Qu’il semble triste notre ami Finkielkraut, répondant en phrases lentes entrecoupées de longs silences, triturant ses lunettes et frottant de ses doigts enlacés son front plissé... On le sent si accablé par la question qu’on lui pose qu’il nous ferait presque pitié. Nous l’avons aimé pourtant dans sa jeunesse et dans la nôtre, quand il nous parlait d’amour, refusant la fatalité de la modernité... Et le voilà aujourd’hui, écrasé sous le poids de la bête aux entrailles toujours fécondes...
Il ne veut pas parler de haine, le sentiment qui l’habite est au-delà des mots, alors il cherche comment dire ce qui ne devrait pas être et qui pourtant est : oui, les trompettes de la renommée résonnent pour Dieudonné et Soral, pourtant boycottés par les medias, l’un pour son spectacle Mahmoud relatant sa rencontre avec Ahmadinejad, l’autre pour son livre donnant les clés pour Comprendre l’Empire, et ces trompettes, telles celles des anges annonçant la destruction de Babylone, sonnent pour lui comme un glas.
Il appelle à son secours la Civilisation, rappelle qu’elle permet de distinguer la vérité du mensonge... En ce jour qui nous remet en mémoire le 11 septembre et le grande farce des armes de destruction massive de Saddam, on ne peut s’empêcher de sourire... Il fait des aller-retours sur sa chaise, frotte ses mains l’une contre l’autre, cite Dieudonné sur l’Holocauste, les Juifs et l’esclavage, le sionisme dominant le monde, crescendo jusqu’à rappeler l’antisémitisme du siècle passé, avant de constater, comme vaincu : ça existe ? Oui.
Mais immédiatement, le voilà qui reprend du poil de la bête si l’on peut dire, pour affirmer avec le ton de celui qui se sait du côté de la Vérité : est-ce que ça a le droit d’exister ? Non. Et le voilà censeur se justifiant : l’antisémite se nourrit de l’antiracisme, il ose retourner l’argument contre les Juifs en les accusant de racisme ! Sacrilège ! Alors notre Finkie rappelle la Loi condamnant l’appel à la haine raciale, oublie que si l’antisémitisme est un racisme c’est que les Juifs eux-mêmes ont résolu d’être un peuple à part, s’enferme dans son paradigme et avoue : oui, cette loi permet à des Dieudonné, à des Soral, de se poser en persécutés. Tant pis ! Il ne le dit pas mais on l’entend : en matière de persécution nous avons une telle longueur d’avance que nous ne craignons point la concurrence... Que la Loi demeure.
Notre philosophe, comme apaisé, semblait avoir posé le point final à sa diatribe, mais le voilà qui revient à son propos, et après avoir extirpé du ventre de la Bête un troisième rejeton, jeune blonde qui a pris suffisamment de distance avec les propos de son père pour avoir le droit de causer dans les micros, il s’enflamme : elle n’a lâché la main de son père que pour mieux prendre celle de Soral !
Et nous, fermant les yeux, au rythme maintenant rapide des mots de notre penseur dont la pensée s’est comme annihilée au fil du temps et de sa fixation sur l’annihilation des Juifs, nous voyons se dérouler la liaison dangereuse de Marine avec l’homme aux "propos terrifiants", qui pourtant, de l’aveu même de notre narrateur, possède cette qualité si rare qui, si elle était plus répandue, changerait la face du monde : "il n’a jamais rusé, ce n’est pas un tricheur, il joue cartes sur table..." Que Dieu l’entende !
Et que Finkielkraut se souvienne de ses propres mots : la civilisation permet de distinguer la vérité du mensonge. Dans ces temps que nous vivons, où le mensonge permet tous les retournements et toutes les compromissions, au point que certains y voient comme un signe de la Révélation qui vient, retenons ceci comme un hommage : Alain Soral n’est pas un menteur.
Les objets du délit :