Philippe Verdier, chef du service météo de France Télévisions, découvre le blacklistage suite à la sortie de son livre Climat Investigation.
Très critique vis-à-vis du traitement réservé au réchauffement climatique, tant par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) que par les médias et les politiques, le livre sorti le 1er octobre dérange, à deux mois de la COP21, la conférence internationale sur le climat devant se tenir cette année à Paris : parce qu’il vient de quelqu’un appartenant au sérail, ayant plutôt une image consensuelle, et aussi en raison d’un indéniable succès de librairie.
« Tout avis contraire sera éliminé », prévient la quatrième de couverture. L’auteur est rapidement devenu un exemple de ce qu’il dénonce, puisqu’il a été suspendu d’antenne jusqu’à nouvel ordre. Que n’aurait-il encouru s’il avait été réellement climatosceptique ?
À quoi donc aura servi le petit déjeuner de travail organisé par Laurent Fabius au Quai d’Orsay le 3 juin 2014 ? Presque tous les présentateurs météo avaient été conviés pour écouter le ministre chargé malgré lui de faire de cette COP21 un succès. 500 jours ! avait martelé M. Fabius, 500 jours avant la COP21, pour trouver un accord international et éviter ainsi le « chaos climatique », expression forte qu’il souhaitait mettre en avant. Certes, pour souligner l’importance du message auprès du public, on savait que l’on pouvait compter sur Évelyne Dhéliat, madame « c’est bon pour la planète ». Mais on ignorait que Philippe Verdier, déjà chef du service météo de France Télévisions, portait, sur ce qu’il faut bien appeler une mascarade, un regard sévère car lucide. Cette réunion allait marquer un tournant.
S’il peut laisser sur sa faim un connaisseur dissident du « réchauffement climatique anthropique », le livre met tout de même les pieds dans le plat sur un certain nombre de points du dossier et attaque sans détour « des scientifiques manipulés » (ou manipulateurs, comme Jean Jouzel), « des ONG mercantiles », « des médias aveuglés », ou encore « des religions en quête de nouveaux credo », en référence aux récentes prises de position du pape François. L’auteur, qui a couvert trois COP, dont la plus fameuse, celle de Copenhague en 2009, souligne les travers du GIEC, qui est une organisation politique avant d’être scientifique. Ainsi peut-on lire page 43 :
« L’information climatique de référence est aujourd’hui complètement verrouillée par les gouvernements » ;
ou encore, page 59 :
« Les États et non les scientifiques décident des informations climatiques à présenter au public. La liberté de parole du GIEC est quasi nulle ».
Dans la série « un journaliste, c’est une pute ou un chômeur », notre journaliste-présentateur, dont on peut se demander s’il conservera son poste, a été reçu par des confrères n’ayant pas à s’inquiéter pour le leur. À peu près tout le monde lui est bien sûr tombé dessus, généralement sur un ton condescendant. L’exemple du Petit Journal de Canal+ est à cet égard représentatif. Le phénomène de meute aura été protéiforme. Sur son compte Twitter, Audrey Garric, chef adjoint des pages « Planète » et « Sciences » au journal Le Monde, se réjouit ouvertement de la mise à pied par France 2 de son « M. Météo climatosceptique ». Ce qui choque au contraire son supérieur immédiat, Stéphane Foucart, pour qui « la liberté, c’est aussi la liberté de raconter n’importe quoi ». Une liberté que lui-même ne s’est jamais privé de transformer en articles pour son employeur, journal autrefois vespéral et de référence.
Les coups bas n’ont pas manqué, puisqu’il lui a fallu aussi se défendre d’avoir publié son livre chez Ring, éditeur que Vincent Coquaz, journaliste à Arrêt sur images, au prétexte que Laurent Obertone en est un auteur phare, a classé à l’extrême droite. Certains connaissent les mots-clés censés déclencher les réflexes pavloviens mettant le cerveau en arrêt immédiat. Au bien nommé Petit Journal, face à un Yann Barthès lui faisant ce reproche, Philippe Verdier s’est défendu en expliquant qu’il est lui-même issu d’une famille juive et en rappelant qu’il est gay, ce qu’il avait déjà dévoilé en 2013. À malin, malin et demi ?
