J’ai lu Vigny, et cela m’a déplu. J’y ai décelé tout le long, la faiblesse et le gémissement moderne qu’il feint de déplorer ici. Je pensais rencontrer un auguste aïeul, j’ai fait face à un petit cousin déjà contemporain de l’esprit faux que j’exècre.
Je pensais lire une âme forte face à l’horreur,capable de l’assumer. J’ai lu une petite chatte qui ne fait que se plaindre des rigueurs de l’armée. Un jardinier-poète qui a du se tromper de vocation, sans doute..

Cet extrait, bien que joliment tourné, et inspirant par certains côtés, me laisse le même goût.
Aimer les animaux, projeter naïvement ses pensées humaines, pourquoi pas. Mais pourquoi obligatoirement dénigrer les hommes ? On dirait une connasse de lycée. Tu crois que le loup est stoïque ? Il ne comprend même pas ce qui se passe. Il n’a pas en lui toute la hauteur et la profondeur de l’évènement, contrairement à l’homme. A-t-il cherché Dieu toute sa vie ? A-t-il fondé un royaume ? Est-il parti en croisade ? A-t-il quelque image au coeur, terrible, douloureuse, incurable ? Pense-t-il à ses aïeuls ? A-t-il un remord invincible ? Voit-il déjà le visage de Dieu ("j’entends qqun qui vient..") ? A-t-il la notion du Salut et du pardon ? Est-ce que "tempêter contre le vieil âge", refuser la fin, demander l’éternité aurait forcément moins de noblesse que de s’accrocher soit-disant "stoïquement" à la jugulaire d’un chien ?

Ces gens qui ne savent pas apprécier un moment un peu gracieux ou mystérieux (surtout chaud des mystères humains) sans rabaisser ou dénigrer l’humanité sont des faux-frères, des petites chattes irritées à la sauce woke avant l’heure.
Le romantisme de Vigny, très inférieur à celui du lucide Baudelaire est déjà un signal, un avant goût de la chute de l’esprit français dans cette modernité faiblarde, nerveuse, récrimineuse, perdante a tous les coups.
Vigny n’est grand que quand il laisse encore parler en lui les hauts étages de l’ancien monde. Il est parfaitement méprisable quand il se laisse aller à ses sentiments, ses intuitions efféminées, impies, et déjà frelatées par la défroque révolutionnaire.

Mais merci pour ce passage, d’une qualité certaine, comme tout ce qui n’avait pas encore trop flirté avec la bassesse républicaine.

@ Talon : dénigrer Vigny, pourquoi pas... mais pour nous promouvoir Baudelaire ? Non ! Baudelaire incarne autant cette faiblesse narcissique des modernes, ce bourgeoisisme même pas décadent, et cette pseudo-révolte du jointé faussement cultivé. Baudelaire est la vedette des libraires et des profs de français.

La diatribe était belle... les romantiques incarnent en effet la montée du naturalisme et l’abandon de la religion. Mais si c’est pour nous refourguer ceux qui viennent après, toute la littéraire racaille moderne qui loin de revenir aux sources chrétiennes érige son scepticisme en virilité, et s’enfonce dans un nietzschéisme salonnard qui annonce les tarés de Davos (pour les meilleurs) et les rockeurs à pantalons moulants (pour les plus nuls).

Mais c’est vrai que je préfère "La Maison du Berger" et quelques poèmes secondaires chez Vigny que "la mort du loup".

@Talon. C’est risible et mesquin de prêcher cette supériorité humaine devant la noblesse et le stoïcisme d’un loup qui meurt !
Et au passage dénigrer Alfred de Vigny !

@Talon. Dès que l’humain est confronté au courage et la noblesse du monde animal, il faut toujours qu’il se compare et affirme sa supériorité, comme pour se convaincre ! Un peu d’humilité et de compassion !

@Corbeau

Baudelaire a tout digéré, tout compris de notre époque. Tu montres hélas ton inculture sur le sujet avec ta réponse (peut-être ne l’as-tu pas lu, ou en es resté à des souvenirs collégiens... il faut être mûr pour lire Baudelaire, aucune chance qu’un ado de nos jours ne le comprenne entièrement)

Baudelaire est le poète culminant de l’épopée française ; il arrive donc à la fin, forcément. Il sent tout davantage, profondément, douloureusement, et assume à notre face les illusions, la cruauté dont chacun se repait dans cette fin de civilisation étourdie de "progrès", idéologie presque entièrement fondée sur le rejet du péché originel.
Après lui, Rimbaud et Mallarmé seront forcés de se jeter dans les abstractions de la musique et de la voyance pour tenter d’aller plus loin et d’étendre encore le royaume, mais ce sera pour s’apercevoir que les limites avaient bien été atteintes par le Prince, et qu’il n’y avait plus rien à découvrir si ce n’est un délitement progressif de l’esprit. Baudelaire est la dernière porte (tout chemin depuis ne peut être qu’à rebours), et la franchir demande un soutien solide. Tout est puissant et nourrissant en lui, même si cela glisse parfois sur une légère amertume. Mais les amateurs de vin les plus joyeux connaissent le rôle de l’amertume.

Il est le poète-prophète, celui que chaque français post XIXème siècle devrait étudier pour mieux comprendre ce qu’il vit, avant même de se décider à l’honnir ou le célébrer.

Que les français se soient si souvent trompés sur la force et la vision de ce géant, est-ce si étonnant (nul n’est prophète en son pays..) ?... Enfin.. pourquoi donner de la confiture aux cochons, puisqu’ils la confondront toujours avec la boue à laquelle ils sont habitués.

Quant à Vigny, je me suis un peu lâché sans être très équitable (surtout que je suis loin d’avoir tout lu), mais le trait que je dénonce l’emporte hélas sur les autres dans mon souvenir, c’est le goût que j’en retiens, malgré des qualités littéraires indéniables, quoique finalement assez triviales dans l’énormité de ce siècle si prodigue en la matière. Romantisme c’est une chose, mais il y a trop de désenchantement en lui, là où Chateaubriand arrivait encore à être hanté par quelque chose. Heureusement que Barbey est passé par là et nous a réconcilié avec le surnaturel.

C’est juste... Les loups les plus féroces sont dans les hautes sphères... Et s’en protéger est plus compliqué.