On vit une époque formidable, pour reprendre le titre d’un album de Reiser. Tout ou presque est retourné : les gens malhonnêtes sont portés au pinacle par les médias, et les gens honnêtes y sont salis du matin au soir. On ne s’y habitue pas, on le dénonce quotidiennement ici pour ne pas sombrer... dans une normalité mortifère, pas encore dans la folie. Mais faut pas que ça dure trop.
La dernière inversion date de ce mardi 5 février 2019, quand Le Parisien a chroniqué la venue de Chouard sur Sud Radio.
Chouard est l’une des têtes pensantes des Gilets jaunes, et Sud Radio est la petite radio qui monte rachetée par un milliardaire qui mise des jetons sur le national-sionisme (NS). Parce qu’il ne faut pas se leurrer : Sud (Radio), qui veut grignoter les marges de RMC – qui fait dans le populisme bien-pensant – est la radio estampillée Bercoff. Et plus NS que Bercoff y a pas, à part peut-être Goldnadel, le commissaire politique d’Ardisson souffrant de problèmes d’élocution.
Le milliardaire Latouche (le PDG de Fiducial) possède déjà le mensuel Lyon Capitale, qui perd chaque année beaucoup d’argent pour une audience faiblarde (30 000 exemplaires diffusés selon Wikipédia, moins de 10 000 ventes selon nos sources). Pourquoi un tel sacrifice, sinon pour tenir en respect les quelques sommités locales. Un magazine interminable de 150 pages, fabriqué par une armée de stagiaires piochés dans les écoles du coin, qui n’arrive pas à passionner les Lyonnais et encore moins les Français.
- La une du site de Lyon Capitale
Avec Sud Radio, le pôle média de Fiducial a passé la vitesse supérieure en prenant pied dans l’audiovisuel national. Un audiovisuel qui n’avait pas marché à Lyon, c’est le moins qu’on puisse dire, malgré une débauche de moyens. Quand on fait partie du tissu économique local, on ne peut pas se permettre de balancer des vérités saignantes, on en reste au tout-venant quotidien, aux bisbilles politiques entre troisièmes couteaux. Le drame de la presse française locale, c’est son manque d’indépendance. Du coup, les lecteurs n’ont que du menu fretin à se mettre sous la dent. Les infos sur les réseaux et leur influence, et il y en a à Lyon, les vraies puissances locales, on n’y touche pas, on en est !
« Critiqué pour son intérêt pour les propos d’Alain Soral, Étienne Chouard est devenu une référence des Gilets jaunes. »
Le premier gros transfert de Sud Radio est donc celui de Chouard, l’avant-centre des Gilets jaunes. Chouard, qui est tout sauf un bolchevique sanguinaire ou un Gracchus Babeuf déchaîné, fait pourtant trembler les filets du Parisien, ce journal du milliardaire Arnault (4e fortune mondiale) qu’on croirait vidé de sa substance. Jugez vous-mêmes : même pas 15 pages – si on retire le foot, le bourrin et les rubriques à la noix – d’infos en plus oligarchiques à se mettre sous la dent. Un journal squelettique qui a perdu toute sa valeur, celle qu’il avait encore dans les années 90. D’ailleurs, les ventes du Parisien s’en ressentent : moins 40% en 8 ans.
Mais on n’est pas là pour déboîter la presse, qui le fait très bien toute seule. On est là pour parler du traitement de l’info Chouard chez Sud Radio. Et là, rien que le titre est déjà mortel : en qualifiant le prof de « controversé », le quotidien se coupe de la moitié de ce qu’il lui reste de lectorat, et encore, on est gentil. Controversé, c’est l’adjectif préféré des valets de la dominance : ça qualifie Dieudonné, l’humoriste controversé, Soral, le politique controversé, c’est l’autocollant du Système sur le front des réprouvés, des relégués, des emprisonnés, ceux qui n’ont pas le droit au traitement normal. À un traitement journalistique, humain.
Inversement, BHL a droit à un traitement de faveur et à une pleine page dans le même journal (mais pas la même édition) :
BHL se voit offrir dans le Parisien de Bernard Arnault, soutien de Macron, une page entière pour appeler à soutenir Macron. Le monde est en ordre. Au passage, les GJ se voient enterrés. Le disciple de Botul s'étant toujours trompé sur tout, le mois de mars sera victorieux. pic.twitter.com/W82Hxd3gTE
— Aude Lancelin (@alancelin) 4 mars 2019
Donc très joli coup de Maïsto, l’homme qui gère la radio pour Latouche, même si le transfert du Chouard n’est pas sans arrière-pensée politique : il s’agit d’amadouer une des têtes pensantes des GJ, voire de l’acheter. Mais Chouard n’est pas con, et il sait tout cela. Il va probablement profiter de cette lucarne pour envoyer de la critique anti-libérale. On espère juste que ça sera plus rock and roll que ça :
Au fait, si vous n’arrivez pas à lire le papier de BHL tendrement envoyé par Lancelin, cliquez ci-dessous pour l’agrandir :
À vrai dire c’est pas très lisible, au sens propre et au sens figuré. Pour ceux qui ont des problèmes de vue, BHL insiste sur le fait que le populisme c’est MAL et que le sionisme – qu’on peut aussi appeler européisme dans le cas qui nous intéresse – c’est BIEN [1]. Donc il demande aux Français de ne pas se tromper et de voter pour Macron, contre la Bête immonde et contre Poutine. Son analyse et ses menaces rejoignent celles de la famille Klarsfeld qui s’est fendu d’un communiqué à l’adresse de toute la Nation, à savoir par cœur pour demain, et gare à qui votera mal en mai 2019 !
On a isolé un paragraphe de questions-réponses dans lequel le drogué aux amphètes et à la guerre sioniste laisse libre cours à son délire israélo-européen (car l’axe israélo-américain est quelque peu en train de se déliter avec ce salopard de Trump) :
Ce qui est intéressant au milieu de cet océan de propagande vermoulue, c’est toujours ce combat entre le national-sionisme (Sud Radio, Bercoff and co) et le socialo-sionisme (Le Parisien, Klarsfeld, Macron, Attali et cie). Deux formes de sionisme, l’un de droite, l’autre de gauche. Le même yaourt indigeste avec deux étiquettes différentes, c’est tout. Il y a heureusement une troisième voie, celle du salut.
« Si le peuple est souverain, il doit exercer lui-même tout le plus qu’il peut de souveraineté » (Babeuf)
On parlait de ce bon vieux Gracchus, qui incarne le pur radicalisme, le mec qui ne fera jamais de concessions :
Ici, on va un peu plus loin avec Francis Cousin :
Si Gracchus est un pré-communiste, on peut dire que Chouard est un post-communiste. Il ne veut pas faire les erreurs commises par le passé. C’est comme ça que la conscience politique avance.