Une attaque menée par la milice islamiste syrienne affiliée à al Qaïda contre une petite armée de mercenaires entraînés et envoyés dans le pays par les États-Unis a sidéré le gouvernement Obama et mis en évidence les énormes contradictions et la totale duplicité de sa politique dans la région.
L’attaque eut lieu le 30 juillet contre une milice syrienne connue comme la Division 30 et qui est l’axe d’un programme de 500 millions de dollars mis sur pied par le gouvernement Obama et administré par le Pentagone. Le but de ce programme est d’armer et d’entraîner une force par procuration contrôlée par les États-Unis, ostensiblement pour combattre en Syrie l’État islamique (EI).
L’attaque est due au Front al-Nosra, la branche syrienne d’al Qaïda et la plus puissante des milices islamistes engagées dans la guerre soutenue par l’Occident, l’Arabie Saoudite, la Turquie et le Qatar en vue d’un changement de régime visant le président syrien Bachar al-Assad.
Elle est survenue après que le Front al-Nosra a capturé le chef de la Division 30, le colonel Nadim al-Hassan, un déserteur de l’armée syrienne et un autre officier connu sous le nom d’Abou Hadi qui dirigeaient la petite bande de combattants formés par les États-Unis et acheminée en Syrie depuis la Turquie. Six autres combattants ont également été faits prisonniers.
Le Pentagone a tout d’abord publié des communiqués prudemment formulés affirmant qu’aucun des combattants entraînés par les États-Unis n’avait été capturé. Ces affirmations furent démolies samedi lorsque le front al-Nosra a diffusé une vidéo montrant les combattants capturés. L’un d’entre eux a expliqué devant la caméra comment au bout d’un mois et demi d’entraînement en Turquie les formateurs américains lui avaient fourni, ainsi qu’à d’autres, des fusils d’assaut M-16, de l’argent et les avaient envoyés en Syrie.
Les combattants formés par les États-Unis ne sont guère une force formidable. Selon les dires du Pentagone, à peine 60 hommes ont été sélectionnés et entraînés depuis que le programme a été proposé pour la première fois il y a près d’un an dans le but proclamé de rassembler une armée de 15 000 mercenaires appuyée par les États-Unis.
Les difficultés que rencontre ce programme découlent à la fois de l’incapacité du Pentagone de passer au crible les combattants syriens qui, à une très grande majorité, sont recrutés à partir de groupes islamistes extrémistes tels le Front Nosra et le refus de ces mêmes combattants d’être identifiés comme mercenaires à la solde des États-Unis.
L’intervention d’avions de chasse américains pour bombarder des positions d’al Nosra aurait été la seule chose à avoir empêché l’écrasement total de la Division 30.
L’effet le plus frappant de cet événement est la consternation et la surprise non dissimulées, tant de la milice appuyée par les États-Unis que de Washington, d’avoir été attaqués par le Front Nosra.
Après la capture de son commandant et d’autres combattants, la Division 30 a publié un communiqué demandant à « nos frères » du « Front de soutien » au sein d’al Nosra de « libérer le colonel et ses compagnons aussi vite que possible en vue d’éviter toute effusion de sang de musulmans et par enthousiasme pour le maintien d’un front uni. »
Un communiqué on ne peut plus clair. La force entraînée par l’armée américaine tente de fonctionner comme partie intégrante d’un « front uni » avec la branche syrienne d’al Qaïda au sujet de laquelle on explique depuis près de 14 ans à la population américaine qu’elle représente la menace la plus sérieuse pour les États-Unis.
Cette même vérité fondamentale a été révélée par la réaction des responsables américains à l’attaque d’al Nosra.
« À Washington, plusieurs hauts fonctionnaires gouvernementaux, présents et anciens, ont admis que l’attaque et les enlèvements par le Front Nosra avaient pris au dépourvu les responsables américains et représentaient un grave échec du renseignement » a rapporté samedi le New York Times.
