Les accusations de complicité active de l’Occident dans le désastre humanitaire causé par Ben Salmane au Yémen de Moon of Alabama peuvent sembler un peu exagérées. Elles sont néanmoins amplement corroborées par de multiples autres observateurs, par exemple l’historien et analyste britannique spécialisé dans les Affaires étrangères du Royaume-Uni Mark Curtis. Selon lui aussi, il semble que tous leurs caprices, même les plus meurtriers, soient passés au Saoudiens par un Occident avide de leur vendre toutes les breloques guerrières les plus nombreuses et chères possibles. Et tant que l’Arabie Saoudite achète, elle est protégée d’accusations de crimes de guerre.
Fausses nouvelles :
L’Arabie Saoudite met fin à son blocus des ports et des aéroports du Yémen – Daily Mail
La coalition menée par l’Arabie Saoudite dit qu’elle va rouvrir les ports du Yémen – Anadolu
Les ports yéménites rouverts à l’aide humanitaire, selon l’Arabie Saoudite – Deutsche Welle
Du dernier lien :
L’Arabie Saoudite, en réaction aux avertissements sur la famine imminente au Yémen de l’ONU, dit que les ports qu’elle contrôle seront rouverts à l’aide humanitaire. Riyad les a fermés la semaine dernière après une attaque de missiles reprochée aux rebelles houthis soutenus par l’Iran.
Les titres ci-dessus sont faux. Le gouvernement saoudien a annoncé la réouverture de quelques-uns des ports et aéroports. Ces derniers sont dans le sud et sous contrôle des forces par procuration des Saoudiens engagées dans la lutte contre l’alliance Houthi-Saleh du nord-est du Yémen. Quelques 70% de la population vivent dans les zones du nord-est qui continueront à être soumises à un blocus total. Le principale port de leur zone est Hodeida, qui restera fermé. En mars dernier, le Pentagone a tenté de prendre le contrôle du port. Mais combattre pour le prendre aurait détruit les embarcadères, et par conséquent la voie d’approvisionnement de quelques vingt millions de personnes. L’aéroport le plus important se trouve à Sanaa. L’alliance Saudo-Américano-britannique empêche même les vols de l’ONU avec des fournitures médicales à bord d’y atterrir.
Les Saoudiens « requièrent » désormais que l’ONU envoie une commission d’experts à Riyad pour « discuter » des procédures des futurs contrôles des ports non détenus par leurs forces par procuration. Un processus de ce type prendra des semaines, voire des mois. Comme le Pentagone avant eux, les Saoudiens demanderont le plein et entier contrôle des ports, ce que leurs opposants n’accorderont bien sûr pas. Ce type de palabre oiseuse ne fera qu’envenimer la situation.
Grâce aux contrebandiers locaux, un peu de nourriture et d’autres biens arriveront toutefois à passer le blocus. Mais ce sera très insuffisant et beaucoup trop cher pour la majorité des Yéménites. Quand le blocus récent a été annoncé, les prix de la nourriture et du gaz ont instantanément doublé au Yémen. Les employés du service public n’ont pas été payés depuis 15 mois. Les gens ne peuvent tout simplement plus se permettre de garder leurs enfants en vie :
À Sanaa, Nor Rashid a vendu la vache de sa famille pour payer les frais de transport de sa fille de quatre ans, qui pèse 7 kilos, au centre d’alimentation de l’hôpital d’ Al-Sabaeen. Elle a d’autres enfants qui sont également malades, mais elle ne peut pas payer les soins médicaux si elle les emmène à l’hôpital aussi. « C’est à cause de l’absence des salaires du gouvernement », a-t-elle dit. « Normalement, nous allons voir la personne du village qui perçoit un salaire pour lui demander de l’aide et lui emprunter de l’argent, si quelqu’un doit aller à l’hôpital. Mais comme les salaires ne sont plus versés, nous n’avons plus de soutien. »
L’ONU prévient, à juste titre, que le blocus cause une famine de masse. Cette famine n’est pas un effet malencontreux de la guerre – c’est une arme :
Affamer les civils du Yémen est un acte délibéré de Riyad, qui est furieux de son humiliante incapacité à remporter une victoire militaire saoudienne.
Selon les médias, seuls 10 000 civils saoudiens ont été tués en deux ans et demi de guerre. Le nombre est risible. Ni l’ONU, ni d’autres n’ont publié le moindre rapport détaillé. Le nombre de 10 000 victimes sort de nulle part. Comparons, par exemple, les dates et contenus de ces deux rapports :
Al Jazeera – 31 août 2016 : ONU, au moins 10 000 civils tués dans le conflit au Yémen :
Les Nations-Unies ont significativement révisé le nombre des victimes tuées de la guerre civile qui dure depuis 18 mois, aujourd’hui porté à 10 000 personnes.
…
Depuis la capitale Sanaa mardi, Jamie McGoldrick, le coordinateur de l’aide humanitaire de l’ONU, a dit que la nouvelle estimation se fonde sur les informations officielle des centres de soins médicaux du Yémen.
Al Jazeera – 17 janvier 2017 : Le nombre des morts du conflit au Yémen dépasse les 10 000 :
L’officiel de l’aide humanitaire des Nations-Unies au Yémen a dit que le bilan des victimes au cours du conflit au Yémen, qui dure depuis presque deux ans, a atteint 10 000 tués et 40 000 blessés.
Jamie McGoldrick, du bureau pour la coordination des affaires humanitaires, a dit que les chiffres sont basés sur la liste des victimes compilées par les centres de soins médicaux…
Le même faible nombre de victimes est affirmé par le même officiel en août et en janvier, alors qu’une guerre dévastatrice continuait dans l’intervalle. Cela ne tient pas debout. Pour faire rire les cyniques aux éclats, ou par stupidité, le deuxième reportage d’Al Jazeera continue :
L’annonce marque la première fois qu’un officiel de l’ONU confirme un bilan des victimes aussi élevé au Yémen.
Jusqu’à juillet 2017, la coalition saoudo-américaine a opéré plus de 90 000 sorties aériennes au-dessus du Yémen, dont la plupart dans le but de larguer des bombes. Sommes-nous censés croire que seuls 10 000 civils ont été tués par ces bombes et par l’artillerie supplémentaire, les snipers et les attaques suicides ? Cela ne collerait même pas aux rapports occidentaux sur les incidents de masse recensés au cours de la guerre. 100 000 civils tués par la guerre est un nombre bien plus probable que les invariables 10 000 cités.