Les deux explosions du marathon de Boston ont suscité dès le premier jour beaucoup de commentaires sur divers sites Internet et forums de discussion. Un certain nombre d’internautes, reconvertis en journalistes ou même en enquêteurs, ont relayé énormément d’« informations », dont certaines ont contredit l’enquête des autorités. Les médias maintream, avides d’une narration émotive et partisane, ont eu également le plus grand mal à dessiner pour leur public des pistes explicatives qui ne relèvent pas de la pure spéculation ; ils furent peu aidés dans leur tâche par des enquêteurs officiels avares de révélations. Au final, la piste de « l’État profond » reste plus que jamais ouverte. Retour sur les deux premières semaines d’un storytelling cahotique.
Lundi 15 avril
Le lundi 15 avril, à 14 h 49 [1], alors que le chronomètre du marathon de Boston indique 4 h 09 min 43 s de course, une bombe explose dans la foule de spectateurs massés à quelques mètres de la ligne d’arrivée, située sur Boylston Street. Treize secondes plus tard, une seconde explosion a lieu dans la même rue, à 190 mètres en amont sur le trajet de la course.
Le Boston Globe a filmé la double explosion :
Quelques minutes plus tard, vers 15 h, un incident est rapporté à la bibliothèque John Fitzgerald Kennedy, située à environ 5 km au sud-est de l’arrivée du marathon, dans la baie du Old Harbor [2].
- La bibliothèque John F. Kennedy vers 15 h
Durant l’après-midi, la police prendra des précautions concernant cet incident, affirmant ne pas savoir s’il est relié aux explosions du marathon [3].
15 h 30 environ : un policier affirme que d’autres engins explosifs ont été trouvés, qui n’ont pas explosé [4].
De son côté, Associated Press (AP) rapporte que le réseau de télécommunications a été coupé à Boston pour éviter l’éventuelle détonation à distance de nouveaux engins explosifs. Cette information sera infirmée par AP elle-même plus tard dans l’après-midi [5].
15 h 55 : une explosion contrôlée [6] par les forces de l’ordre près de Copley Square est rapportée grâce à l’écoute des fréquences radio de la police [7].
- Plan de Boston et emplacements des explosions
16 h 02 : le premier bilan annoncé par la police fait état de 2 morts et 22 blessés [8].
16 h 23 : la bibliothèque John F. Kennedy annonce que le feu y est éteint et qu’il n’y a aucune victime [9].
16 h 50 : le gouverneur du Massachusetts, Deval Patrick, et le chef du Boston Police Departement (police locale) Edward Davis donnent une conférence de presse au Westin Hotel [10].
- Le gouverneur du Massachusetts Deval Patrick (à gauche) et le chef de la police de Boston Edward Davis (à droite)
Le journaliste Dan Bidondi, de l’équipe d’Alex Jones [11], se glisse dans cette conférence de presse – et dans les suivantes – pour poser des questions peu au goût des autorités, les interrogeant notamment sur des informations indiquant qu’un exercice d’alerte à la bombe (bomb drill) était en cours au moment des explosions (voir plus bas, en conclusion de cet article). Lors de la seconde conférence de presse (à 20 h 45), il ira plus loin en demandant directement au gouverneur si cet attentat constitue une nouvelle opération sous faux drapeau destinée à réduire les libertés individuelles aux États-Unis [12].
16 h 55 : une zone de restriction aérienne est imposée au-dessus de Boston et de ses environs [13].
18 h 12 : le président Barack Obama s’adresse au pays [14].
19 h 30 : les forces de l’ordre (police locale, FBI et ATF [15]) inspectent un appartement à Revere, en banlieue de Boston [16].
20 h 46 : en conférence de presse, le gouverneur Deval Patrick annonce que le FBI s’est emparé de l’enquête, sous la direction de l’agent spécial Richard DesLauriers [17].
- L’agent spécial du FBI Richard DesLauriers
20 h 53 : la police annonce la mort d’une troisième victime [18]. Au total, trois personnes sont mortes ce 15 avril 2013 : deux Américains (Martin Richard, 8 ans, et Krystle Campbell, 29 ans) et une étudiante chinoise (Lu Lingzi, 23 ans) [19]. Les explosions ont également fait 264 blessés [20].
Mardi 16 avril
Le FBI et le département de la Sécurité intérieure émettent un « Joint Intelligence Bulletin [21] » qui, selon Alex Jones, permet d’accroître le champ de suspicion pour trouver les « terroristes » [22].
Le FBI recueille tous les indices matériels liés à l’enquête et les envoie à Quantico en Virginie [23].
