Aïe aïe aïe, on a complètement zappé Kahn cette année ! On peut quand même parier qu’il y avait les frères Dardenne, qui font tourner la misère noire, la ministre de la Culture, qui reste mince de corps et d’esprit grâce à la magie socialiste, et toute la bande à Gilles Rabbi Jacob, qui a dû passer la main. Gilles, qui ne répondait jamais aux lettres un peu grossières de Godard. Pas rancunier, le Festival, puisque Godard a reçu une espèce de prix. Le Prix à la Con ?
Godard, son tort c’est d’être vivant, et surtout, d’avoir dit des méchancetés sur Israël. Halte là, pas de parano : c’est sûrement pas son non-sionisme qui l’a empêché de pondre un vrai film pendant 49 ans, depuis Pierrot le fou. Peut-être le manque d’idées, ou peut-être est-il arrivé au bout de ses idées, ce Nouveau Roman cinématographique, cette narration sans sujet, cet abandon stylistique, cette abstraction philosophique en voix off, responsables de sombres docu fictions germanopratins qui ramènent à l’ennui, et donc à la mort. Le cinéma, c’est quand même le contraire de la mort, Jean-Luc !
- Lettre filmée de Godard à Gilles Jacob
Kahn 2014, un chef d’oeuvre avec Olivier Dahan, Olivier Assayas et Michel Hazanavicius. Avec ces trois Merkava culturels qui écrasent toute résistance, la « France » était lourdement armée pour le 67ème Festival de Cannes, qui eut lieu du 14 au 25 mai. On met des guillemets à France parce qu’il y a en fait deux France : la vraie, et la fausse. La bonne, et la mauvaise. Nous y reviendrons, mais pas aujourd’hui. N’oublions pas Bertrand Bonello, qui associe Gaspard Ulliel, le jeune homme qui toucha le gros lot à 1M€ pour son rôle dans Hannibal Lecter (les origines du Mal, 2007), à l’héritière anti-Kechichienne Léa Seydoux, pour le film Saint Laurent. Un biopic invalidé par Pierre Bergé, le cerbère de l’héritage YSL, comme Lanzmann qui tire sur tout ceux qui s’approchent de (la) Shoah, même et surtout ses jeunes coreligionnaires, assoiffés de critiques dithyrambiques dans Le Monde des livres (car un livre sur la Shoah = une critique dithyrambique). Bah, quand Bergé aura cassé sa pipe (sourire connivent du lèche-cul people Stéphane de Groodt), on pourra dire la vérité sur Yves. Et sur Le Monde. Et sur la politique. Mais ne changeons pas de sujet. Le sujet, c’est le cinéma, disons… français.
- Le talent est à gauche, l’héritage à droite.
Hazanavicius, sacré roi des remake et des comédies légères, nous propose The search, une resucée du film de Fred Zinnemann de 1948, l’histoire d’un soldat américain qui se lie d’amitié avec un jeune garçon tchèque, que sa maman, survivante d’Auschwitz, cherche en même temps dans Berlin alors qu’on le croit mort. Sauf que là, on transpose le tout en Tchétchénie (le courage de l’engagement d’Hazana), mais sans André Glucksmann, qu’on ne peut s’empêcher de citer quand on parle de Grozny, c’est même un devoir (de mémoire), car il est l’un des grands intellectuels de « France » :
« Ni sous-informée ni inconsciente des risques, l’opinion planétaire épouse tacitement les pulsions génocidaires qui parcourent la soldatesque russe. La téléconscience mondiale lève et lave nos dernières réticences : puisque chaque Tchétchène est un Ben Laden en herbe, un bon Tchétchène est un Tchétchène mort. Nous vivons une grande première au Caucase, l’instauration du meurtre avec universelle préméditation. » (Le Monde du 3 octobre 2003)
Quelle plume, quel lyrisme, quelle russophobie ! On attend toujours la dernière glucksmannie sur l’Ukraine, grignotée par l’ogre russe, ça risque de valoir son pesant de shekels. Surtout que des Tchétchènes se seraient glissés dans le conflit russo-ukrainien… André, l’homme qui devance les désirs de la CIA. Le philosophe atlantiste (lol) avait même dénoncé la vente de Mistral à la Russie en 2009. Mais ne nous écartons pas, et revenons en France.
Olivier Dahan, lui - à ne pas confondre avec Gérald, le faux juif qui fait dans l’imposture – a défendu son Grace de Monaco, l’histoire de l’actrice Grace Kelly, glaciale pour les uns, chaleureuse pour les autres. Là, c’est le scandale : la famille de Monaco refuse d’aller à Cannes car ce serait « cautionner le film ». Quelle perte pour la Culture ! Le Festival se remettra-t-il du boycott des intellectuels du Rocher ? Le couple impérial, c’est la série comique de Paris Match, qui tente de travestir les fugues de Charlène, la femme à Bébert.