Le Times écrit que des responsables ont dit « s’attendre à ce que le Front Nosra accueille la Division 30 comme une alliée. » Il cite un ancien haut responsable américain disant avoir suivi de près jusqu’à récemment les questions syriennes et qui remarque que « Ce n’était pas censé se passer ainsi. »
Expliquant le désarroi des hautes sphères de Washington quant à la tournure prise par les événements, le Times ajoute :
« Les dirigeants de la Division 30 s’attendaient à ce qu’ils jouent un rôle dans un ambitieux et nouvel effort conjoint des Etats-Unis et de la Turquie pour aider des groupes d’insurgés syriens moins radicaux à saisir des territoires aux combattants fondamentalistes de l’Etat islamique, également appelé EI… »
On fait référence ici à la récente annonce d’un accord entre Washington et Ankara pour mettre en œuvre l’objectif de longue date de la Turquie de s’emparer d’une bande de territoire syrien le long de la frontière turque et de la transformer en « zone de sécurité » ou, comme l’ont défini les responsables américains, en « zone débarrassée de l’EI. »
Les objectifs poursuivis par la Turquie sont doubles : intensifier une guerre de changement de régime en Syrie qui dure depuis quatre ans et anéantir les efforts entrepris par des groupes kurdes de découper leur propre zone autonome dans cette région frontalière. Depuis l’annonce qu’elle allait rejoindre la lutte contre l’EI et permettre à l’aviation américaine d’utiliser les bases turques pour ses frappes contre l’EI, la Turquie concentre ses propres bombardements non pas sur la milice islamiste mais sur les Kurdes qui se battent contre elle.
Lorsque le Times parle avec délicatesse de dirigeants de la Division 30 qui espèrent que « des groupes d’insurgés syriens moins radicaux » prennent le contrôle de la zone tampon, il parle du Front Nosra, l’affilié d’al Qaïda et de ses alliés les plus proches. Ces forces ont déjà réussi, grâce aux armes et aux fonds injectés par les principaux alliés régionaux de Washington, Turquie, Arabie saoudite et Qatar, à accaparer une part substantielle de ce territoire.
L’objectif apparent de Washington est de se fier au Front Nosra pour agir comme principale force intermédiaire tout en utilisant les mercenaires formés par les États-Unis de la Division 30 pour influencer cette milice liée à al Qaïda. Les combats qui eurent lieu à la fin de la semaine passée on malmené cette stratégie.
Ceci n’est que le dernier en date des fiascos dû à l’intervention américaine dans la région. À la fin de l’an dernier, deux des derniers groupes restants de « rebelles modérés » appuyés et armés par Washington s’étaient effondrés face au Front Nosra. Ces groupes s’étaient volontairement dissous, cédant la totalité de leurs armes fournies par les États-Unis à cette branche d’al Qaïda et laissant leurs membres rejoindre ses rangs. Parmi les armes américaines sophistiquées remises au Front Nosra figuraient des missiles anti-char TOW et des roquettes Grad.
Au milieu de la récente débâcle de la Division 30 et un an après que le gouvernement Obama a débuté sa campagne de bombardement contre l’EI en Syrie et en Irak, des responsables des forces armées et des services de renseignement américains ont dit à l’Associated Press que tant la CIA que l’Agence du renseignement de la Défense ont conclu que cette stratégie n’a entraîné « aucune dégradation significative » du nombre de combattants déployés par l’EI. Le renseignement américain évalue ce chiffre à 20 ou 30.000. On n’a pas non plus enregistré de gains probants dans la reconquête du territoire irakien tombé entre les mains de l’EI.
Cela ne veut pas dire que rien n’a changé. L’escalade de l’intervention criminelle et prédatrice de Washington dans la région a fait des milliers de morts et de mutilés supplémentaires et en a forcé bien plus encore à quitter leurs foyers. Pour diviser et conquérir à la fois la Syrie et l’Irak, elle a attisé les divisions sectaires.
Le gouvernement Obama a réussi à révéler les mensonges utilisés pour promouvoir cette intervention. Ce qui a été vendu à la population américaine comme une guerre contre le terrorisme est en réalité mené dans une alliance de fait avec al Qaïda. Le véritable objectif est l’éviction du gouvernement syrien allié à la Russie et à l’Iran pour imposer un régime fantoche américain dans le cadre d’une stratégie d’hégémonie américaine sur tout le Moyen-Orient et de préparation d’une guerre mondiale.
Du fait des échecs successifs des tentatives américaines de déployer des forces par procuration dans ce combat, il est de plus en plus probable que l’armée américaine sera directement précipitée dans un nouveau bain de sang à grande échelle.