Premières pistes d’enquête (journalistique) : l’« extrême droite » et l’islamisme
Depuis les explosions de la veille, le débat fait rage dans les médias concernant les pistes explorées par l’enquête du FBI : qui a commis l’attentat du marathon de Boston ?
La veille au soir, le journal Le Monde avait affirmé que deux pistes principales étaient suivies par les enquêteurs : celle de l’islamisme et celle d’ « extrémistes de droite américains, comme des militants anti-impôts [24] » (où l’on est content d’apprendre que militer contre les impôts aux États-Unis, c’est se rapprocher de « l’extrême-droite »...). La plupart des autres médias français, dès le mardi 16 et alors qu’aucune piste particulière n’avait encore été annoncée par les enquêteurs, ont également réduit le champ des possibilités à ces deux pistes, auxquelles s’est ajoutée parfois celle du « déséquilibré » [25].
Le soir de l’attentat, une internaute musulmane américaine, redoutant l’émergence de la piste islamiste, avait tweeté le message suivant :
Please don’t be a "Muslim".
— Hend (@LibyaLiberty) 15 avril 2013
En France, Le Monde a fait de ce tweet le titre d’un article daté du 16 avril [26], dans lequel le « quotidien de référence » rappelle que la piste islamiste n’est pas la seule et que les amalgames entre musulmans et islamistes doivent être évités.
Le journal en ligne Salon, lui, d’obédience « progressiste [27] », affichera plus clairement la couleur en titrant : « Espérons que le poseur de bombes du marathon de Boston est un Américain blanc [28]. »
En parallèle, d’autres médias rapportent l’existence d’un roman intitulé Heartbreak Hill, dans lequel un « extrémiste de droite » a pour projet de faire exploser des bombes durant le marathon de Boston [29]...
En France comme aux États-Unis, on observe donc des efforts de la plupart des médias pour « équilibrer » les soupçons envers ces « deux pistes principales » (qui n’existent à ce moment que dans l’imagination des journalistes et des « experts ») et ainsi éviter de trop faire pencher la balance vers l’islamisme [30].
Les islamistes se sont pourtant immédiatement imposés comme suspects dans les consciences journalistiques occidentales en raison de l’omniprésente « guerre contre la terreur » des pays atlantistes. Pour l’essentiel, ce fut même la seule piste étrangère explorée. Mais pourquoi « l’extrême droite », ou « piste intérieure », a-t-elle pris autant d’importance dès les premiers jours ?
Plusieurs concordances de dates ont alimenté les soupçons :
Le 15 avril était le dernier jour de la période de déclaration d’impôts aux États-Unis, un « Tax Day » rebaptisé « Protest Day [31] » en raison des protestations soutenues par le Tea Party, un mouvement politique antifédéral (en faveur de la souveraineté des États) et anti-impôts considéré comme extrémiste et dangereux [32] par certains médias et politiciens amoureux du bipartisme « démocratique ».
Le 15 avril 2013 était aussi le Patriots’ Day dans le Massachusetts, commémorant la première bataille de la Révolution américaine. Celle-ci eut lieu le 19 avril 1775 (mais est célébrée chaque troisième lundi d’avril). Le 19 avril est aussi resté tristement célèbre dans l’histoire américaine comme la date du massacre de Waco et de l’attentat d’Oklahoma City. Les explosions de Boston ont en effet eu lieu trois jours avant le vingtième anniversaire du siège catastrophique de Waco, au Texas, qui prit fin le 19 avril 1993 et qui se solda par la mort de 86 personnes, dont 82 Davidiens, un groupe religieux dissident issu de l’Église adventiste du septième jour. Le siège de la résidence des Davidiens avait été déclenché au motif d’une détention illégale d’armes [33].
L’attentat d’Oklahoma City, qui a provoqué la mort de 168 personnes, eut lieu quant à lui le 19 avril 1995. Timothy McVeigh, l’homme que l’enquête désigna comme coupable, aurait reconnu avoir commis cet acte en réaction au siège de Waco [34]. Il était membre du Patriot Movement, qui regroupait des militants anti-impôts, des antifédéralistes et des chrétiens « apocalyptiques » [35].
