Les journalistes du Nouveau Marianne, issus de la gauche, donc théoriquement descendants du communisme, devraient connaître la sentence de Lénine : le capitaliste vendrait la corde qui servira à le pendre. Le rapport avec Kahn Hebdo ? Les cinq pages consacrées à E&R et Alain Soral dans le numéro du 17 octobre (53ème anniversaire de la manif FLN réprimée à Paris). Pour l’hebdomadaire, qui a perdu un lecteur sur sept entre 2012 et 2013, il faut vendre. Et Soral, c’est vendeur.
Voici donc le énième sujet sur lui, où l’on n’apprend rien, même si on nous épargne le coup de la Bête Immonde des Temps Obscurs (BITO ?), qui fait désormais rire les maternelles. La dernière technique de la dominance, c’est séparer le corps de la tête : démobiliser les militants en évoquant une possible arnaque commerciale de Soral, qui manipulerait des imbéciles pour se faire du fric. Pourquoi pas ? Tous les journaux font pareil, et on voit où ça les a menés : Jean-François Kahn est revenu tailler dans les salaires des trop nombreux directeurs du titre. Mais reprenons l’article depuis le début.
Pour ce qui est de l’intro, rien ne dépareille des confrères : fond noir, du « inquiétants » en énorme en guise de titre, on est bien dans la presse de gauche qui fait trembler ses lecteurs, à défaut de les informer. Jusque-là, rien que du très classique, qui fait bailler les « bataillons » que nous sommes censés être. Dès le chapeau, on note une petite erreur, quand on annonce un Soral « égérie de l’extrême droite ». D’abord, égérie c’est pour une gonzesse, terme qui a été plongé dans toutes les sauces, par exemple Marianne est l’égérie de la gauche sioniste, ou Nabilla est l’égérie de la médiocrité médiatique. Comme quoi, on peut aussi prendre des exemples non antisémites.
Venons-en à « l’extrême droite ». Ici, à E&R, on se regarde, interloqués. Où ça, les mecs d’extrême droite ? Toi ? Non. Alors toi ? Ben non. Toi ? Lâche-moi avec tes étiquettes, bouffon.
Bon, visiblement, personne n’en veut, et dans l’écrasante majorité des cas par esprit de précision et honnêteté intellectuelle, pas du tout par peur de paraître facho à cause de l’éternel amalgame Collaboration – Déportation - Shoah. Car les gens qui sont chez E&R n’ont pas peur. Ils sont passés à l’action, par le fait de penser différemment, afin d’accéder à une compréhension du monde (soyons ambitieux) qui ne soit pas celle des poulets de batterie qui mangent du Marianne chaque semaine. Eh oui, si la Nouvelle Marianne avait raison, pourquoi perdrait-elle ses lecteurs ; et si E&R déconnait, pourquoi en gagnerait-on ? La fascination du Mal ? Où ça ? On a fait du mal à qui, à part se moquer du faux journaliste mais vrai antifrançais Haziza et dénoncer l’inconnue politique BHL ? On n’a tué personne, nous, on n’a pas bombardé de civils à Gaza, et on ne se réclame pas de ce gouvernement grandisraélien d’extrême droite réelle, raciste, fasciste, guerrière, dangereuse pour tous les équilibres. Géopolitiques et psychiques.
Un journaliste sérieux, qui aurait floqué « enquête » sur son papier, aurait dû comprendre ça d’emblée. Sinon retirer « enquête » et mettre « romanquête », qui est plus juste, et ne prend pas le lecteur pour une buse. Pourquoi croyez-vous qu’il s’enfuit, quand il doit avaler des illogismes, pour ne pas dire absurdités ? Mince alors, nous voilà à donner des leçons de déontologie à de grands journalistes, tous directeurs ou rédacteurs en chef, de vrais maréchaux soviétiques, c’est le monde à l’envers.
Une enquête, c’est fait pour déterrer des vérités, (bien) défendues, interdites. Des pièces du puzzle cachées, explicatives, qui, une fois placées, font lumière.
