La section Santé d’Égalité & Réconciliation réunit des professionnels actifs couvrant à peu près tous les secteurs de la santé (praticiens médecins ou non médecins, journalistes, auteurs, chercheurs) qui se donnent pour ambition d’être les sentinelles des dérives du système de soins moderne. La section Santé se veut aussi un outil pragmatique présentant des solutions concrètes pour rester en bonne santé.
Le cancer est la première cause de mortalité chez les hommes, et la deuxième chez les femmes. Il s’agit donc bien d’un sujet central en matière de santé. Beaucoup d’argent a été englouti dans des plans cancer successifs, en France comme aux États-Unis. Beaucoup d’effet d’annonce et beaucoup de réjouissances sur les progrès à venir et les espoirs de traitement de cette maladie emblématique. Pourtant nous devons nous rendre à l’évidence : cela n’a pas amélioré grand-chose en terme de survie, ni même en terme de qualité de vie.
Osons le dire, les stratégies passées ont échoué. En effet, dès lors que l’on ajuste les chiffres en tenant compte des modifications démographiques, accroissement ou vieillissement de la population [1], la réalité apparaît. Réalité dure à admettre, mais réalité chiffrée : la chute de la mortalité est inférieure à 5 %, sur une période de 50 ans, et sur un ensemble de 40 pays occidentaux ! Pas de quoi fanfaronner avec de tels résultats, et aucun « progrès de la médecine » en vue malgré les bonnes volontés.
Pourtant, en dépit de ces piètres résultats, le cancer est, avec la vaccination, le deuxième grand tabou auquel il ne faut pas toucher si on veut s’épargner les foudres de la bien-pensance médicale. Même les revues indépendantes de santé dites « alternatives » ne s’y risquent pas, et se cantonnent simplement à la gestion de l’après-traitement. Mais par respect pour les malades, à qui nous devons plus de transparence sur ce qui les attend, nous allons nous y coller en présentant les résultats irréfutables de chercheurs indépendants.
Nous nous proposons de traiter ce sujet difficile en trois parties. Une partie chronologique sur les illusions servies au grand public visant à faire croire que la science et la médecine maîtrisent leur sujet. Puis une deuxième partie conséquente, à notre sens passionnante, sur les évolutions de la manière de penser le cancer, sur les modes thérapeutiques et les déconvenues de la recherche en cancérologie, pour mettre en lumière que nous ne savons toujours rien sur la cellule cancéreuse, pas plus les Prix Nobel que les centres Cancer. Et une dernière partie, que nous espérons plus pratique, pour aider les bien-portants à le rester. Pour aider les malades, et les familles des malades, à établir avec discernement et recul, la meilleure stratégie possible pour eux-mêmes. Et nous l’espérons pour redonner espoir.
Les doxa en cancérologie
Le dogme central en cancérologie, depuis plus de cinquante ans, impose l’association de chimiothérapie et de radiothérapie. Pourtant, – et nous avons consacré notre première partie à le prouver –, cette approche est totalement inefficace. Il est tout à fait dérangeant de l’admettre, mais l’histoire contemporaine du cancer est bien l’un des plus retentissants échecs de la recherche médicale. Lorsque l’on arrête de faire mentir les chiffres, il apparaît que nous sommes toujours aussi ignorants au sujet du cancer. Les promesses sont toujours autant atténuées et adoucies de ces fameux paramètres conditionnels désormais bien connus de nos lecteurs. La durée de vie des malades n’est pas allongée d’un iota pour de nombreux types de cancer comme ceux du foie, du cerveau ou du poumon. En revanche, ces traitements présentent deux inconvénients majeurs : non seulement les protocoles classiques rendent la fin de vie pénible, mais ils sont également extrêmement coûteux. Un autre débat à avoir en marge de la question médicale serait celui de la légitimité de faire porter à la collectivité le coût exorbitant de ces dépenses de santé si peu utiles, d’autant plus quand l’IMS Health [2] annonce que le cancer est le premier marché du médicament dans le monde.