- Timothy McVeigh, reconnu coupable de l’attentat d’Oklahoma City et exécuté par injection létale le 11 juin 2001
Tous ces éléments ont donc été rappelés par les médias mainstream comme indices d’une éventuelle piste d’ « extrême-droite », procédé qui a permis d’amalgamer des positions politiques très diverses sous la même connotation négative tout en les liant à des meurtres de masse [36]. Aucune mention n’est faite bien entendue des controverses importantes sur les circonstances du siège de Waco et de l’attentat d’Oklahoma City, concernant la responsabilité suspectée des agences fédérales dans la mort de plusieurs centaines de personnes [37]. Sur l’attentat d’Oklahoma City et sur l’enquête très contestable ayant conduit à la condamnation de Timothy McVeigh et Terry Nichols, voir notamment le film A Noble Lie (James Lane, 2011) [38].
Dans des médias dits « alternatifs », Alex Jones [39] et d’autres [40] ont dénoncé à l’avance la possibilité que les autorités en charge de l’enquête sur les explosions de Boston se ruent sur cette piste domestique de « l’extrême-droite » afin de restreindre encore davantage les libertés civiques dans le pays, et notamment le droit de porter une arme garanti par le Deuxième Amendement de la Constitution. Cette inquiétude a été rapidement renforcée lorsque les enquêteurs ont affirmé avoir trouvé de la poudre noire (ou poudre à canon) [41] dans les explosifs utilisés à Boston.
La présence de poudre à canon a en effet relancé encore davantage [42] un débat sur les armes occupant déjà le devant de la scène aux États-Unis, l’administration Obama jouant des pieds et des mains pour contourner le Deuxième Amendement et réduire la possibilité pour les Américains de porter une arme [43]. Cette volonté du gouvernement fédéral, à laquelle s’oppose une partie importante de la population – et notamment dans les États où le port d’arme est toujours légal –, a été accrue récemment par les tueries d’Aurora en juillet 2012 [44] et surtout de Newtown en décembre 2012 [45].
Attaque à la cocotte-minute
Le mardi soir, le FBI déclassifie un bulletin de sécurité contenant des photos. Elles montrent ce que les enquêteurs présentent comme les restes de deux bombes : un sac à dos déchiré, des restes de cocotte-minute, des clous et des morceaux de fils et de circuits-imprimés [46].
CNN note alors que l’utilisation de cocotte-minute rappelle les méthodes d’Al-Qaïda, mais prend tout de même soin de dire qu’il s’agit aussi d’une « recette » utilisée par « des individus d’extrême droite aux États-Unis » [47].
Dans les médias, la piste d’Al-Qaïda prend de l’importance dans l’après-midi quand il est rapporté [48] que la « recette » pour fabriquer une bombe à partir d’une cocotte-minute avait été donnée en 2010 par Inspire, le « magazine d’Al-Qaïda ». Rappelons tout de même que certains trouble-fête ont émis la possibilité que ce magazine soit écrit par la CIA elle-même [49]...
L’Internet (contre-)enquête
Pendant que les journalistes professionnels et experts attitrés spéculent à partir des informations données par les autorités chargées de l’enquête, des dizaines de milliers d’internautes se lancent dans leurs propres recherches afin de trouver les auteurs de l’attentat.
Les forums Reddit [50] et 4chan [51], entre autres, voient s’accumuler dans les différentes discussions ouvertes un nombre impressionnant de photos, de vidéos, de liens Internet mais aussi simplement de questions et de réponses plus ou moins pertinentes concernant le déroulement de l’attentat, la réponse des autorités et les suspects potentiels.
Certains éléments étranges émergent pèle-mêle au fil de l’enquête en ligne et retiennent l’attention des internautes. Par exemple :
Un homme aperçu sur le toit d’un bâtiment juste au-dessus du site de la seconde explosion alimente de longues discussions sur les réseaux sociaux [52], spéculations qui seront même reprises par certains médias [53].
Une page Facebook de soutien aux victimes aurait été créée... 8 heures avant l’attentat [54]. En réalité cette information ne signifie pas grand-chose, car une page Facebook sans aucun rapport avec l’attentat a pu être créée huit heures avant puis renommée après les explosions. Les internautes n’ont pas manqué de rappeler que la même bizarrerie avait été relevée lors de la tuerie de l’école Sandy Hook à Newtown [55].
Un épisode du dessin animé Family Guy diffusé le 17 mars 2013 présente de fortes similitudes avec l’attentat de Boston [56].
L’une des victimes, dont les deux jambes semblent avoir été soufflées par la première explosion, est rapidement suspectée d’être un acteur [57]. Pour mémoire, une polémique similaire avait émergé suite à l’interview très étrange du père d’une victime de la tuerie de Newtown [58]. En outre, il est attesté qu’il existe des acteurs amputés spécialisés dans la simulation de scènes de guerre [59]. Et pour ne rien arranger, le chef de la police de Boston Edward Davis commettra un joli lapsus le 22 avril en évoquant les « acteurs » impliqués dans l’attentat [60] !
