Comme son nom l’indique, l’EuroMaïdan est européiste. L’objectif premier du putsch est l’annexion de l’Ukraine à l’Union européenne.
L’accord d’association finalement signé entre l’Ukraine et l’UE n’est qu’une première étape avant l’absorption complète, le passage à l’euro de l’Ukraine, donc l’abandon de la monnaie nationale et au-delà de la souveraineté nationale au profit de la Commission européenne de Bruxelles et de sa bureaucratie opaque dominée par les lobbies et la Banque centrale européenne de Francfort (BCE).
Le 21 novembre 2013, c’est Arseniy Yatseniouk qui lance le premier sur Twitter l’expression #Euromaïdan en appelant à manifester contre le président Yanoukovitch car… il a refusé de signer l’accord d’association avec l’Union européenne ! C’est le véritable point de départ du coup d’État, après lequel Yatseniouk deviendra Premier ministre pour réaliser ce qui n’aurait pas eu lieu sinon : la signature du volet politique de l’accord d’association Ukraine/UE le 21 mars, du volet commercial le 27 juin, et la ratification parlementaire en septembre 2014. Avant les événements, Yatseniouk était un membre éminent de l’opposition, proche de Julia Timochenko, mais c’est surtout un ancien de la finance anglo-saxonne et il a créé une fondation à son image, « Open Ukraine », dont les partenaires officiels sont les suivants, comme on peut le voir sur la page de son site : la Fondation Viktor Pintchouk (oligarque pro-occidental), The German Marshall Fund of the United States, qui propose une « transatlantic cooperation (…) in the spirit of the Marshall Plan », Chatham House, International Renaissance Foundation (fondée par George Soros), l’OTAN, le Département d’État des USA, l’ambassade de Pologne, la NED, Horizon Capital, Swedbank [1].
Le 19 février 2014, Andriy Parubiy, l’un des piliers de la « révolution », le Commandant de l’EuroMaïdan, fondateur en 1991 du Parti socialiste-national ukrainien renommé Svoboda en 2004, s’exprimait sans détour sur son projet d’intégration européenne, dans un entretien réalisé sur le terrain et dans le feu de l’action :
« L’attente du peuple ukrainien est de sortir de la corruption pour entrer dans l’Union européenne par la grande porte, tous ensemble. (…) Nous voulons une nouvelle Constitution et la ratification d’un traité avec l’Union européenne. (…) Ils [les révolutionnaires] ne sont pas que des gardes de barricades, ils sont le cœur et l’esprit de cette résistance qui veut en finir avec ce gouvernement qui refuse l’Europe [2]. »
Le 8 mars, Dmitro Yarosh, patron de Praviy Sektor, lui aussi en première ligne des combats de Maïdan, déclarait officiellement devant les caméras et les micros du « Ukraine Crisis Media Center » que son organisation était « contre la xénophobie et l’antisémitisme », mais surtout qu’elle soutenait et avait toujours soutenu l’association de l’Ukraine avec l’UE, et – plus troublant encore – qu’elle remerciait l’Union européenne pour son soutien, dont on aimerait connaître le détail, mais sur lequel Yarosh ne s’étendra pas : « I would like to stress that, on our part, the Right Sector always has and continues to support the signing of the EU Association Agreement, and we are grateful to the EU for their support [« Je veux souligner que, de notre côté, le Secteur Droit a toujours soutenu et continue de soutenir la signature de l’accord d’association avec l’Union européenne, et nous sommes reconnaissants envers l’UE pour son soutien. »] [3]. »
Le 21 mai, un documentaire intitulé Maïdan était présenté au festival de Cannes en sélection officielle (hors compétition), puis sortait sur les écrans de cinéma deux jours plus tard. Le réalisateur s’appelle Sergei Loznitsa. Possédant la double nationalité biélorusse et ukrainienne, diplômé de cybernétique à l’université de Kiev et d’une école de cinéma à Moscou, il vit aujourd’hui en Allemagne où il est sponsorisé par la chaîne de télévision franco-allemande Arte. Deux de ses longs métrages ont déjà concouru sur la Croisette et il travaille depuis 2012 au projet Babi Yar, qui doit mettre en scène un épisode de la Shoah : l’assassinat de 30 000 juifs d’Ukraine en 1941.
Parcours sans faute et CV impeccable au regard des normes audio-visuelles en vigueur dans l’UE ; ce qui ne signifie pas forcément honnêteté et objectivité du regard cinématographique, pas même pour un documentaire. En effet, que ce soit dans son film Maïdan ou dans la presse critique du film, on cherchera en vain la trace des acteurs réels de… Maïdan : Yatseniouk et ses partenaires anglo-saxons, Parubiy et Svoboda, Yarosh et Praviy Sektor, etc. Les conseillers américains et les hommes en cagoules et treillis militaires, gilets pare-balles, boucliers métalliques, armes blanches et à feu, qui lancent des cocktails Molotov ou qui défilent au flambeau sous des bannières aux symboles d’extrême-droite, tout ou presque a disparu. Tout est hors champ de la caméra, et quand des drapeaux suspects apparaissent malgré tout dans le cadre de l’image, ils ne sont de toute façon pas commentés. Dans le montage de Loznitsa, ne sont mis en avant que les braves gens de la rue, vêtus d’anoraks et de bonnets, avec en mains des pancartes ou des pavés en guise d’armes, face aux policiers cruels du « régime corrompu » qui leur tirent dessus à balles réelles. Et quand des journalistes lui demandent pourquoi il n’a pas filmé les grandes figures politiques de l’événement, Loznitsa répond que seul le peuple l’intéresse, façon de justifier « moralement » le découpage subjectif qu’il effectue dans le réel (son final cut).