Alors, après quoi courrons-nous depuis si longtemps ? Il est temps de faire un point sur l’état de nos connaissances en la matière aujourd’hui. Une vue en travelling de la littérature médicale, du début du siècle à nos jours, est une expérience qui ne laisse pas indifférente. Tant d’impudence, tant de mensonges plus ou moins conscients, plus ou moins intéressés, et depuis tant de temps !
Comme l’écrit le prix Nobel Sir Mac Farlane Burnett :
« Jamais dans l’histoire de l’humanité, tant de mensonges ont été si souvent répétés par un petit groupe de personne pendant autant de temps avec une pareille catastrophe fiscale et humaine. » [3]
Les éléments traditionnels dominant la recherche contemporaine sont les virus et la génétique. Commençons par là.
La piste virale
Le chercheur américain et prix Nobel Francis Peyton Rous (1879-1970) mit en évidence en 1911, sur des poulets qu’un virus pouvait causer le cancer. Il suggéra que l’agent inducteur du cancer pouvait être un organisme parasite. Ce virologiste a donc identifié le premier des oncovirus, mais cette théorie était si controversée que Rous abandonna un temps la recherche sur le cancer, jusqu’à ce que Richard Shope découvre dans les années 30 un autre virus, un papilloma responsable de cancérisation sur des lapins. Rous retourna alors à l’étude du cancer, maintenant vivante la théorie virale du cancer. Il fallut attendre des décennies après cette première description de 1911 pour que le virus du sarcome de Rous (Src), connue aujourd’hui comme un rétrovirus soit identifié comme l’oncogène provoquant des tumeurs chez le poulet. Et en effet, lorsqu’on injecte ce virus cancérigène à un poulet sain, il développe bien un cancer. Mais les développements de la recherche ont ensuite marginalisé la théorie des virus, qui n’a pas vraiment abouti. Des études dans les années 70 ont démontré que les vertébrés contiennent bien l’information génétique nécessaire à la production d’un virus tumoral non exprimé dans leurs cellules. Cette information, qui fait partie de la constitution génétique des vertébrés depuis le début de l’évolution, peut persister pendant des centaines de générations en culture cellulaire sans production manifeste de virus. Ces études montrent que les virogènes endogènes et les oncogènes sont maintenus sous une forme non exprimée par des répresseurs dans les cellules normales. Ce qui peut transformer les cellules en « activant » l’information oncogène endogène, c’est l’interaction avec divers agents venus de l’extérieur (rayonnement, agents cancérigènes chimiques ou virus ajoutés de manière exogène [4]. Depuis, les publications les plus récentes concernant le rôle des virus n’ont apporté aucun éléments nouveaux, ni dans le diagnostic, ni dans le traitement.
Le dogme génétique
Autre piste, le génome a été largement pointé par la recherche comme explication du cancer. Le cancer est-il pour autant inscrit dans les gènes ? Oui, et non. Oui, car le signal du cancer est dans les gènes. Mais nous pourrions ajouter : comme pour toutes les autres maladies !