Mercredi 17 avril
Le 17 avril à midi, le FBI a déjà reçu plus de 2 000 informations (utiles ou inutiles) de la part du public [61]. Sur l’Internet, les photos et vidéos prises par des amateurs ou des journalistes avant et après les explosions sont analysées dans leurs moindre détails dans l’espoir de trouver des suspects. Ceux-ci sont nombreux, et les accusations fusent [62].
Des Navy Seals à la Garde nationale : la piste des « contractors »
Sur certaines photos, des individus positionnés à proximité du site de la première explosion (près de la ligne d’arrivée du marathon) arborent des vêtements, des accessoires et une attitude laissant penser qu’ils pourraient être des militaires en civil. Ces hommes sont rapidement suspectés d’être des Navy Seals (forces spéciales de l’US Navy) ou des membres d’une « entreprise de sécurité et de défense » (defense contractors) de type Craft International [63]. Leur présence fait se poser beaucoup de questions aux internautes, qui se demandent dès lors s’ils sont impliqués d’une quelconque manière dans les explosions.
Les médias mainstream ont choisi, eux, d’ignorer entièrement cette piste « conspirationniste » lancée sur l’Internet. Une « mesure de sanction » s’est d’ailleurs abattue le 20 avril sur la chaîne CBS, dont le compte Twitter « 60 minutes » a été piraté, permettant la diffusion des photos [64].
Le site Infowars.com mettra néanmoins un terme à beaucoup de spéculations le 21 avril en relayant finalement l’information selon laquelle ces « militaires en civil » feraient en réalité partie de la Garde nationale [65].
Au passage, il est intéressant de noter qu’en raison de coupes budgétaires, le secrétaire à la Défense Chuck Hagel avait pour projet de démanteler des équipes de la Garde nationale [66], mais s’est ravisé dès le lendemain de l’attentat de Boston en raison de l’ « aide d’urgence » qu’elles auraient apportée immédiatement après les explosions [67].
Feux médiatiques et contre-feux officiels
L’après-midi du 17 avril est très animé, aussi bien au niveau médiatique que policier et... diplomatique.
13 h 30 : les médias (CNN, le Boston Globe et d’autres) annoncent l’arrestation d’un suspect [68].
14 h : le FBI affirme détenir une vidéo prise par l’une des caméras de surveillance d’un grand magasin et montrant un homme posant son sac à dos au sol près du site de la seconde explosion, mais dit ne pas connaître son identité [69].
À ce jour, le FBI n’a toujours pas diffusé cette vidéo.
14 h 24 : le Boston Globe annonce qu’un suspect arrêté est en route pour le palais de justice [70]. Les médias se précipitent alors au palais de justice dans l’attente de l’annonce de l’arrestation.
14 h 33 : la police de Boston affirme qu’aucun suspect n’a été arrêté [71].
15 h 08 : le FBI dément également toute rumeur d’arrestation [72]. Les journalistes se rétractent alors en invoquant une source haut placée dans l’enquête [73].
15 h environ : le palais de justice est évacué [74]. Les médias annoncent que l’évacuation fait suite à une alerte à la bombe [75].
16 h 30 environ : les employés du palais de justice réintègrent leurs bureaux après « une évacuation d’une heure » [76].
16 h 25 : la conférence de presse initialement prévue à 16 h puis 17 h est annulée en raison de l’alerte à la bombe au palais de justice [77].
19 h 15 : une conférence de presse est annoncée pour 20 h [78] puis annulée à son tour [79].
La piste saoudienne
Un événement a eu lieu également cet après-midi du 17 avril, qui n’a été que très peu rapporté par les médias : le président Barack Obama a reçu la visite surprise du ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud ben Fayçal [80]. Pour comprendre les liens éventuels de cette visite inopinée avec l’attentat de Boston, un court retour en arrière est nécessaire.
Le 15 avril à 16 h 30, moins de deux heures après l’attentat, le New York Post avait affirmé qu’un individu de nationalité saoudienne aurait été identifié comme suspect et serait retenu à l’hôpital par les autorités [81]. Notons toutefois que la source policière du Post ne semble pas très fiable, car elle annonce également 12 morts dans les explosions du marathon...
Vers 18 h le 15 avril, la police a démenti avoir arrêté qui que ce soit [82].