« Gros cons »
Nathalie Kosciusko-Morizet, vice-présidente du parti Les Républicains, a résumé élégamment son point de vue, largement partagé : les climatosceptiques sont « des connards » ! Et de reprendre le parallèle éculé de la contestation du dogme réchauffiste avec le comportement des industriels du tabac ou de l’amiante, qui ont nié la dangerosité des produits dont ils faisaient commerce. Rien de neuf, puisque d’aucuns accusent depuis plusieurs années les climatosceptiques de crime contre l’humanité. Notons tout de même que, pour une fois, le terme « négationniste » semble ne pas avoir été prononcé. Cette libération de la parole par l’ancienne ministre de l’Écologie des gouvernements Fillon II et III a ainsi ouvert la voie à Xavier de La Porte qui, dans son émission de France Culture, a traité les mêmes de « gros cons ». Mais aucun des deux n’a compris que Philippe Verdier n’est pas climatosceptique, puisqu’il ne remet à aucun moment en question l’existence d’un réchauffement climatique dû aux activités humaines. Mais pour cela, il aurait fallu connaître le dossier et avoir lu le livre de l’auteur controversé. Celui-ci ne se reconnaît absolument pas comme tel et « réfute catégoriquement cette affirmation diffamatoire ». Il n’est donc pas un gros connard, contrairement à l’auteur de ces lignes.
Face à l’audience de son journaliste et à ses propos en discordance avec une ligne éditoriale qui ne dit pas son nom, la direction de France Télévisions a réagi en l’interdisant d’antenne. Sans assumer dans un premier temps, puisqu’elle a commencé par expliquer le non retour de Philippe Verdier par une prolongation de ses vacances. Il aura fallu que celui-ci révèle qu’une lettre de son employeur lui avait demandé de ne pas venir travailler pour que des raisons autres soient invoquées : le « principe déontologique » ! Un employé n’aurait pas le droit de s’exprimer publiquement en engageant la responsabilité de son entreprise. Sauf que Philippe Verdier a clairement publié son livre en son nom propre et que sa hiérarchie est au courant de ce projet et de son contenu depuis le début.
C’est pourquoi il évoque un autre élément, difficile à confirmer, même si une discussion avec sa chaîne le conduit à regarder dans cette direction. Il aurait agacé en haut lieu. Avec son livre et ses interviews, mais aussi avec une lettre ouverte au président de la République, publiée dans Le Point le jour de sortie de son brûlot. En voici quelques extraits :
« Depuis plus d’un an, un refrain vert sur l’avenir de la planète revient dans chacun de vos discours. Vous dramatisez pour souligner votre volonté de rassembler les puissants du monde et désamorcer un cataclysme annoncé ».
« Je peine à percevoir dans vos paroles la sincérité, l’intention d’agir pleinement pour l’environnement de manière posée et constructive. Entre vos mains, le climat n’est qu’une fiche parmi toutes les autres. »
« Dans deux mois, la France accueille la COP21, conférence des Nations unies sur le climat. Vos services de stratégie vous ont informé qu’elle ne servira à rien comme les vingt précédentes. Alors pourquoi continuer à feindre un sauvetage de la planète ? »
« Vous, président de la République, ne pouvez pas cautionner les scientifiques ultra-politisés du GIEC, les lobbies d’entreprises, les ONG environnementales, ni les chefs religieux autoproclamés nouveaux apôtres du climat ».
Une chose est certaine, il n’y va pas avec le dos de la cuiller, et l’on comprend l’irritation du chef de l’État et de son gouvernement, dont le storytelling autour de la énième chance de sauver la planète est quelque peu écorné. Mais, qu’elle émane de ces gens ou de la seule hiérarchie de France Télévisions, sa mise à pied tend à prouver que ses propos ne sont pas si outranciers et que l’on a affaire à un dogme, qu’il est risqué de critiquer, même superficiellement. « Je me suis mis sur la route de la COP21, qui est un bulldozer, voilà le résultat », témoigne l’auteur.
Le mérite de Philippe Verdier aura donc été de mettre en lumière l’intolérance régnant sur le sujet. Dix mois après le grand défilé du 11 janvier, on ne peut que constater l’écart entre la proclamation de grands idéaux et la triste réalité : vous êtes libre de vous exprimer, tant que c’est pour dire ce qui est autorisé. L’affaire prend une tournure à laquelle ne devaient pas s’attendre les responsables de cette mise à pied : les journaux et la blogosphère anglophones s’emparent du sujet et lui donnent une résonance internationale. Le sujet est peut-être d’accès plus facile pour eux, un Charlie étant en anglais un idiot.
Une pétition a été lancée pour soutenir Philippe Verdier.
La présentation de son livre Climat Investigation en vidéo :