Poursuivons notre progression chronologique. Cela sera plus simple pour les curieux qui n’ont pas acheté le newsmagazine. La principale et première critique apparaît à la deuxième page de l’article : la personnalisation du mouvement, la soralisation de l’idéal de départ, qu’on rappelle ici, gauche du travail, droite des valeurs, qui a par ailleurs été captée par le FN et qui explique en partie son succès actuel. Ou celui de Zemmour, qui pille notre argumentaire pour vendre des livres et choquer le bourgeois de gauche en plateau. Petit furet coquin, si on t’attrape… on te met dans une petite cage ! Ha ha ha, vous voyez, les mariannistes, on a de l’humour et on n’est pas des nazis, sinon on aurait brûlé Zemmour dans une fosse après l’avoir abattu d’une balle dans la nuque ! Même si les nazis ont quelque peu plagié la méthode NKVD, mais c’est une autre Histoire…
Nous ne résistons pas à un bon mot qui a échappé à Marianne, un peu à la peine : Égalité & Soralisation, qui est le sens du papier, aurait fait un excellent « inter » (titre intermédiaire). Parallèlement, et avec une honnêteté qui doit lui arracher la tête, notre confrère (eh oui) note que le site E&R est devant les pure players cités par tout le monde, repris partout, avec plein d’invités en promo sur tous les plateaux, et des paquets de subventions, oui mais voilà, on est devant. Au lieu de chercher à savoir pourquoi (on sait jamais, Soral dit peut-être la vérité, éventuellement par accident), on va s’interroger sur les « bataillons de fans ». Autrement dit, la clé de ce succès, indéniable, et là Marianne se démarque de ses confrères qui mentent de manière primitive et infantile, est à trouver dans l’étrange bigarrure de ses fans. Soit. Soral est peut-être tout simplement le produit d’une mutation sociologique dans laquelle il n’est pour rien. Why not ?
Malheureusement, les salopards de militants approchés refusent de participer à « un article à charge ». Comment peuvent-ils seulement dire une chose pareille, s’ils n’ont pas essayé ? Là, c’est nous-mêmes qui donnons un mauvais points à ces pleutres. Le mouvement saura les châtier. Nous allons rouvrir une fosse, elle fume encore.
Devant cette porte fermée, au lieu de faire l’excitant boulot d’enquêteur, c’est-à-dire trouver un moyen de contourner le mur (par exemple une bonne choucroute arrosée de Riesling pour délier les langues), le gars se contente de taper dans « les sympathisants », qui eux, n’ont pas de souci de parole (les autres doivent être terrorisés par le gourou, il faudrait à ce propos jeter un œil sur les statistiques de disparitions inexpliquées de militants E&R).
La suite montre que ce groupe est « hétérogène », c’est-à-dire que c’est un peu n’importe quoi, comme le disait Ariel Wizman, envoyé spécial pour la première fois de sa vie, sur la manif Jour de Colère. Julien, premier sympathisant interrogé, s’en sort plutôt bien, même s’il est un « grand gaillard au crâne rasé », et ça, ça peut faire peur à un petit gros frisé de Marianne (on déconne, bon sang). Après Julien, qui sent dangereusement le skin - il lit le terrifiant Ryssen - on passe à Mehdi, donc arabe… mais c’est pas écrit, Marianne a d’incompréhensibles pudeurs avec les diversitaires.
À l’inverse de Julien, Mehdi est coquet, un bon point pour E&R mais un mauvais pour Marianne et le Pouvoir, car qu’est-ce qu’un mec équilibré avec un bon job fout chez E&R, du moins à la périphérie de E&R ? D’autant qu’il y a même des polytechniciens, carrément l’élite de la nation (là on n’est plus dans le lumpen-prolétariat skin ou arabe), qui se chicorent autour de la pensée soralienne ! Madre de dios !
Pire, Marianne a déniché un artiste juif dans le tas ! Quel foutoir ! Heureusement, on apprend que cette âme perdue a « levé le pied » quand le sionisme a été un peu trop embêté sur le site. Rappelons à Samuel, s’il existe (parce que avec ces enquêtes qui n’en ont que le nom, on est en droit de se méfier), qu’aucun juif n’a été torturé par les sections d’assaut de E&R (disons ERSS, c’est vendeur), que ce n’est pas inscrit dans les statuts, et qu’on a autre chose à faire. Alors oui, ne nous voilons pas la face, il est question de sionisme, mais parce que le sionisme est au pouvoir, on n’a rien contre le sionisme au départ ! Le sionisme, s’il était détaché du pouvoir, on s’en foutrait complètement, mais là, il fait corps, en quelque sorte. Tu tires sur l’un, y a l’autre qui vient. Comme un couple amoureux. C’est un fait.
Après cette revue de troupes sommaire, on en revient toujours au noeud gordien : le journal se pose entre les lignes (on le fait pour lui) la question de savoir pourquoi l’antisionisme a tant de succès, mais la réponse ne vient jamais. Soral, qui symbolise cette question à son corps défendant et, avouons-le, offensif, écrit dans son dernier ouvrage : « Je combats le suprémacisme juif, comme l’ont fait des dizaines et des dizaines d’esprits éclairés dans l’histoire avant moi. » Marianne, en bon médecin des âmes noires, juge que c’est « un combat, ou plutôt une obsession, qui infuse l’esprit de ceux qui l’écoutent ».