À 2 h 25 le matin du 16 avril, le New York Post confirme néanmoins et va plus loin : l’appartement du Saoudien, situé à Revere dans la banlieue de Boston, aurait été fouillé par le FBI et la police locale [83]. Plus tard dans la journée du 16, les autorités auraient toutefois affirmé considérer le Saoudien comme un témoin, et non comme un suspect [84]. Le Washington Post rappelle également qu’il y a près de 1 000 étudiants saoudiens à Boston et que la présence de certains d’entre eux au marathon n’a pas grand-chose de surprenant [85].
Cependant, dans la nuit du 16 au 17, certains médias plus « alternatifs » font état de « liens » d’Abdul Rahman Ali Al-Harbi, le Saoudien en question, avec des individus considérés comme terroristes par l’Arabie Saoudite et les États-Unis. Ces liens, dont la teneur exacte est difficilement vérifiable, se résument à un patronyme identique – celui du « clan Al-Harbi ». Six des quatre-vingt-cinq terroristes listés par l’Arabie Saoudite ainsi que cinq personnes enfermées dans la prison de Guantanamo portent ce patronyme [86].
- Abdul Rahman Ali Al-Harbi à l’hôpital
C’est dans ce contexte politico-médiatique qu’intervient la visite surprise du ministre des Affaires étrangères d’Arabie Saoudite à la Maison Blanche. Le sujet officiel de la discussion entre Saoud ben Fayçal et Barack Obama aurait été la situation en Syrie. Mais la chaîne Fox News n’a pas manqué de remarquer l’étrange proximité entre cette visite et une information tombée plus tard dans la journée (et annoncée vers 21 h) : il est prévu que le Saoudien « suspect » soit extradé en début de semaine suivante [87].
Alex Jones (fondateur du site Infowars.com) et Glenn Beck (ancien animateur de Fox News et fondateur du site TheBlaze) ont rebondi successivement sur cette étrange coïncidence dans les jours suivants.
L’information de Fox News concernant l’extradition d’Al-Harbi venait de l’Immigration and Customs Enforcement (ICE), la police des frontières. L’ICE a réagi le lendemain 18 avril en affirmant qu’il y avait eu confusion et qu’en réalité, c’était un autre Saoudien qui était détenu par les autorités et que celui-ci n’avait rien à voir avec l’attentat du marathon [88]. Glenn Beck affirme de son côté qu’un fichier (event file) avait été ouvert avant l’attentat concernant Abdul Rahman Ali Al-Harbi. Le fichier indiquait que l’individu était « armé et dangereux », qu’il était soumis à des restrictions d’accès aux États-Unis et était placé sous un statut de quasi-terroriste. Le Saoudien serait arrivé en août 2012 sur le sol américain grâce à une autorisation spéciale. Plus étrange encore, Beck indique que le 17 avril, le fichier a été altéré, et ce afin qu’Al-Harbi soit dissocié de toute charge concernant les explosions de Boston [89].
- La première page du fichier des autorités sur Abdul Rahman Ali Al-Harbi
Par ailleurs, il sera plus tard rapporté que la First Lady Michelle Obama aurait rendu visite à Abdul Rahman Ali Al-Harbi lors de son séjour à l’hôpital [90]. Bien qu’il soit possible d’expliquer cette visite en raison d’un passage de Michelle Obama au chevet des blessés du marathon, cette explication s’affaiblit lorsqu’on découvre également qu’un « Abdulrahman Alharbi » a rendu visite aux hôtes de la Maison Blanche à plusieurs reprises depuis 2009 [91].
Selon Alex Jones, la tentative des autorités de couvrir le ressortissant saoudien malgré la fuite de certaines informations dans les médias explique les tergiversations du storytelling officiel, et notamment les multiples reports puis annulations de conférences de presse dans la journée du mercredi 17 avril [92].
Dans son émission du 17 avril au soir, le commentateur politique Michael Savage va dans le même sens en affirmant que toute cette histoire est une mise en scène des autorités. Selon lui, ces dernières ont annulé la conférence de presse après que le ministre des Affaires étrangères d’Arabie Saoudite en visite surprise à la Maison Blanche dans l’après-midi a exigé que le suspect soit extradé. Savage pense que la police de Boston allait parler du suspect et a été empêchée de le faire par le FBI [93].
Selon Janet Napolitano, directrice du département de la Sécurité intérieure, le Saoudien n’a jamais été suspecté. Le 18 avril, elle refusera de répondre aux questions du député Jeff Duncan concernant cette affaire [94]. Le 23 avril, Napolitano confirmera pourtant que le Saoudien avait été placé sur une liste de surveillance après l’attaque de Boston [95].