Attendez, voici la vanne : la famille « regrette que son histoire ait fait l’objet d’un détournement à des fins purement commerciales ». Elle qui a porté à un niveau incandescent l’exploitation commerciale dans les secteurs - people, immobilier et bancaire - s’indigne avec une pureté touchante. Sachez que la tour géante Odéon de 49 étages en construction (livrée en avril 2015) sera coiffée un nid d’amour de 3300 m2 à 300 millions d’euros.
- Ces femmes feront tourner en bourrique de nombreux hommes.
Heureusement, le film d’Olivier ne risque rien, il est suffisamment anti-français, comme il le dit lui-même au Parisien du 2 mai :
« Le ressentiment anti-français que le film exacerberait, je ne peux rien y faire. L’intrigue se déroule en 1962, au moment de la crise diplomatique entre le Rocher et Charles de Gaulle, qui voulait récupérer les taxes des entreprises hexagonales implantées là-bas. »
Si de Gaulle avait fumé un joint à l’époque, ce visionnaire aura été capable d’envoyer Gerboise bleue, la bombe atomique testée à Reggane dans le Sahara (le Nigeria ne sera pas content, le fera savoir, et de Gaulle se vengera avec l’affaire du Biafra), sur la gueule des Monégasques, mais pas avec un lanceur d’engin sous-marin, puisque Le Redoutable ne sera inauguré qu’en 1967. Un peu d’Histoire ne fait pas de mal.
- Là c’est pas du cinéma.
Passons à Assayas, qui ressort la Binoche dans un rôle d’actrice qui joue… une comédienne. Juliette, c’est pas vraiment une bimbo : jamais refaite, donc pas déformée comme ses tristes consoeurs au niveau buccal ou mammaire, elle refuse le rôle féminin de Jurassic Park en 1993 pour jouer dans un Kieslowski. C’est Laura Dern qui s’y collera, et pas Kate Capshaw, la femme de Spielberg. Les ricaneurs bien informés, c’est-à-dire qui ont lu Le nouvel Hollywood de Peter Biskind (Le Cherche-Midi) se demanderont comment Spielberg a pu trouver une femme. Mais oublions cette polémique nauséeuse pour découvrir le pitch du film d’Assayas :
« À 18 ans, Maria Enders a connu le succès en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui fascine et conduit au suicide une femme mûre, Helena. Vingt ans plus tard on lui propose de reprendre cette pièce, mais cette fois de l’autre côté du miroir, dans le rôle d’Helena. »
La vache, on va bien s’éclater. C’est peut-être une belle opportunité pour une comédienne, mais sûrement pas le truc qui déplace les foules. On reste quand même toujours dans les névroses de la grande famille du cinéma, qui ne parle que d’elle (les films sur les comédiens), de ses problèmes (ach, le vieillissement des actrices, quelle zouffrance), de ses « histoires de troufignard », disait avec délicatesse Alphonse Boudard. Suis-je toujours la plus belle ? La plus désirable ? La plus baisable ? Comme vous pouvez le voir, de la question existentielle de tous les jours, voire de chaque instant, qui touche le public au coeur.
Il manque un bon gros pavé dans la mare du style Les démons de Jésus, l’OVNI grassement populaire de Bernie Bonvoisin, le chanteur de Trust. Ce qui n’est pas le cas de Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ?, la dernière grenade de l’AAA, l’amicale antinationale anticatho. Financée par le producteur Romain Rojtman - le premier qui tousse est un nazi – la chose démagogique à 11 millions d’entrées rappelle méchamment Mon beau-père et moi, une des rares comédies sociales américaines, le mot social n’existant pas là-bas. Il n’y a que Le Parisien, ce journal gratuit à 1€, pour s’extasier sur le succès en salle des ennuis du couple « Verneuil, icônes de la vieille France gaulliste et catholique, malmené par les choix amoureux de leurs quatre filles ». Le film qui tombe à pic pour achever les survivants des manifs anti mariage gay. On y retrouve Chantal Lauby (et pas Lobby), et aussi Ary Abittan, qui a joué pour Arcady, Jaoui, Nakache, Youn et Elmaleh (le premier qui tousse est un quenelliste qui joue son emploi à la roulette russe). Mais c’est son imitation de l’Arabe débile dans le talk-show d’Arthur qui en fait un comique incontournable et autorisé. Ari, c’est le Michel Leeb des Arabes. Quand Arthur ne le protégera plus, à l’instar des Américains qui arrêteront fatalement un jour de protéger militairement Israël, on retrouvera la dépouille d’Ary dans une petite salle, en train d’imiter Jamel et Smaïn, devant un parterre de 12 nostalgiques de l’ancien régime sioniste. On peut rêver.
- Abittan fait rire Hanouna et Arthur en faisant l’Arabe.
