de haine vers l’extrême droite, et l’extrême droite islamophobe. Patrick est devenu le « mauvais » père de victime, celui qui veut se venger, mais qui cherche surtout à savoir pourquoi, et qui cherche dans toutes les directions, pas seulement dans celles que la presse mainstream et les deux rapports officiels proposent aux Français en général, et aux proches des victimes en particulier : 130 morts ce soir-là et plus de 600 blessés, par balles. Même si Patrick pense que sa fille a été « égorgée ».
« Il est allé jusqu’à récupérer les photographies prises par les médecins légistes lors des constatations judiciaires. “Là. Vous voyez ?” Il lui arrive de les sortir de son téléphone, sans prévenir, puis de souligner avec son doigt ce qu’il pense être les stigmates d’un égorgement. “Je ne dis pas qu’elle a été égorgée, mais je ne pourrai jamais être sûr. On nous cache tellement de choses”. »
Soutenu par la frange identitaire incarnée par le triumvirat Renaud Camus, TV Libertés et Génération identitaire, on doit comprendre que la haine de Patrick est récupérée par les nationalistes français islamophobes. Nous en arrivons au point crucial de la démonstration des journalistes du Monde, puisque c’en est une : le rapprochement des victimes chargées de questions avec les « thèses complotistes ».
« La quête du moindre détail sur la mort de sa fille est devenue son obsession. “Je passe ma vie à ça”, confie-t-il d’une voix ferme. Refaire l’enquête, coûte que coûte, malgré les évidences. D’après le rapport d’autopsie, le corps de Nathalie était criblé d’éclats de balle. Un élément presque oublié par son père, qui retient surtout qu’elle a succombé à un “traumatisme thoracique”, ce que les experts désignent par le terme “pneumothorax”, un décollement du poumon. Un choc bien connu de la médecine militaire, qui a conduit Patrick Jardin à se persuader que Nathalie aurait pu être sauvée si les secours étaient intervenus plus tôt. Dans ses valises de vacances, il emmène toujours les “deux tomes” du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur la gestion des attentats par l’État, rendu en juillet 2016. Il lit tout, regarde tout ce qui est publié sur Internet et se laisse gagner par le complotisme en dérivant volontiers sur l’implication de la famille de banquiers Rothschild et des services secrets israéliens. »
Comprendre à travers ce paragraphe, que nous avons repris en entier, pour notre petite démonstration, que c’est la « haine » de Patrick qui l’aveugle et qui l’empêche d’admettre ce qui mettrait un terme à sa quête, c’est-à-dire la vérité officielle intangible : Nathalie a été abattue comme tant d’autres par un groupe de trois assaillants qui voulaient venger l’État islamique de ses pertes subies à cause de l’engagement de la France en Irak et en Syrie. Une version mise à mal par tous les connaisseurs des dossiers terroristes et par tous ceux qui s’intéressent à la politique profonde, à l’information sous influence et au pouvoir français de l’époque constitué par un président sans cap et un Premier ministre complètement inféodé à de puissants lobbies. Et ce n’est pas du complotisme que d’avancer cela : il l’a lui-même affirmé.
Le Monde n’aura de cesse de montrer, en creux, que la haine aveugle et conduit à nourrir des théories complotistes, c’est-à-dire intrinsèquement fausses. De plus, ce complotisme peut déboucher sur un... vrai terrorisme !
« Sa tentation de recourir à la violence s’est aggravée après le 13 novembre 2015. “On ne répond pas à des kalachnikovs avec des bougies et des chansons”, proteste-t-il aujourd’hui, avec l’impression d’être en “état de guerre” et paré pour un conflit identitaire. “Si les Arabes commencent à foutre le bordel dans la rue, moi, j’ai des amis qui n’attendent que ça.” Ce discours a fini par attirer à lui un groupuscule apparu récemment sur les radars de la justice et des services de police spécialisés : l’Action des forces opérationnelles, l’AFO. En juillet, treize de ses membres, suspectés d’avoir fomenté des attentats contre des cibles musulmanes, ont été interpellés. Leur chef présumé avait tenté de recruter Patrick Jardin, ce qui vaut à ce dernier d’être mentionné dans le dossier d’instruction, même si aucune charge ne pèse sur lui. »
Un retournement incroyable : le père d’une victime, du fait de sa douleur, est en passe de devenir un terroriste. Un terrorisme qui pour Le Monde est le vrai danger : le terrorisme nationaliste. L’article se termine sur une note d’émotion, avec la victoire de la raison (les journalistes) sur l’émotion (le père) :
« Au téléphone, le 24 septembre, il nous confiait encore, bravache, se préparer “à toute éventualité. [Il] pense que ça va péter”. Une provocation de plus, effacée lorsque l’émotion le rattrape et que la gouaille disparaît : “Je n’aurai pas de pardon, mais je veux qu’on m’aide à comprendre”. »
Comprendre, c’est ce que nous cherchons tous à faire depuis les attentats de janvier 2015. Hélas, des personnes qui étaient au courant de ce qui pouvait se passer sont aujourd’hui éparpillées : Jeannette Bougrab, prétendument proche de Charb, assassiné en janvier 2015, a été bombardée au service d’action culturelle de l’ambassade de France en Finlande – elle envoie de temps à autres ses chroniques à Valeurs actuelles, l’hebdomadaire identitaire sarkozyste –, tandis que Manuel Valls, le Premier ministre tremblant des années de sang, après une élection législative controversée en 2017, s’est enfui en Espagne.
Un jour, on l’espère, Patrick Jardin saura la vérité. Pas celle des médias en laisse et des rapports parlementaires sous contrôle du renseignement, non, celle qui rend cohérente toute cette période confuse, sombre, douloureuse. Nous sommes tous des Patrick Jardin.
Sauf Claude Askolovitch.
Claude #Askolovitch considère que Patrick Jardin, ce père qui défend la mémoire de sa fille, victime des assassins du #Bataclan est d'extrême droite et s'abandonne à la haine...https://t.co/dQxa5CAeA2 pic.twitter.com/APf7DkmdTU
— E&R National (@EetR_National) 29 septembre 2018