Un signalement mystérieux a suffi pour que le compte d’un patron de radio soit éradiqué du réseau social Twitter. Lundi 1er avril 2019, Twitter lui signifie que son compte est suspendu provisoirement. Mercredi, la suspension est définitive. Son dernier tweet est celui d’un noyé :
« Mon ancien compte définitivement suspendu. Alors que justement j’appelais à la retenue et à la décence. Pas grave. Plus “on” voudra me faire taire, plus je ferai des petits, petits, petits ruisseaux. Orwell, c’est déjà demain. »
Qu’a fait le patron de Sud Radio pour mériter un tel sort ? La réponse est simple : il a défendu les Gilets jaunes sur son antenne et a donné une case à Étienne Chouard. Cependant, la raison officielle figure dans un échange rapporté par le blog Médias d’ici diffusé sur le site de France 3 :
« J’ai été signalé massivement par des comptes pro-Macron ouverts récemment et de manière anonyme. Ils ont profité d’une conversation à propos de Jérôme Rodriguez, qui perdu un œil pendant une manifestation. Un twittos se moquait de lui. Je lui ai dit “si je venais vous crever un œil, vous trouveriez ça marrant ?”. Dans la foulée, alors qu’en fait je demandais de la décence, j’ai été signalé à Twitter ».
L’explication du site de France 3 régions vaut son pesant de cacahuètes oligarchiques :
« Depuis quelques semaines, le PDG de la radio est devenu sur les réseaux sociaux un porte-voix des Gilets jaunes. Sur ses live sur Facebook ou à travers ses tweets, il dénonce tour à tour les violences policières, les chiffres des manifestations minimisés par le ministère de l’Intérieur, etc.
Didier Maïsto reconnaît que de la part d’un patron de radio, “ça peut troubler”. On imagine en effet mal Laurence Bloch, la patronne de France Inter ou Laurent Guimier, celui d’Europe 1, prendre autant position et aller dans les manifs, portable en main en “live” au milieu des gaz lacrymogènes. »
Non, en revanche on imagine très bien Laurence Bloch et son confrère d’Europe 1 prendre parti pour l’oligarchie et contre les Gilets jaunes, ce qui est objectivement le cas, au vu et au su de toutes les chroniques et matinales que nous avons écoutées. Et on en écoute beaucoup.
Suit alors un petit mea culpa adressé en douce à cette même oligarchie, qui n’a heureusement pas de nom, ou alors il est imprononçable :
« Oui je suis sensible à ce mouvement. Mais je cherche toujours à mettre en perspective. Je suis honnête. Parmi les Gilets jaunes, il y a des cons et des antisémites mais pas plus que dans la société française dans son ensemble. Il y a surtout des gens qui souffrent et qui veulent se battre pour leur pouvoir d’achat, pour plus de démocratie… »
Et comme le hasard fait bien les choses en haut lieu, Le Monde, cette courroie de transmission numéro un des ordres oligarchique, nous concocte un portrait saisissant du PDG de la station un peu trop Gilets jaunes. Quand on lit cette prose, on est en effet saisi par le mépris affiché et la volonté d’humilier – à la limite de l’ignoble – qui se cachent si peu derrière le travail journalistique. On a laissé les guillemets à Gilets jaunes, que ce journal des élites prend avec des pincettes afin d’éviter toute contamination :
L’intro, d’abord :
« Didier Maïsto est un patron de médias assez passe-partout et plutôt calme, qui parle à feu doux ; il est aussi un citoyen féroce parti à l’abordage d’un combat immense et terrible. Il tente de récolter tous les indices possibles pour prouver combien notre pays est absurde ou pitoyable, tragique et beau à la fois. Que le jaune est la couleur de l’espoir, que le peuple vaut largement les élites.
Ça lui a pris un vendredi soir, fin 2018 ; il se rendait en voiture à la campagne avec son épouse et, au premier rond-point tenu par des “gilets jaunes”, il a coupé le contact pour écouter ces gens qui s’y étaient rassemblés. Il a reçu comme un choc, puis il a dit à son épouse : “On ne peut pas aimer la France et ne pas être touché par ces gens-là”. »
On se moque allègrement de la révélation sur le chemin de Damas. Mais la suite bascule dans le violent :
« Quand Maïsto dit : “Je ne sais pas si je suis de droite ou de gauche. Je fais juste mon marché”, il semble évident que l’interlocuteur nous cache des choses, quand il ne se ment pas à lui-même. Le cercle de ses connaissances fait le tour de l’horizon. En définitive, c’est comme s’il essayait d’être juste hors d’atteinte. “Maïsto est un esprit libre qui n’entre pas dans les cases, qui enrage de faire bouger les choses, selon le journaliste d’investigation et soutien des ’gilets jaunes’ Denis Robert. C’est une bouffée d’oxygène dans un paysage calibré et monolithique.” Après avoir été viré de Sud Radio en mars 2018, Henri Guaino, l’ex-collaborateur de Nicolas Sarkozy, déclarait : “C’est un cerveau dérangé par le complotisme”. »
On n’est pas loin des cerveaux malades de Patrick Liste Noire Cohen ! Ô France des médias mainstream, qui salit tout ce qui n’est pas elle... Mais on en arrive au pire, le crime de lèse-BHL, que le quotidien en faillite racheté par la Banque ne peut pas pardonner :
« Mais, depuis plusieurs années, Maïsto s’est aussi attaqué au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui a eu le malheur de lui refuser une fréquence télé. “J’ai découvert que tout était joué d’avance, raconte Maïsto. Le CSA n’est qu’une chambre d’écho de l’entre-soi parisianiste.”
Plus récemment, il a bataillé aussi contre Médiamétrie, qui sous-évalue, selon lui, les audiences de sa radio. Encore plus récemment, il a défié Bernard-Henri Lévy, “qui, dès qu’il s’exprime, reprend exactement les éléments de langage de La République en marche ! J’ai demandé au CSA que son temps de parole soit décompté”. »
Défier BHL, quelle idée ! Il pourrait lui en cuire, comme aux Libyens...
Maïsto résume ainsi la ligne éditoriale de sa radio : « Je veux être la radio des représentés, pas celle des représentants. »
Excellente punchline, dirait le rappeur et homme d’affaires Seth Gueko. La conclusion du très sobre et très impartial portrait condamne définitivement Maïsto aux oubliettes :
« Oui, Maïsto ferait un tabac sur les chaînes info. “Mais les débats n’y sont pas sérieux. Je préfère les médias alternatifs, qui prennent le temps.” L’autre jour, il a parlé pendant deux heures sur BTLV. fr (“Bob vous dit toute la vérité”), le site multimédia “numéro un sur le mystère et l’inexpliqué”. »
Traduction : croire les élucubrations de Maïsto sur les Gilets jaunes et les médias c’est croire aux OVNI, aux reptiliens, à la version complotiste du 11 Septembre et autres calembredaines ! Hugh, Le Monde a dit.
Bercoff invite son patron dans son émission le 17 décembre 2018 :
Les propos impardonnables de Maïsto sur BHL (20 février 2019) sont heureusement contrebalancés par le fait qu’il a senti l’inquiétude de ses compatriotes de confession juive :
On le voit, rien n’est simple en politique. Maïsto a été censuré pour de mauvaises raisons, comme toujours, mais son discours, s’il déplaît au pouvoir visible, ne devrait pas déplaire au pouvoir profond... On sent qu’il va être bientôt réhabilité.
Pas nous.