14 mars 2019, pour une première, c’est une première : Étienne Chouard, le leader idéologique des Gilets jaunes constituants, qui a obtenu une émission sur Sud Radio – Y a du peuple, seul contre tous ! –, a été encadré sévèrement par son nouveau directeur Didier Maïsto (ça commence mal) et son invité, l’avocat Régis de Castelnau, qui a tiré à boulets rouges sur Alain Soral (pas présent en studio), franchissant allègrement la ligne rouge.
Maïsto : « Alors effectivement, Étienne Chouard ça fait un petit peu débat, dans le microcosme, alors je vais être très clair au sujet, on va en parler une fois, on n’en parlera plus, il faut tout dire dans une démocratie : est-ce que suis antisémite ? Je suis pas antisémite. Est-ce que je suis homophobe ? Je suis pas homophobe. Est-ce que suis complotiste ? Je suis pas complotiste.
Simplement, j’ai vu marcher des gens qui avaient des choses à dire, qui étaient vilipendés, qui étaient insultés, et pour moi y a pas plusieurs catégories de Français donc j’ai décidé de leur donner la parole et je voudrais une fois pour toutes, car j’ai entendu beaucoup d’ignominies et d’infamies sur la personne d’Étienne Chouard que moi j’ai rencontré, que je commence à connaître, qui est un humaniste, qui est un vrai démocrate, je voudrais qu’une fois pour toutes il s’explique sur cette histoire de Soral, sur toutes ces infamies qu’on lui colle comme ça par contagion, de fil en aiguille, et des journalistes très paresseux aujourd’hui parce qu’aujourd’hui les journalistes beaucoup sont paresseux, reprennent l’antienne de leurs petits copains et reprennent comme ça à l’envi “complotiste”, “confusionnisme”, des mots et des néologismes inventés comme ça depuis quelques semaines, progressistes contre populistes, donc moi je dis ça suffit, en démocratie tout le monde doit parler et moi les gens les plus faibles, les gens qui sont comme ça montrés du doigt j’ai envie de leur donner la parole, d’être la radio des représentés beaucoup plus que celle des représentants.
Donc je pose moi-même la question à Étienne Chouard : expliquez-nous Étienne Chouard, qu’est-ce qu’il s’est passé avec euh, euh, avec Soral, et toute cette histoire de, et qu’on n’en parle plus, qu’on en parle une fois ce soir et on n’en parlera plus, on abordera le fond des sujets qui intéressent les citoyens français. »
L’introduction de Didier Maïsto (qui dure jusqu’à 3’20), sous couvert de liberté d’expression, est en fait le passage obligé de son nouvel animateur à la désormais classique « question Soral », l’ensemble sentant fortement l’injonction hiérarchique de faire son autocritique. En période maccarthyste, non plus anticommuniste mais anti-antisioniste, chaque personnalité qui passe dans le dispositif audiovisuel doit faire son mea culpa, au cas où elle aurait eu quelque accointance, même éloignée dans le temps et l’idéologie, avec Alain Soral ou ses idées. C’est ce que la droite a pratiqué dans les années 80 avec le FN : une ceinture de contention a été établie autour des idées de Jean-Marie Le Pen, afin d’interdire toute alliance mais surtout le passage des voix de la droite à l’extrême droite. Ce qui est finalement arrivé 20 ans plus tard...
La demande de reniement n’est même pas cachée, et va déjà violemment contre le credo de Chouard, qui est, on le sait, pour ne censurer personne.
Chouard : « Cette histoire de Soral est une infime partie de mon travail, il se trouve que dans ma vie comme plein d’autres personnes je me suis intéressé au travail de Soral, à l’activité de Soral. Des gens comme Zemmour par exemple ont une correspondance étroite avec Soral et on les traite pas d’antisémites, enfin je crois pas, quelqu’un comme Naulleau a écrit un bouquin avec Soral et je crois pas qu’on le traite d’antisémite, des tas de gens sont copains comme cochons avec des tas de gens d’extrême droite et on leur en parle jamais, je ne comprends pas pourquoi on me fait ce procès, j’ai rencontré Soral à un moment où je le découvrais, Soral il défend, il reprend sur son site ce que je fais, ça l’intéresse, c’est pas criminel de s’intéresser à ce que je fais, je ne parle que de démocratie, donc ça me paraît pas être criminel de relayer mon travail et personnellement je n’en parle jamais. Je n’en parle littéralement jamais. Là vous me demandez d’en parler, j’en parle, mais c’est vraiment... »
Maïsto : « Non mais on évacue le sujet parce que sinon on va faire toutes les émissions sur euh... »
Décidément, même quand les médias mainstream veulent laisser parler les penseurs alternatifs (ce qui est quasiment un pléonasme aujourd’hui), ils n’arrivent pas à conserver leur sang-froid et s’en tenir à une règle impartiale. Il retombent immanquablement dans le jugement, le procès, la condamnation. Sud Radio, qui tente de faire un effort sur la question et de tendre la main aux Français en colère à travers Étienne Chouard, a manqué son coup. Ce n’est pas une raison pour ne pas chroniquer la chose, surtout que l’avocat Castelnau, comme par hasard, s’est permis de délirer littéralement sur le cas Soral, sortant des limites de la loi.
C’est à 6’54 que l’avocat commence à débiter ses contre-vérités qu’il attribue à Alain Soral mais qui sont le fruit de son imagination :
« Sur Soral moi je considère que Soral est un imposteur, il a une trajectoire hein, moi je connais quelqu’un qui l’a accompagné chez Michel Clouscard, qui était un philosophe communiste, j’ai lu un livre dans lequel il disait que le peuple juif était un peuple extraordinairement courageux et que les Arabes étaient des enquiquineurs, je crois que c’était ça, c’était un de ses premiers bouquins et il a changé et ça c’est le problème, il est devenu négationniste.
Donc ça c’est une vraie difficulté parce que moi c’est quelque chose qui me révulse, le négationnisme. Mais je veux dire voilà, c’est une position que défend, non pas que défend mais qu’illustre un petit peu Dieudonné, et pour moi ça c’est pas quelque chose d’acceptable. »
Le reste de l’émission est un débat sans intérêt pour ou contre le RIC, débat inoffensif pour le Système dans tous les cas.