Selon le cancérologue Laurent Schwartz, le facteur génétique intervient bien dans le cancer, mais plus en tant que conséquence d’un chaos provoqué qu’en tant que cause. Aujourd’hui, l’analyse du génome permet de savoir si nous sommes porteurs d’un gène anormal. C’est une avancée scientifique extraordinaire, mais qui reste à manier avec prudence. Les progrès de la génétique permettent par exemple de repérer une tare héréditaire pouvant conduire à un cancer chez un fœtus. Cet examen donnant alors aux parents la possibilité de planifier un avortement thérapeutique, on perçoit combien la génétique est un sujet sensible, éthique, et qui peut diviser. Impossible de faire l’économie d’une réflexion ouverte sur un tel sujet ! Car le dogme imposé du « tout génétique », sans mise en perspective est aussi faux que dangereux. Il fait notamment courir le risque de comportements extrémistes et irréparables, comme nous allons le découvrir. Statistiquement, nous savons qu’une femme sur 500 est porteuse d’une prédisposition génétique au cancer du sein et/ou des ovaires, due à une altération des gènes BRCA1 et BRCA2. Suivant une logique exclusivement génétique, certains médecins ont donc conseillé une mammectomie aux femmes porteuses de ces gènes, dans le but de prévenir le développement du cancer du sein. L’actrice Angelina Jolie a fait ce choix, et l’histoire de sa double opération à fait le tour de la planète. Décision radicale, d’autant plus quand on sait que les théories en médecine suivent des cycles, comme la mode, et que la vérité d’aujourd’hui risque fort d’être considérée comme une erreur demain. Et en effet, c’est bien ce qui est en train de se passer : l’option irréversible de l’ablation mammaire est de moins en moins valorisée aujourd’hui, notamment grâce aux travaux de plusieurs épidémiologistes de l’University Rochester Medical Center de New York. L’histoire de leur découverte est tout à fait instructive. Mais avant d’aborder leur étude, il faut ouvrir une parenthèse sur le support qu’ils ont utilisé : la Women’s Health Initiative (WHI), une des plus grandes études américaines sur la santé des femmes, s’étalant sur plusieurs dizaines d’années.
Cette étude évaluait entre autres les bienfaits du traitement substitutif de la ménopause, autrement dit la supplémentation en hormones dès lors qu’elles ne sont plus produites naturellement. Il se trouve que le Data and Safety Monitoring Board de la WHI a demandé l’arrêt du traitement substitutif de la ménopause au bout de cinq ans seulement, lorsqu’il est devenu clair que le groupe de femmes prenant les hormones avaient un risque accru de développer un cancer du sein ou des ovaires. La parenthèse refermée, revenons à notre sujet. Cette grande étude, de par sa taille et sa durée, a constitué une mine d’informations précieuses pour nos épidémiologistes : l’équipe du Rochester Medical Center a pu montrer, sur la base des données de la WHI et contre toute attente, une incidence de cancer identique dans le groupe des femmes prenant le traitement hormonal, quelle que soit leur prédisposition génétique. Leur conclusion est d’une grande importance : il faut comprendre que les particularités génétiques n’ont pas eu d’impact sur la cancérogenèse, à la différence des hormones, qui ont joué le rôle d’élément déclenchant, alors même qu’ils étaient extérieurs aux gènes.
Le contrepoids de l’épigénétique
Ainsi la génétique est une mauvaise piste. La plupart des cancers en effet ne sont pas héréditaires, et lorsque l’on analyse le génome des cellules cancéreuses, il existe des milliers de gènes dont l’expression est anormale : impossible de les rectifier un par un ! La vision déterministe imposée par la génétique depuis un siècle montre ici ses limites. Aujourd’hui, des approches plus systémiques, dans la même veine que l’étude mentionnée ci-dessus, voient le jour. L’épigénétique notamment, postule que pour qu’un gène s’exprime, il faut que les conditions extérieures à la cellule le permettent. Cela peut être de l’air, de l’eau, la nourriture que nous ingérons, les toxines auxquels nous sommes exposés, les molécules de synthèse, et plus largement notre mode de vie. L’épigénétique permet de sortir du modèle étroit, très conditionnant de la génétique. Saluons ce rebondissement épistémologique majeur, qui signe un changement de paradigme important, en redonnant à l’homme les possibilités d’action sur sa propre vie.
Continuons notre tour d’horizon. Bien avant l’époque quasi totalitariste de la génétique, comme explication du cancer, d’autres théories avaient vu le jour, notamment inflammatoire et métabolique.