Jeudi 18 avril
Durant les trois premiers jours après les explosions, la piste étrangère (qu’elle mène à Al-Qaïda, à l’Arabie Saoudite ou à toute autre source extérieure aux États-Unis) a donc été progressivement et définitivement écartée par les enquêteurs officiels et – conséquence purement mécanique – par les médias mainstream [96]. Mais la piste « domestique » de l’ « extrême droite américaine » est également abandonnée. Cette journée du 18 avril verra la mise en place d’une nouveau narratif branché sur une piste « intermédiaire » : l’ennemi est intérieur, mais d’origine étrangère...
Deux suspects, et seulement deux
10 h 25 environ : Barack et Michelle Obama arrivent à Boston [97].
14 h 40 : le FBI annonce qu’une conférence de presse aura lieu à 17 h pour tenir le public au courant de l’avancée de l’enquête [98].
17 h 20 : les photos et vidéo des deux suspects sont révélées en conférence de presse [99].
- Les photos des « suspect n°1 » et
« suspect n°2 »
La vidéo officielle du FBI :
Les autorités demandent l’aide du public pour identifier les deux hommes [100]. L’agent spécial Rick DesLauriers précise que les photos et vidéos du FBI sont les seules sur lesquelles le public doit se pencher [101]. Les internautes de Reddit, 4chan et autres réseaux sociaux se lancent immédiatement dans l’analyse des images du marathon pour tenter de retrouver les suspects dans la foule.
Le gouverneur du Massachusetts, quant à lui, admettra qu’il n’a pas vu la vidéo mais a été briefé à son sujet par des officiels du gouvernement [102].
Sunil Tripathi et « Mike Mulugeta »
Suite à la diffusion des photos, des internautes pointent la ressemblance entre le suspect n°2 et un certain Sunil Tripathi [103]. Ce dernier est un étudiant de Brown University ayant mystérieusement disparu le 16 mars 2013. La première à avoir noté une ressemblance frappante semble être Kami Mattioli, une jeune femme ayant fréquenté le même lycée que Tripathi [104]. Des internautes font alors le rapprochement entre la disparition de Sunil Tripathi le 16 mars et des incidents ayant eu lieu à Hanover, une ville située entre l’université de Tripathi et Boston : des explosifs y avaient été retrouvés par la police les 12 et 15 mars (et détruits par explosions contrôlées) [105].
Sunil Tripathi sera blanchi de facto dans l’affaire des explosions de Boston suite à l’adoption exclusive de la piste tchétchène (voir ci-après).
Il sera retrouvé mort le 23 avril dans une rivière à Providence, Rhode Island [106].
Quant au suspect n°1, il écopera d’une identité provisoire à partir du vendredi 19 à 1 h 00, lorsque l’écoute de la fréquence de la police par des internautes fera émerger un nom : Mike Mulugeta [107].
Très rapidement, les enquêteurs amateurs de l’Internet vont donc considérer que « Mike Mulugeta » (sur lequel aucune information ne sort) et Sunil Tripathi sont les deux suspects dont les photos ont été diffusées par les autorités, et ce jusqu’à ce que ces dernières imposent les noms de Tamerlan et Djokhar Tsarnaïev (le lendemain matin vers 7 h).
Mort sur le campus
23 h : le Massachusetts Institute of Technology (MIT), situé à Cambridge dans la banlieue proche de Boston, rapporte que des coups de feu ont eu lieu sur le campus [108].
23 h 35 : le Boston Globe rapporte qu’un agent de police a été blessé dans la fusillade [109]. Sa mort est annoncée à 0 h 13 [110]. Il s’agit de Sean Colier, 26 ans [111].
Vendredi 19 avril
Non loin du campus du MIT, quelques minutes plus tard, deux hommes volent un SUV Mercedes (voiture de type « utilitaire sport »). Ils retiennent le conducteur pendant 90 minutes puis lui extorquent 800 $ à Watertown Square [112] avant que celui-ci ne parvienne à s’échapper. L’homme court jusqu’à une station service [113] et appelle la police. Dans le récit du braquage et de son évasion, la victime affirme que les deux personnes qui l’ont agressée ont confessé être les poseurs de bombes de Boston et avoir tué un policier [114]. Meurtre d’un agent de police par des fugitifs suspectés d’avoir commis un attentat : comme le dit Thierry Meyssan [115], ce geste apparemment gratuit relève certainement du « syndrome Oswald [116] »...
Mort du suspect n°1
0 h 45 environ : la traque du SUV s’achève dans une rue de Watertown. Une fusillade a lieu entre la police et les deux hommes. On évoque 200 à 300 balles tirées, mais aussi des grenades et même... une cocotte-minute explosive lancée par les fugitifs sur leurs poursuivants [117] !
