Jonathan Albright, directeur de recherche au Tow Center for Digital Journalism, et data journaliste, a plongé dans les entrailles de YouTube pour mener l’enquête. En partant du mot-clé « crisis actor », en référence à la théorie du complot née après la tuerie de Parkland, il a abouti, via l’outil de recommandation de YouTube, à un réseau de 8 842 vidéos dont la majorité recèlent une théorie conspirationniste, et qui cumulent au total 4 milliards de vues.
Sa conclusion ? Une profonde inquiétude, alors que plusieurs chercheurs ont déjà mis en évidence les effets pervers des algorithmes de recommandation de la plateforme, qui augmentent l’exposition de l’internaute à des contenus de plus en plus radicaux.
Le 14 février dernier, la tuerie de Parkland (Floride) fait 17 morts et une quinzaine de victimes. Dès le lendemain, plusieurs lycéens rescapés témoignent devant les caméras. Parmi eux, David Hogg, 17 ans. Le jeune homme est aussitôt accusé, sur les réseaux sociaux, et comme ses camarades par la suite, d’être en réalité un « crisis actor », soit un « acteur de crise », payé pour jouer la victime lors d’une situation dramatique dans le but de défendre une position politique, en l’occurrence la nécessité d’un changement de législation sur les armes à feu.
- David Hogg, accompagné d’une camarade du lycée de Parkland
8 842 vidéos, et beaucoup de complot
Cette théorie du complot, parmi d’autres, s’est répandue comme une traînée de poudre sur Facebook, Twitter et YouTube, tous mis en cause, ces deux dernières semaines, pour leur responsabilité dans la prolifération de ces contenus. Le chercheur Jonathan Albright s’est penché sur le cas de YouTube, en cherchant à prendre la mesure du phénomène sur la plateforme de partage de vidéos.
En partant du mot clé « crisis actor », et en rassemblant les recommandations « next » (les vidéos suggérées à la fin du visionnage) pour chacun des résultats, il aboutit à 8 842 vidéos, soit le réseau « de vidéos Youtube auxquels sont exposés les utilisateurs s’ils cherchent “crisis actor” à la suite de la tuerie de Parkland », écrit-il pour résumer, dans un post publié sur Medium le 25 février.
« Je ne m’attendais pas à être choqué par les résultats », poursuit-il. Si toutes ces vidéos ne sont pas conspirationnistes, une majorité le sont, explique-t-il. « Ce que contiennent précisément chacune de ces vidéos, je ne préfère pas le savoir. 90% de leurs titres, en revanche, sont un mélange de choquant, d’exécrable, et de promotionnel. »