La théorie de l’inflammation
Considéré comme le « père de la pathologie moderne », Rudolf Virchow a suggéré le lien entre inflammation et cancer dès le XIXe siècle, en observant un infiltrat de leucocytes dans les tumeurs. Et en effet, l’épidémiologie montre que l’inflammation et la réponse immunitaire ont une action sur le cancer. À l’inverse, on sait aussi que les produits cancérigènes sont tous toxiques et inflammatoires. Donc, un organe subissant une inflammation chronique cancérise d’autant plus facilement, comme dans le cas bien connu de la cirrhose de l’alcoolique ou de la bronchite du fumeur. Les hygiénistes d’antan définissaient l’inflammation par la formule « Rubor, Tumor, Calor, Dolor », formule empruntée à l’alchimiste suisse Paracelse, qui avait été le premier à décrire les signes cardinaux de l’inflammation. Rien n’a changé : le tissu inflammé est toujours rouge, gonflé de lymphe, chaud et douloureux. D’autre part, si de nombreuses maladies inflammatoires chroniques augmentent le risque de développement de certains cancers comme nous venons de le voir, un système immunitaire déficient peut prédisposer lui aussi à un sous-ensemble différent de cancers, comme dans l’exemple classique du SIDA.
Aujourd’hui, des travaux récents démontrent la même chose : il y a toujours une cellule inflammatoire infiltrée dans le cadre d’une tumeur complexe. Quelles que soient les innombrables causes de l’agression des tissus, cette réaction du corps entraîne la lésion des vaisseaux sanguins et le déversement des protéines dans le tissu. En temps normal, le corps sait très bien gérer cette inflammation : les vaisseaux se colmatent et la situation revient à la normale. Mais lorsque l’inflammation se prolonge et devient chronique, il y aura une forme d’accoutumance des cellules au surplus de nourriture que représentent les protéines issues des vaisseaux lésés. L’oxygène se diffusant mal à travers l’œdème inflammatoire, la mitochondrie s’asphyxiera d’autant plus, baissant le rendement énergétique. Cette nouvelle condition bouleverse l’environnement des cellules, jusqu’à modifier son patrimoine génétique. Une étude de Balkwill et Mantovani [5] en 2001 suggère que les cellules inflammatoires et les cytokines trouvées dans les tumeurs sont plus susceptibles de contribuer à la croissance, à la progression et à l’immunosuppression des tumeurs que de monter une réponse antitumorale efficace. La métaphore utilisée est parlante : si les dommages génétiques allument le feu du cancer, certains types d’inflammation peuvent fournir le carburant qui alimente les flammes. Les auteurs suggèrent en conclusion d’étudier le blocage des cytokines et l’usage des médicaments anti-inflammatoires non stéroïdiens, tant en chimioprévention que pour le traitement des maladies malignes. Ainsi, l’inflammation et le système immunitaire pourrait être ciblés dans les traitements contre le cancer, comme pour la prévention.
Il reste que dans tous les cas, la réponse du corps à un cancer a de nombreux parallèles avec l’inflammation et la guérison des plaies, ce que n’ont pas manqué de relever certains chercheurs novateurs, comme nous le verrons plus loin.
La théorie de Warburg (1924)
Otto Warburg explore dès les années 20 la piste métabolique, par la suite mise de côté pour longtemps, avant que de courageux et atypiques oncologues, ne le réintroduise aujourd’hui presque dans le secret. Pour bien comprendre cette approche métabolique, un petit rappel de biologie élémentaire s’impose. La cellule, c’est-à-dire la plus petite unité fonctionnelle du corps, puise son énergie de la production en son sein d’adénosine triphosphate (ATP), sorte de carburant cellulaire. Dans les cellules normales, cette production dépend de l’oxydation des sucres par une longue chaîne d’enzymes connue sous le nom de cycle de Krebs, et situé au cœur des mitochondries. Les mitochondries ont été comparées à un mini poumon cellulaire, qui fournit à la cellule l’énergie dont elle a besoin. Ce qu’il faut savoir, c’est que la mitochondrie de la cellule cancéreuse fonctionne mal, ce qui a pour effet de l’asphyxier. Or, les mitochondries ne pouvant pas fournir autant d’énergie que la cellule cancéreuse, en perpétuelle division, lui réclame, vont mettre en place un plan B. Les mitochondries vont alors user d’un circuit court de production d’ATP par « fermentation du sucre » et non plus par oxydation. Mais, le rendement de cette fermentation étant bien moindre, la cellule cancéreuse va se ruer sur le sucre, autant qu’elle le pourra. C’est ce qui a fait écrire en 1924 à Otto Warburg :
« Le cancer, comme toutes les maladies, a d’innombrables causes secondaires, mais il n’y a qu’une cause primaire : le remplacement de la respiration de l’oxygène dans les cellules normales de l’organisme par la fermentation du sucre ».