En effet, contrairement aux lois du genre, le travail de documentariste de Sergei Loznitsa est tout sauf neutre idéologiquement. Dans un entretien fort éclairant sur ses motivations réelles, il déploie les éléments de langage surréalistes que l’OTAN diffuse dans les médias occidentaux depuis quelques mois pour tenter de relancer l’idée anachronique d’une « menace russe » totalitaire en 2014 : « The Russians refer to fascists in Ukraine. As you know, fascism technically existed only in Italy. It’s a form of government that involves corporations fusing with the State. Let’s make an experiment. If you open the Soviet Encyclopedia – which was sort of a Soviet equivalent of the Encyclopedia Britannica – you’ll find a definition of fascism. There are supposedly six characteristics of fascism. At least five of these six characteristics of fascism (e.g. persecution of non-governmental institutions, persecution of minorities, etc.) pertain to Putin’s regime ! [« Les Russes font référence aux fascistes en Ukraine. Comme vous le savez, le fascisme, techniquement, a existé en Italie. C’est une forme de gouvernement qui implique une fusion des corporations avec l’État. Faisons une expérience. Si vous ouvrez l’Encyclopédie soviétique – qui était une sorte d’équivalent soviétique de l’Encyclopedia Britannica –, vous y trouverez une définition du fascisme. Il y aurait soi-disant six caractéristiques du fascisme. Au moins cinq de ces six caractéristiques (persécution des institutions non-gouvernementales, persécution des minorités, etc.) s’appliquent au régime de Poutine ! »] [4] »
CQFD. Le régime de Poutine est fasciste, donc du côté du Mal. La révolution EuroMaïdan, qui est anti-Poutine, est donc antifasciste, donc du côté du Bien. Cette propagande de guerre répétée dans tous les médias occidentaux pour justifier l’agression de la Russie au motif de défendre l’Ukraine contre « l’impérialisme russe » présente une structure de sophisme en trois temps. D’abord, Loznitsa dénigre l’usage du terme « fasciste » hors de son contexte historique italien pour qualifier l’EuroMaïdan, usage pourtant revendiqué haut et fort par les pro-Maïdan de sensibilité fasciste eux-mêmes ; puis, par une inversion accusatoire envers le « régime de Poutine », il affirme en se contredisant l’existence du fascisme en Russie, donc hors de son contexte historique italien ; enfin, il met au premier plan des figurants inoffensifs (dont certains payés) pour reléguer hors du champ de l’attention les minorités actives à caractère effectivement fasciste en Ukraine. Ainsi, Loznitsa compose la légende politiquement correcte de la « révolution », il en produit une version édulcorée et adaptée aux sensibilités libertaires occidentales pour leur vendre l’événement après en avoir retiré ce qui fait tache, à savoir les milices paramilitaires et les services spéciaux étrangers, qui évoquent la « personnalité autoritaire », laquelle doit être réservée au « régime fasciste de Poutine ». « C’est le peuple seul qui a fait l’EuroMaïdan ! », ne cesse de répéter Loznitsa dans ses interviews promotionnelles pour se persuader lui-même de sa fiction cinématographique, laquelle repose sur un travail de double-pensée orwellienne, suggestion et autosuggestion en temps réel d’une réalité alternative, révisionnisme instantané où l’on réécrit et falsifie l’Histoire au moment même où elle se fait pour en expurger les contradictions gênantes.
Les agences de renseignement occidentales, s’appuyant sur des hommes-liges tels que Yatseniouk ou Loznitsa pour scénariser dans les médias et l’opinion publique leurs opérations clandestines, ont choisi de communiquer sur « Maïdan », comme s’il s’agissait d’une personne, ou sur l’EuroMaïdan, pour la connotation européiste, afin de donner une image familière, bien-pensante et sympathique du coup d’État, sur le même modèle que le « printemps arabe », ou les diverses révolutions colorées (de velours, des roses, des tulipes, du jasmin, etc.). Le terme anglais pour désigner cette pratique est relooking, le lissage cosmétique de l’apparence, qui désigne la phase nécessaire d’adaptation aux médias grand public par laquelle est passée notamment Timochenko, l’égérie de la Révolution orange de 2004, avec ses cheveux décolorés en blond et sa fausse natte pour faire plus « slave ». Le marketing politique parle de storytelling, de management des perceptions ou de gestion de l’image, au sens iconographique mais aussi de la réputation. Le film de Sergei Loznitsa n’est qu’un rouage dans un dispositif militaire du type G4G – guerre de 4ème génération – où les médias sont omniprésents, et sa fonction est de vendre l’image de l’EuroMaïdan à l’internationale comme une révolution antifasciste, spontanée, populaire, « bon enfant », accomplie par d’honnêtes gens prêts à mourir pour intégrer l’Union européenne…
Manque de chance, au même moment, les Européens, qui n’en peuvent plus de l’Europe et de sa dictature des banques et des lobbies, votaient massivement aux élections européennes de 2014 contre l’Union européenne et pour un retour des nations souveraines, prenant à contre-pied une fois de plus la désinformation médiatique et ridiculisant la mise en scène européiste du Maïdan, à laquelle Loznitsa contribue avec son faux documentaire, qui est en fait une vraie fiction. Retour du réel, par-delà et en dépit de toutes les images déformantes.