Assassiner un prêtre catholique dans son église, c’est frapper cruellement la France, la tétaniser par l’horreur du crime commis. Mais c’est aussi la frapper au plus profond, la blesser, à travers la communauté catholique, dans une de ses traditions spirituelles les plus anciennes. Avec l’ignoble attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray, une France qui était déjà meurtrie le 14 juillet vient de subir de plein fouet la haine sectaire, antichrétienne, des émules de Daech.
Les chrétiens d’Orient en savent quelque chose : cette vindicte meurtrière ne fabrique pas ses ennemis au hasard. Au Moyen-Orient, les communautés religieuses minoritaires dressent un obstacle symbolique sur les pas du projet totalitaire mené sous l’emblème de la « charia » wahhabite. Le pseudo-califat de Mossoul y exige une sanglante épuration confessionnelle qui frappe les chrétiens, les yézidis, les chiites, mais aussi les Kurdes, dont le sunnisme d’inspiration soufie est également suspect à leurs yeux.
Si le djihadisme est (notamment) christianophobe, c’est parce que son idéologie sectaire de matrice saoudienne est circulaire : tous ceux qui, en raison de leur confession, sont naturellement enclins à la tiédeur envers l’entreprise purificatrice s’exposent à en faire les frais. Cette règle d’intolérance est valable partout, en France comme au Moyen-Orient. Elle est constitutive de l’entreprise d’asservissement dont Daech est l’avatar contemporain, et l’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray, après tant d’autres, est l’application de cette doctrine mortifère.
Si les informations communiquées par les enquêteurs sont exactes, l’un des auteurs de ce meurtre, connu des services de police, aurait été refoulé par la Turquie à la fin de l’année 2015 lors d’une tentative de pénétration en Syrie. Ce candidat au « djihad » n’ayant pu exercer sa violence meurtrière au pays de Cham, il l’a donc déchaînée en France. Frustré de sa dose d’hémoglobine sur le théâtre syrien, il s’est offert une compensation à domicile. Difficile, une fois de plus, de nier le rapport entre la terreur qui s’abat sur nos têtes et la politique moyen-orientale menée par nos dirigeants.
Avec cet aller-retour France-Turquie, le crime du 26 juillet fournit une illustration saisissante de l’effet boomerang entretenu par une politique française particulièrement perverse. Car les petites frappes du djihad ont été encouragées par le discours officiel à mener leur sanglante équipée en Syrie, et elles y sont parties par centaines, la fleur au fusil, pour tuer en masse les partisans de « Bachar-le-boucher », pour reprendre l’expression de Jean-Pierre Filiu, principal conseiller du président français et ministre officieux de cette propagande de guerre contre un État souverain.
Ces desperados de la terreur, les Syriens de toutes confessions en subissent les exactions depuis 2011, et notamment les chrétiens du quartier de Bab Touma, à Damas, où les obus de mortier en provenance de la zone rebelle font régulièrement leur lot de victimes, et ce jusque dans l’enceinte du Lycée français Charles-de-Gaulle ! Mais les « rebelles » de « l’armée de l’islam » font partie de l’opposition prétendument « modérée » reconnue par nos dirigeants, et ils bénéficient du précieux soutien de l’Arabie saoudite, ce pays allié de la France où le culte chrétien est rigoureusement interdit.
Cela n’empêchera pas un exécutif français complètement schizophrène, totalement cynique, ou les deux à la fois, de condamner le crime christianophobe en France au moment où il continue de le cautionner en Syrie en déroulant le tapis rouge devant des chefs « rebelles » couverts de sang. Manifestement, il s’avère incapable de répondre à la crise gravissime que traverse notre pays autrement que par la persévérance dans une double absurdité, politique et militaire.
En diabolisant l’État syrien, le gouvernement français contribue à prolonger la prolifération du nid de serpents puisqu’il affaiblit la principale force qui l’affronte courageusement sur le terrain. Simultanément, il se livre à des bombardements aériens militairement ineptes qui ont pour principal effet, en tuant des civils, d’alimenter la haine de la France. Pour faire échouer cette tentative de déstabilisation de la société française, ni les discours compassionnels ni les mouvements de menton mussoliniens ne suffiront. Ce qu’il faut, c’est changer radicalement de politique et s’allier avec ceux qui combattent le terrorisme au lieu de distribuer des médailles à ceux qui le financent.