Bien que la cancérologie officielle actuelle dénigre l’aspect métabolique du cancer, cette affinité de la cellule cancéreuse pour le sucre est utilisée tous les jours, à travers le PET Scan qui injecte du glucose radioactif pour visualiser les métastases. Comme si cette application technique du métabolisme perturbé de la cellule cancéreuse était hors contexte !
Mais cette réalité métabolique étant indiscutable, elle refait régulièrement surface. En 1956 dans Science tout d’abord, la théorie de Warburg était revisitée par Richard Smith. Puis, en 2010, Seyfried Th & Laura Shella reprennent le flambeau. Ils soulignent que :
« Des évidences émergentes indiquent que les perturbations métaboliques sont la caractéristique essentielle de pratiquement tout les cancers, quelles que soient leurs origines tissulaires. Le cancer est fondamentalement une maladie métabolique. En dépit des efforts de la recherche, les stratégies de management des métastases ont pratiquement les mêmes défis posés par la théorie métabolique, il y a 40 ans. » [6]
Puis à nouveau un an plus tard, Elsevier, R. Diaz Ruiz et Den Rigoulet reviennent à la charge [7] et nous apprennent que :
« Il est crucial de comprendre le mécanisme par lequel on peut réguler son énergie métabolique de manière réversible. »
Ainsi, soit dit en passant : en 2011, 87 ans après que Warburg ait posé sa théorie, on ne savait toujours rien sur un élément crucial ! 10 000 000 publications pour n’avoir fait qu’un immense rond dans l’eau en somme...
Toujours en 2011, Segfried TH et RE Flores écrivent à nouveau que le cancer est une maladie métabolique, et ils prévoient son implication pour de nouveaux traitements. Seyfried encore soulignait la confusion, voire l’obscurité, entourant l’origine du cancer [8]. L’auteur, incapable d’échapper au traditionnel couplet patriotique, nous promettait que les dix ans à venir produiraient un catalogue de nouvelles molécules. Très bien, mais où sont-elles donc ?
Et plus récemment encore, en 2011 dans Science Direct [9], on apprend que la dernière décennie a été témoin de la renaissance de l’hypothèse fondamentale d’Otto Warburg, ainsi que de celle du prix Nobel Albert Szent-Györgyi, chercheur génial dont il est temps de présenter les découvertes.
Albert Szent-Györgyi (1971)
Vers la fin de sa vie, Albert Szent-Györgyi (ASG) se consacre aux radicaux libres comme cause potentielle de cancer. Il voit dans le cancer un problème électronique au niveau moléculaire.