Comme si Soral n’était pas l’obsession du pouvoir actuel : tout le monde se souvient du visage empourpré du ministre de l’Intérieur qui menaçait d’exploser en évoquant le nom du polémiste, ses veines du cou gonflant dangereusement ! Philippot lui avait gentiment demandé de prendre des vacances, lors de l’émission Des paroles et des actes, diffusée sur France 2 le 6 février 2014.
On essaye d’expliquer le succès du soralisme par mille raisons négatives (car cela ne peut fondamentalement pas être de bonnes raisons), parce qu’on refuse de chercher les raisons profondes de l’antisionisme, ou du non-sionisme, ce qui serait le simple bon sens pour tout Français, républicain, attaché à son pays. Soral sert à la fois de bouc émissaire et de dernier écran pour le système.
Le soralisme a aussi des conséquences inattendues : en banlieue, dans les classes, les lycéens commencent à discuter les cours. Où va-t-on si les petits Français d’origines diverse (nés au Diverseland) commencent à dire que le 11 septembre, c’est du flanc ! Mais où on va, là ? Quant à la Shoah, c’est carrément pas possible.
- Pour info, Slate est 227e, Morandini 235e, Mediapart 250e, Atlantico 289e, Les Inrocks 363e.
L’explication sociopolitique du succès de Soral vient enfin, en dernière page : « L’influence de Soral est inversement proportionnelle à l’échec des élites. » Soit une raison entièrement négative, comme si on ramassait les marrons tombés par terre. Non, les gens, les jeunes, les vieux, les femmes, les désintoxiqués de l’information ne s’attrapent pas avec des mouches, et ne s’attrapent pas non plus parce qu’ils seraient uniquement dégoûtés de l’information dominante. C’est même d’autant plus dur à réapprivoiser, un traumatisé de l’info, un trauma de la propagande. Ainsi, on mesure le mérite, non seulement de conserver des lecteurs, dans un contexte de guerre informationnelle déséquilibrée, mais d’en gagner. Nous réfutons en conséquence la raison « en creux », pour avancer un développement bêtement positif : les gens sont séduits, séduits par la clarté intellectuelle et la cohérence. Si l’on a tort, qu’on nous explique pourquoi les déçus de la propagande ne finissent pas par trains entiers chez Mediapart ou Atlantico, par exemple, qui ont des moyens surdéveloppés par rapport aux nôtres : argent privé, argent public, TVA qui saute, relais dans l’audiovisuel, informations privilégiées ?
La solution finale, pardon, l’explication finale est apportée par un « ancien compagnon », non cité : Soral serait un « charlatan » (soulagement), mais un « charlatan efficace » (contrariété).
L’enquête, elle, se termine sur Maxime, qui commente sans les rejeter le complotisme et le révisionnisme. L’horreur, c’est que Maxime ne culpabilise pas. Tu parles d’un boulot : des dizaines de milliers de magazines, des dizaines de millions de quotidiens, des centaines de milliers d’heures de télé et de radio, des milliards d’euros engloutis pour que Maxime, 24 ans, ne croie pas aux versions officielles !?!
Et si on faisait rembourser aux dissidents les masses d’argent investies à perte sur leur personne ? Eh ouais, on a misé des tonnes-équivalent-euro en journalisme de matraquage sur Maxime, et ce con n’a rien gobé ! On se croirait dans Vol au-dessus d’un nid de coucous version France, quand un mec refuse de gober ces putain de médocs qui défoncent le crâne. Au fait, qu’est-ce qu’on a à parler de coucous ?
Pour Mathias Destal – que son Nom soit loué par les Dieux de la Déontologie mythologique – au final, tout est une histoire de fric et d’arnaque, d’arnaqueur et d’arnaqués, de crétins et de malin. Ce qui est rassurant sur l’hitlérisme qu’on nous prête, mine de rien. E&R ne serait qu’une vaste escroquerie, où les militants se feraient enfler, pour enfler les poches de Soral, à coups de tee-shirts « Goy » à 20€ ou de séjours enseignant « l’autonomie en milieu rural isolé » à 190€.
Soral, matant de loin la guerre civile par ses soins déclenchée, se reposera en ricanant sur son île, comme le tycoon Filipacchi, entre deux roteuses et trois suceuses. A propos, ce salopard de Soral, il serait pas juif ? Soral, Sorel, Sokal… Fouillons dans sa généalogie, mesurons son nez… Ah ah ah, excuse-nous Mathias, la vanne est partie toute seule. C’est ça les idiots : ça réfléchit pas plus loin que le bout de leur petit nez.