Le cinéma français, on s’y emmerde comme dans une salle d’attente de dentiste, à feuilleter de vieux Jour de France en attendant de souffrir. À propos de souffrance, attention aux vacanciers : le risque de croiser Charlotte Gainsbourg, invitée permanente du Festival, est dangereusement élevé du côté des projos d’Un certain regard. Cette année, la dépressive lourde du cinéma « français » incarne la co-lesbienne d’Asia Argento, l’actrice de gore-sexe passée réalisatrice. Écoutons Asia :
« Charlotte Gainsbourg est mon actrice préférée. Je fais le film dont j’avais rêvé. Et en plus, je l’ai écrit. C’est, je crois, très différent de tout ce qu’on voit, à la frontière entre l’art et l’histoire universelle, puisque ça parle de l’enfance, de l’injustice de l’enfance. »
- Asia parle le langage des singes, pardon, des signes.
Là, c’est carrément un « divan movie ». Fermez les yeux, imaginez Inna et Caro, le couple Fourest, main dans la main, au premier rang, très « love love » avant d’aller s’éclater avec la crème de la bienpensance culturelle, les deux dingues de l’égalité, Najat Vallaud-Belkacem (« un film de feeemmes ») et Aurélie Filippetti, malgré la défaite de son Jules de droite, le comte Frédéric de Saint-Sernin, président du Stade Rennais… viré par Pinault pour avoir perdu contre cette bande de manants de Ginguampais. On admire en passant la faculté pour notre élite culturelle de faire du cul sans en avoir l’air et sans se salir, avec une touche de classe. Quand ça vient d’en bas, ça devient tout de suite grossier, vulgaire, porno. La touche de crasse. C’est toute la différence.
- Godard fume en s’écoutant parler
Une seule phrase à retenir dans l’interminable interview de Godard par Le Monde du 10 juin :
« On pourrait faire en sorte – au conseil des ministres aussi, d’ailleurs – que les délibérations du jury ne soient pas secrètes. »
Une phrase qui n’a pas grand-chose à voir avec le cinéma, et c’est tant mieux. L’idée de Godard, puérilement simple, c’est la fin de la culture du secret et donc du mensonge, la pyramide informationnelle du pouvoir qui s’effondre sur elle-même, et qui se répand à l’horizontale. A retenir. On ne s’attardera pas sur ses provocs lepénistes ou hitlériennes, ce filou sait exactement comment horrifier, et donc manipuler, les journalistes conformes, et donc idiots.
Aujourd’hui, le B-A-BA, pour exister, c’est de sortir une vanne nazie, et le plan média se lance tout seul. Pas besoin d’agence de presse et de pages de pub dans Match ou de spots TV achetés une blinde : une phrase nazie, trois tours du globe. Les reprises s’auto-génèrent spontanément, par répliques, ondes de choc. Pourquoi un tel relais ? C’est simple : c’est parce que le pouvoir médiatique est sioniste. La petite musique nazie est le contrepoint absolu, et donc « provoque » une réaction en chaîne, comme la fission du noyau de l’atome d’hydrogène, ou le sketch de Dieudonné fin 2003. Finalement, on peut dire que le buzz est une réaction en chaîne chimico-physique.
Ah, on a failli oublier Godard : Dieu ait son âme, entre fulgurance et escroquerie. Allez, on va être sympas, 3% de génie, 15 de talent, 15 d’antisionisme, 34 de tchatche, et 33 d’escroquerie. Qui sait, c’est peut-être l’antisioniste qui restera, le Temps réservant bien des surprises. Le Temps choisit ce qu’Il veut, souvent à l’encontre du choix des hommes.
Le temps, parlons-en. Il y a 100 ans, le cinéma français dominait le monde. Hélas, une petite bêtise, commise en août 1914 et terminée en novembre 1918, contraria notre mainmise sur cette industrie culturelle naissante, et laissa le champ libre aux Américains, enfin, aux immigrés d’Europe de l’Est qui firent la fortune d’Hollywood, du modèle américain, et la leur en passant. Après 1917, la France subit un double débarquement : celui des soldats américains, et celui des films américains. Eux en sont déjà aux stars, aux contrats à 20 000 dollars la semaine, à la sexualité sur kids autorisée (uniquement pour les gros revenus), aux partouzes à la coke, aux viols dans les palaces, aux overdoses et aux suicides (c’est pour ça que la confrérie du vice californienne finira par louer des villas pour s’éclater, histoire d’éviter ces fouille-merde de flics, les dénonciations et tentatives de chantage du personnel).
On ne rattrapera jamais notre retard. D’exportateurs, nous deviendrons importateurs, et américaniserons notre pays. Tout le reste suivra, malgré la parenthèse gaulliste : la sous-culture, le MacDo, l’OTAN, le terrorisme, Sarkozy, Hollande… La chaîne de la honte.
Donc, toujours bien faire attention au cinéma, qui annonce les changements politiques. Comme le dit justement Pierre Ménès après le désastre français lors de la Coupe du Monde 2010, « tout était dans les matchs amicaux », tout est toujours dans les films, consciemment ou pas.
Et une dernière pour la route, dans la bouche du délégué général du Festival, Thierry Frémaux :
« Ce sont aussi des films d’adultes venant d’auteurs qui prennent le cinéma comme un moyen de parler à des gens adultes et intelligents et qui ne considèrent pas le spectateur comme un être abruti et décérébré. »
Prends-nous pour des cons, Titi !