« Le charme de la biologie est dans les subtilités merveilleuses de ses réactions et je ne pourrais jamais croire qu’elles peuvent être apportées par des macromolécules maladroites sans la participation de molécules beaucoup plus petites et unités sensibles qui ne peuvent pas être autre chose que des électrons délocalisés et peu réactifs. Le fait qu’il y avait un fossé important dans notre connaissance de base, que toute nos perspectives sur la vie pouvait être défectueuses m’étaient suggéré par la stagnation complète de le recherche ». [10]
Il distingue deux états dans l’organisation biologique : l’état de la cellule embryonnaire, et l’état de la cellule différenciée. La forme la plus simple de la vie, celles des cellules embryonnaires, doit proliférer aussi vite que possible. ASG nomme cet état, l’état α. Cette étape est marquée par la fermentation et la prolifération. L’état alpha est favorisé par l’absence de structure et la simplicité du modèle. L’état β est celui de la différentiation et l’apparition de structures complexes, notion que G. Whiteside explicite très bien par la métaphore suivante :
« Le plus petit mycoplasme est incommensurablement plus complexe que n’importe quelle réaction chimique en réseau, que l’on pourrait fabriquer en laboratoire avec une technologie actuelle ». [11]
Autrement dit, la structure complexe « naturelle » ne se laisse pas imiter si facilement. Petite remarque : nous sommes ici en plein hylémorphisme, cette philosophie développée par Aristote qui considère que tout être est composé de manière indissociable d’une matière et d’une forme. Ce qu’il faut retenir, c’est que l’état α est naturellement incompatible avec l’élaboration de structures complexes. Pour y accéder, un ordre doit être donné pour bloquer l’état α. Mais le développement, lui, reste tributaire de la multiplication cellulaire, processus à la fois complexe et mystérieux. Pour se faire, la cellule doit démonter ses structures. D’abord le noyau dont la membrane se dissout, la chromatine se condensant en un petit nombre de chromosomes. Puis les mitochondries, usines productrices de l’énergie cellulaire, sont dissoutes à leur tour : elles aussi doivent être démontées. Comprenez bien le mécanisme : dans ces conditions, pour obtenir l’énergie nécessaire, la cellule devient beaucoup plus dépendante du processus de fermentation. Ensuite, une fois la cellule divisée, elle doit retrouver le chemin de retour vers l’état β, ce chemin dépendant de l’oxygène, reconstruire ses structures et ses chaînes de transports d’électrons.
Conclusion : si la voie de retour est perturbée ou inaccessible, ou rendue instable par quelques facteurs externes, alors la cellule n’a plus comme destin que de persister dans l’état α et la tumeur se développe.
L’exemple parlant de la réparation des fractures
Nous avons évoqué plus haut le parallèle entre le processus de cancérisation et celui de la guérison des plaies. La description par R. O. Becker du mécanisme de réparation d’une fracture osseuse illustre très bien la réalité de ce phénomène. Il est tiré de The body electric de Robert Becker [12], livre malheureusement non traduit en français. Voyons cela de plus près.
Chaque os est enveloppé d’une couche épaisse de collagène, ingrédient majeur de l’os et des tissus conjonctifs, ce qui maintient la cohésion de l’organisme associé aux cellules qui la fabriquent. Ces deux enveloppes forment le périoste. Lors de la fracture, les cellules du périoste commencent leur délicat processus de réparation. Pendant qu’une des cellules filles reste à sa place, l’autre migre vers le caillot sanguin entourant la fracture et se transforme en ostéoblaste, c’est-à-dire en cellule chargée de fabriquer de l’os. Ces nouvelles cellules construisent un renflement annulaire d’os nommé « cal », autour de la fracture. Simultanément un nouveau tissu non spécialisé se forme dans la cavité médullaire, comme si du béton commençait à s’accumuler sur un chantier. Ce tissu se forme par un retour à l’état embryonnaire, le fameux état α. Les cellules se transforment alors successivement en cellules cartilagineuses primitives, puis matures, et enfin en cellules osseuses, assurant la réparation par l’intérieur. Ici, un point crucial est à considérer. Sous un microscope, le changement observé des cellules internes, particulièrement chez l’enfant, une semaine ou deux après la fracture, semble incroyablement chaotique et apparaît affreusement similaire à un cancer osseux, extrêmement malin. Mais heureusement, dans l’immense majorité des cas, leurs transformations sont contrôlées et l’os guérit. Une question se pose alors : qui ou quoi, dans notre corps, contrôle ce phénomène incroyable ? Qui l’a étudié, « seulement » étudié ? Notons que ce processus est analogue à la régénération tissulaire telle que décrite par le Dr Marshall Urist en 1960.
À contre-courant de la doxa, Becker estimait que le cancer n’était pas génétique [13] mais qu’il s’agissait en réalité d’une erreur typographique dans le chapitre des acides aminés. Pour lui, la cellule cancéreuse provient toujours d’une cellule normale. Les cellules cancéreuses sont plus primitives que leurs précurseurs sains. Plus une cellule est simple, plus vite elle croît et plus elle est difficile à traiter. En revanche, les cellules plus proches du tissu d’origine sont moins malignes.