Des photos prises par un habitant de Watertown [118] et une vidéo donnent une petite idée de la violence de la scène :
L’agent de police Richard Donohue, 33 ans, est blessé au cours de la fusillade [119], et dix autres membres des forces de l’ordre seront soignés le lendemain à l’hôpital [120].
D’après la version retenue par Wikipédia, les deux hommes conduisaient en réalité deux voitures (une Honda Sedan et le SUV volé). Une violente fusillade se serait engagée sur Laurel Street entre les deux fugitifs et les forces de l’ordre. Le suspect n°1, à court de munitions, aurait été appréhendé par la police. Mais le second suspect aurait foncé sur les policiers avec le SUV et aurait percuté le suspect n°1 [121], le traînant sur une courte distance dans la rue avant de prendre la fuite [122].
Plusieurs informations viennent cependant contredire cette version. D’abord, la police et le FBI ne sont pas d’accord sur le mode de transport des deux hommes : la police affirme que les hommes conduisaient deux voitures [123], tandis que la plainte déposée le 21 avril par le FBI contre Djokhar Tsarnaïev (identifié par la suite par les autorités comme le suspect n°2) affirme que les deux étaient dans la même Mercedes [124]. Ensuite, un témoin de la scène affirme que ce sont les forces de l’ordre elles-mêmes qui auraient roulé sur le suspect n°1, pas son acolyte [125].
01 h 38 : le Boston Globe relate l’arrestation d’un des suspects, « menotté et interrogé par le FBI à l’arrière d’une ambulance » [126].
Un témoignage et une vidéo diffusés sur CNN dans les heures qui ont suivi a semblé confirmer que l’un des suspects avait bien été arrêté. Cette vidéo montre un homme menotté (et entièrement nu) arrêté par la police de Boston. Le témoin de la scène raconte que le FBI est ensuite arrivé pour prendre en charge le suspect (vidéo en anglais non-sous-titré) :
Pourtant, une information commence à apparaître sur l’Internet : le suspect n°1 – que certains nomment encore Mike Mulugeta – serait mort [127].
4 h 08 : la mort d’un des deux suspects est confirmée par le Boston Globe [128].
4 h 24 : le chef de la police Edward Davis affirme que le suspect en fuite est considéré comme un « terroriste » et qu’il est « venu ici pour tuer des gens » [129].
« Lockdown »
Dans la foulée, un couvre-feu est mis en place dans une zone très étendue. Le « lockdown » intègre même la ville de Boston [130]. Plus d’un million de personnes sont concernées, et 9 000 membres des forces de l’ordre participent à l’opération. À Watertown, un périmètre de 20 blocs est fouillé systématiquement par les unités spéciales de la police (SWAT), maison par maison, soumettant de fait les habitants à la loi martiale [131]. Le lockdown durera jusqu’à 18 h.
Toute la journée, les médias ont rapporté que les habitants ont consenti à rester chez eux et à voir leur maison fouillée sans aucun mécontentement, et certains journalistes ont même été jusqu’à essayer de justifier légalement la loi martiale, arguant que dans ce cas, elle était tout à fait conforme à la Constitution [132]. Le site Infowars, de son côté, rapporte que la population n’a pas accepté la situation aussi allègrement que les médias ont pu le prétendre [133].
La piste tchétchène : Tamerlan et Djokhar Tsarnaïev
6 h 30 : Associated Press annonce avant les autorités que les deux suspects sont originaires de Tchétchénie et ont vécu au moins un an aux États-Unis [134]. L’agence révèle ensuite l’identité du suspect en fuite : Djokhar A. Tsarnaïev, 19 ans, de Cambridge, Massachusetts [135].
7 h 00 : les autorités fédérales annoncent que les deux suspects sont frères [136].
8 h 00 : en conférence de presse, les enquêteurs fédéraux confirment que les deux suspects sont Tamerlan (suspect n°1) et Djokhar Tsarnaïev (suspect n°2), deux frères d’origine tchétchène de 26 et 19 ans [137]. Ils auraient été identifiés par les enquêteurs et « un membre de la famille [138] ». On apprendra peu après que c’est Jeffrey Bauman, le double-amputé soupçonné d’être un acteur (voir plus haut), qui aurait aidé par un témoignage décisif à identifier les suspects [139].
