L’échec des « printemps arabes » est à la hauteur des emballements émotionnels qu’ils suscitèrent, tant chez les lemmings de la presse, que parmi ces lapins de coursive qui constituent la grande majorité de la classe politique française.
Moins de trois ans après le début d’un phénomène pour lequel tous eurent les « yeux de Chimène », le bilan est en effet bien amer, les fleurs de ces prétendus « printemps » ayant précocement fané. Que l’on en juge :
En Tunisie, pays que le président Ben Ali avait presque sorti du « sous-développement » et où Mohammed Brahmi vient d’être assassiné, la faillite économique est totale cependant que le climat politique est devenu explosif.
Alors que la révolution s’était faite pour plus de liberté, les Frères musulmans, arrivés au pouvoir à la faveur du renversement du régime qui les combattait, veulent faire adopter une Constitution ayant la charia pour norme. Or, ils sont considérés comme des « traîtres » par les fondamentalistes (environ 10 % du corps électoral), qui posent ouvertement la question du rétablissement de la polygamie, abolie en 1956, celle des unions avec des filles juste pubères, et jusqu’à celle des « bienfaits » sociologiques de l’excision clitoridienne…
Comme l’armée tunisienne n’a, du moins jusqu’à ce jour, aucune tradition « putschiste », on voit mal comment la « douce » Tunisie peut sortir de cette ornière...
En Égypte, ceux qui ne supportaient plus leur vieux chef militaire ont permis aux islamistes d’arriver au pouvoir ; puis, terrorisés par le sort qui les attendait, ils ont appelé au secours un autre chef militaire, foulant ainsi aux pieds les principes démocratiques dans lesquels ils se drapaient quelques mois auparavant… et le pays bascule insensiblement vers une guerre civile.
En Libye, où l’intervention sarkozo-otanienne s’est faite au nom des droits de l’homme, le pays n’existe plus. Le Nord est éclaté et aux mains de milices tribales ou religieuses, cependant que le Sud est devenu un « Libystan », fief des jihadistes à partir duquel toute la région saharo-sahélienne est contaminée.
Forcés de prendre enfin en compte l’échec de leur illusion, les médias dressent désormais le bilan calamiteux de ces prétendus « printemps arabes » auxquels ils ont tant cru... Le journal Le Monde, qui eut une attitude « en pointe » sur la question, laisse aujourd’hui transparaître son dépit dans les termes suivants :
« (…) Au moment où l’Égypte sombre dans le chaos, au moment où la Libye ne parvient pas à sortir de l’instabilité et de la violence (…), la Tunisie (est) la dernière chance du “printemps arabe”. »
Le Monde, 6 juillet 2013
Une « dernière chance » qui relève une fois de plus de la méthode Coué... Engagés dans une politique destinée à réduire au silence leurs opposants, les islamistes ont en effet créé des milices de nervis qui font régner la terreur. Ainsi la Ligue de protection de la Révolution, qui dépend du parti Ennahda et qu’un député de ce parti gouvernemental menace de lancer sur les opposants afin « (qu’ils) soient punis de mort, par crucifixion, démembrement ou bannissement, car ils sont les ennemis de Dieu et de son Prophète ».
Tant en Tunisie, qu’en Égypte ou encore qu’en Libye, tout ne fait donc que commencer…
Bernard Lugan, le 26 juillet 2013