En définitive, les cellules malignes se définissent par :
Leur vitesse de croissance ;
Leur débordement (les cellules cancéreuses ne respectent pas les frontières comme le feraient les cellules normales. Bien au contraire, elles empiètent de manière impérialiste sur leurs voisines) ;
Leur priorité métabolique (elles s’approprient le meilleur des micronutriments. L’hôte est ravagé et meurt).
Arrivés à cette étape, soulignons qu’il s’agit des trois mêmes caractéristiques normales de la croissance embryonnaire et de la régénération. On retrouve bien les phénomènes de simplicité cellulaire, de vitesse du métabolisme et de priorités métaboliques, à cette différence fondamentale qu’ils se passent ici en l’absence de tout contrôle.
Poursuivons ce passionnant mais fort déprimant voyage sur la route des occasions manquées et des méconnaissances catastrophiques. Il s’agit maintenant de l’extraordinaire expérience de Meryl Rose.
Ramener une cellule cancéreuse à un fonctionnement normal
L’idée générale du docteur S. Meryl Rose est que la cellule embryologique, fonctionnant partiellement en anoxie, peut revenir à l’état normal. En 1948, il décide d’élucider la question suivante : l’environnement biologique d’un membre de salamandre en cours de régénération pourrait-il contrôler les cellules primitives cancéreuses comme il le fait pour le blastème ? Pour répondre à cette question, il transplanta des morceaux de tumeur rénale cancéreuse banale chez la grenouille. Il la transplanta sur le membre de la salamandre. L’expérience tua rapidement les animaux en l’absence de tout contrôle.
Cependant, et soyez très attentifs à ce qui suit, lorsque Rose amputa le membre juste en dessous ou à travers la tumeur maligne, la régénération normale se déroula et les cellules cancéreuse se dédifférencièrent complètement en même temps que le blastème. Oui, vous avez bien lu : Rose a réussi à normaliser les cellules cancéreuses ! Encore plus incroyable, les cellules de la grenouille se distinguaient facilement de celles de la salamandre par leurs petits noyaux, mais les études microscopiques montrèrent un mélange entre les muscles de la salamandre et de la grenouille ! On obtient la même chose pour les cellules de cartilages, etc. [14]. L’hypothèse de Rose, prouvée par son expérience, est une révolution : le système de guidance de la régénération pourrait bien aussi contrôler le cancer. Cela implique que les cellules cancéreuses n’étaient pas « spéciales » mais seulement des cellules embryonnaires dans un corps post-embryonnaire.
Le travail de Rose mena directement à la théorie du suisse G. Andres quelques années après, théorie qui éclaire ces phénomènes. Andres démontre en synthèse que l’embryon est un organisme complet qui n’a rien avoir avec les mécanismes adultes, et dont le contrôle sur ses propres cellules lui est totalement personnel. Pour arriver à cette conclusion, G. Andres a implanté des cellules cancéreuses de grenouilles dans les tissus d’une grenouille adulte. Si la greffe n’est pas rejetée, les cellules de la grenouille adulte dégénèrent et donnent une tumeur métastatique hautement maligne. L’auteur propose la théorie suivante qui reste totalement d’actualité et extrêmement provocante : une cellule normale devient cancéreuse par dédifférenciation. Ce changement n’est pas dangereux en soi, mais, se produisant chez un animal post-fœtal, le contrôle chargé de maintenir l’ordre chez ces cellules néo-embryonnaire n’est tout simplement pas fonctionnel.
Malheureusement, la biologie était encore fermement tenue par l’ « anti-dédifférenciationisme », et cette idée a été à moitié ridiculisée et à moitié ignorée. Cette fermeture a malheureusement fait retourner en arrière la recherche contre le cancer pendant des décennies, à cause du dogme implicite que la carcinogenèse, comme la différenciation, était irréversible. Comme Robert Becker l’écrit, paraphrasant la devise du corps des Marines : « Once a cancer cell, always a cancer cell ! ».
