L’affaire est sensible, aussi allons-nous rester dans le factuel, autant que faire se peut.
Nous sommes le samedi 21 octobre 2017 à Lacroix-Saint-Ouen, dans l’Oise, quand soudain, quelque chose d’inhabituel se produit. Un cerf franchit la barrière d’une propriété privée et se réfugie dans une descente de garage. Il s’avère qu’il cherche à échapper à un équipage de chasse à courre, connu dans le coin, celui de La Futaie des amis. Les badauds accourent, les chasseurs cernent l’animal, un homme franchit la barrière de la propriété, essaye de déloger l’animal, puis l’abat à bout portant, au grand dam des témoins.
Les gendarmes appelés témoignent de la légalité de cet abattage. Pour eux, « les chasseurs font jouer leur droit de suite ». Le maître d’équipage, en gros le meneur de la chasse, argue qu’« un cerf aux abois est un animal dangereux ». Il estime qu’en abattant l’animal coincé, il a épargné « la voisine qui vient tous les jours ouvrir les volets ». Pourtant, les propriétaires, joints sur leur mobile pendant la scène par un témoin, assurent qu’ils ne voulaient pas que le cerf soit abattu. Mais Alain Drach, fort de son principe de précaution, est passé outre.
Alors, goût du sang ou simple fin de chasse un peu foireuse ? C’est là où l’affaire se corse. Quand cela avait lieu en 1850 aux abords de la forêt de Compiègne, personne n’y trouvait à redire, puisque les chasseurs étaient des nobles. Mais en 2017, les réseaux sociaux sont passés par là : Alain Drach reçoit, d’après lui, « 150 menaces de mort ». Il porte plainte.
« J’ai reçu 150 menaces de mort. Un internaute a mis mes coordonnées sur une affiche noire, avec ma tête dessus et le mot “assassinat” et c’est parti en vrille. J’ai reçu 500 messages sur Messenger, 50 SMS, 150 mails… J’ai déposé une lettre recommandée pour exiger que soient retirés les propos diffamatoires tenus à mon encontre. Je me réserve le droit de porter plainte. J’ai rendez-vous dès demain avec les gendarmes. On peut ne pas aimer la chasse, ne pas la connaître… Mais on ne peut pas dire des choses fausses et encore moins proférer des menaces de mort. Là, ça dégénère. »
Question : est-ce le chasseur qui est visé ou le fils de Monique de Rothschild ? Car il faut le dire, Alain est un Rothschild. Ce qui ne fait pas de cette affaire un match entre « juifs » et « antisémites ». Ce sont les amis des animaux qui ont déclenché cette bataille sur l’Internet, et ils ne lâchent pas prise, parfois avec une certaine violence dans les propos.
Ceux qui connaissent la Bardot et sa fondation savent qu’elle ne transige pas avec la souffrance animale. Elle déteste la chasse, et ne se prive pas de « tirer » à vue sur les chasseurs, surtout ceux qui font fi de la souffrance animale.
Alain Drach, lui, persiste et signe. La chasse a ses codes qui échappent au tout-venant, ou aux manants. Le monde dans lequel il baigne n’est pas le monde d’en bas.
« De 1990 à 2000 j’ai eu le bonheur d’allier passions et profession en dirigeant le développement international de la marque Holland & Holland. Non pas au seul niveau de la fabrique d’armes de luxe mais à celui de la création d’un univers et d’un style. »
La marque Holland & Holland appartient à la famille Wertheimer, des industriels de confession juive originaires d’Alsace, et considérés comme les plus riches exilés fiscaux français en Suisse. Ces propriétaires de la marque Chanel, entre autres, sont assis sur une fortune de 21 milliards d’euros. Ils ont récemment défrayé la chronique parisienne en s’emparant de la maison d’édition de La Martinière.
C’est maman – Monique de Rothschild – qui a inculqué le plaisir de la chasse à son fils Alain. C’est elle qui a remonté l’équipage de La Futaie des amis et ce, en 1961. Laissons la parole au site Sputniknews en français, qui a publié un article sur la grande passion familiale en 2013 :
« Ces “amis” de la Baronne ont regroupé en meute une centaine de chiens de chasse anglo-français. Des chiens de race évidemment… Les chemins forestiers de son domaine ont été barrés pour éviter la présence des gueux habitant les environs. Madame peut donc, deux fois par semaine, s’amuser avec son équipage à chasser les cerfs et autres animaux de nos bois.
Il ya une bonne dizaine d’années, la baronne se faisant âgée donna les “rênes” de l’équipage à son fils. Cependant, hors de question pour Madame de rater le spectacle de la vènerie (terme officiel de la chasse à courre).
La chasse à courre s’avère toutefois dénoncée comme un héritage sanglant et désuet par des associations de protection des animaux. Ce plaisir douteux est d’ailleurs souvent réservé à une caste de nobles et de fortunés qui n’a rien à apprendre des roturiers locaux et de leur cause animale incompréhensible pour ces châtelains.
Avec Madame la Baronne et sa descendance, cette chasse à courre semble pourtant atteindre des sommets dans l’horreur et la souffrance du gibier qui a le malheur de croiser le chemin de ces véritables psychopathes déguisés en chasseurs. »
Et de citer le cas où, le 15 janvier 2015, un cerf vint se faire massacrer en plein Compiègne, devant les habitants ébahis, avec leurs enfants... Description de la scène :
« Ils voulaient égorger de la manière la plus immonde un cerf, bel animal hébété, perdu et résigné. Ils lui ont d’abord jeté des pierres pour qu’il reste acculé le long de la clôture, puis avec une barre de fer, ont essayé de lui faire plier les pattes arrières ; deux hommes lui ont attrapé les bois, lui tordant la tête jusqu’à terre pendant que le troisième lui enfonçait une lame dans le cou, ceci à plusieurs reprises. Ne parvenant pas à finir l’animal, toujours debout et blessé, ils l’ont tiré sur plusieurs mètres pour l’égorger loin des regards indiscrets. »
Le site de poser la question de l’éducation à la cruauté pour les hommes de la dominance, qui seraient ainsi délestés de tout sentiment envers les animaux ou les humains.
L’année suivante, un cerf se réfugie dans une propriété, et les propriétaires, présents, s’opposent à l’halali.
« Il s’ensuivit une colère monstre de la baronne qui arriva en tout-terrain chez les propriétaires et vitupéra contre ces manants qui osent interférer dans le libre exercice sanglant des veneurs et du maître d’équipage. Des insultes sont lancées et provoquent l’intervention de policiers qui débarquent et neutralisent l’accès à la propriété où l’animal s’est réfugié. Le cerf s’échappe miraculeusement par l’arrière, reprenant le chemin à l’envers sous l’applaudissement des habitants. L’animal fut sauvé. »
La fin de l’interview d’Alain Drach dans Le Courrier Picard du 23 octobre 2017 est savoureuse :
Le Courrier picard : « D’après des voisins, les propriétaires ne souhaitaient pas que le cerf soit tué dans leur jardin. Qui a pris la décision de mettre fin à la vie de l’animal ? »
Alain Drach : « Les gendarmes, avec mon accord – cela devenait trop dangereux –, que ça plaise ou pas aux propriétaires. »