Les conséquences sont de taille : la seule possibilité de traitement était alors d’enlever la tumeur ou de la détruire par chimiothérapie ou radiothérapie. Avec plusieurs obstacles infranchissables. Premièrement, la chirurgie ne marche seulement que contre des tumeurs qui ne se sont pas encore étendues. Et la chimiothérapie ainsi que la radiothérapie produisent des dommages, des effets secondaires, parmi les cellules normales également. C’est ce qui a fait écrire à Becker :
« Dans notre guerre contre le cancer, on s’est embourbés nous même dans une sorte de syndrome du Viêt Nam. Pour détruire nos ennemis, on est en train de tuer nos amis. » [15]
Ainsi se termine la triste histoire des découvertes majeures de deux découvreurs de génie, Sentz Györgyi et Meryl Rose, que personne ne connaît aujourd’hui. Pourtant auteur et co-auteur de plus de cinquante publications, dont certaines en collaboration avec son épouse Florence, Meryl Rose est cité 31 fois seulement dans toute la littérature scientifique depuis 1931 ! Quel chercheur a fait mieux depuis ?
Conclusion
Pour clore notre tour d’horizon, il reste à présenter une publication exceptionnelle dans son retentissement, puisque citée près de 30 000 fois. Douglas Hanahan et Robert Weinberg nous permettent de faire le bilan de nos connaissances actuelles sur le cancer [16]. En définitive, les caractéristiques du cancer se limitent à six capacités biologiques qui s’acquièrent au cours du développement de la tumeur, et constituent un principe d’organisation. Les voici :
Le maintien de la signalisation proliférative ;
L’évitement des suppresseurs de croissance ;
La résistance à la mort cellulaire (apoptose) ;
L’activation de l’immortalité réplicative ;
L’induction de l’angiogenèse ;
L’activation de l’invasion et de la métastase.
Sous-jacent à ces six phénomènes, on retrouve une instabilité génomique et de l’inflammation. Indépendamment de la qualité de l’article, la conclusion à tirer est que la somme de ce que nous savons aujourd’hui sur le cancer se concentre en six caractéristiques : cela tient sur une carte de visite ! Ainsi, nous devons bien admettre l’état de la recherche sur le cancer aujourd’hui : malgré la somme des budgets alloués et les publications nombreuses, nous sommes toujours totalement ignorants sur le sujet. Notre ignorance débute d’ailleurs très tôt, avec notre incapacité à définir le cancer. Le problème, simple en apparence, est conceptuellement indépassable aujourd’hui. R. Virchow, le père de la pathologie cellulaire, faisait déjà remarquer au XIXème siècle que personne, pas même sous la torture, ne serait en mesure de définir le cancer ! Les changements de siècles n’ont malheureusement nullement changé les conclusions de Virchow.
Quant à L. Fould, autre cancérologue britannique, il proclamait de son côté que définir le cancer en terme biologique serait un événement qui ferait certainement date dans le domaine de la recherche. Albert Szent Györgyi enfonçait le clou avec cette question lancée lors d’un symposium :
« Comment puis-je différencier une cellule normale d’une cellule cancéreuse quand je ne sais pas ce qu’est une cellule normale ? ».
Laissons le dernier mot Sir Mac Farlane Burnett :
« S’il l’on pouvait faire une étude complète et impartiale des résultats de la recherche sur le cancer, je crois que l’on finirait sa tâche avec une impression de futilité dévastatrice. Nous devons faire face à la réalité, que les résultats pratiques des centaines de milliers d’années de travail sur le mécanisme de la carcinogenèse chimique, la signification du virus carcinogène, le contrôle de la morphogenèse et l’aspect immunologique du cancer sont précisément nuls. »
Déclarer la guerre au cancer, revient à déclarer la guerre à la grêle ! Honnêtement, quelles sont nos chances ? La meilleure façon de guérir du cancer étant de ne pas tomber malade, il serait temps de se concentrer sur la prévention. C’est ce que nous aborderons dans notre troisième partie, qui sera l’occasion de parler, entre autres, des travaux d’André Gernez.