La piste de l’ « extrême droite » et celle d’Al-Qaïda, évoquées dans les deux premiers jours par les médias, sont donc remplacées officiellement par la piste tchétchène à 8 h 00 ce vendredi 18 avril. En réalité, cette nouvelle direction équivaut à la piste de l’islamisme radical ; seulement celui-ci n’est plus arabe, mais caucasien... Dès lors, les médias mainstream surmonteront leur déception [140] de ne pas voir accusée l’ « extrême droite » et ne se poseront plus aucune question, soutenant entièrement la thèse selon laquelle Djokhar et Tamerlan Tsarnaïev, deux jeunes musulmans tchétchènes, ont perpétré l’attentat de Boston.
Bien sûr, aucun de ces médias ne parlera de la connexion entre l’islamisme tchétchène et la CIA, pourtant largement documentée [141].
Pour recueillir des voix dissonantes, il faut donc se rendre sur des médias non-alignés. Maintenant que l’on dispose d’une identité possible pour le suspect n°1, il devient possible notamment de le comparer aux images du « naked man », l’homme arrêté dans son plus simple appareil durant la nuit. Et le constat est frappant : l’homme nu ressemble à s’y méprendre à Tamerlan Tsarnaïev :
- « Le même homme ?
Si oui, comment est-il mort ? »
Pourtant, Tamerlan Tsarnaïev est annoncé comme ayant été tué (blessé par balle par la police puis écrasé par son frère) durant la fusillade de 0 h 45 avec les forces de l’ordre. Une photo, prise subrepticement à la morgue dans la matinée, émerge à 12 h 40 sur Reddit : elle montre un cadavre ressemblant lui aussi fortement à Tamerlan Tsarnaïev [142] et semble donc confirmer sa mort.
Deux jours plus tard, le 21 avril, la tante des frères Tsarnaïev, interrogée par Dan Dicks de PressForTruth, affirmera néanmoins être sûre à 100 % que l’homme nu arrêté par la police et interrogé par le FBI était bien son neveu Tamerlan [143]. Elle dira aussi avoir reçu des menaces.
Oncle Ruslan
Dans la famille Tsarnaïev, un oncle des deux frères, Ruslan Tsarni, a joué un rôle médiatique important. Sa première intervention a lieu vers midi ce 19 avril [144]. Il évoque ses neveux comme deux « losers » éprouvant de la « haine » envers ceux qui ont réussi à s’intégrer. Néanmoins, il reconnaît qu’il ne les a pas vus depuis des années. Il est immédiatement adoubé par les médias [145] (curieusement, la tante trouble-fête ne subira pas le même sort).
Trop occupés à aimer cet oncle parfaitement sur les rails de la version officielle, les médias en ont oublié d’enquêter sur son cas. Pourtant, s’ils avaient fait quelques recherches, ils auraient assurément découvert que Ruslan Tsarni fut pendant trois ou quatre ans le gendre [146] d’un ancien haut-responsable de la CIA, Graham E. Fuller, ancien chef de poste de l’Agence en Afghanistan [147], mais aussi que « Oncle Ruslan » a été conseiller pour l’USAID [148], paravent droit-de-l’hommiste de la CIA [149] – interdite en Russie depuis septembre 2012 [150] – et a travaillé dix ans dans des sociétés proches d’Halliburton [151]...
Le 29 avril, le journal en ligne Mad Cow Morning News rapporte que Ruslan Tsarni aurait intégré en 1995 le « Congrès des organisations tchétchènes internationales », une structure dont l’adresse enregistrée aurait été celle de Graham. E. Fuller, l’ancien haut responsable de la CIA. Le journal rapporte également que cette organisation envoyait de l’aide aux terroristes islamistes en Tchétchénie [152].
L’arrestation de Djokhar Tsarnaïev
18 h environ : le gouverneur du Massachusetts annonce la levée du couvre-feu [153], qui n’aura servi à rien. Aussitôt, au 67 Franklin Street à Watertown, un homme sort de chez lui, aperçoit du sang sur son bateau dans le jardin derrière sa maison, et appelle la police [154].
À propos de l’échec des forces de l’ordre à retrouver elles-mêmes le fuyard de 19 ans, voici la réaction de Pepe Escobar sur AsiaTimesOnline :
« Comment se fait-il que des légions de police, super-armées et des équipes d’intervention (NdT : SWAT, équivalent en France des GIPN), cherchant un périmètre de scène de crime de 20 pâtés de maisons dans la ville de Watertown, furent simplement incapables de localiser Djokhar se cachant dans une rue se trouvant à moins de deux pâtés de maisons plus loin que là où il avait abandonné son véhicule ? Même une simple recherche sur Google Map contredit l’affirmation faite par la police. Ils ne l’ont pas trouvé pendant toute une journée parce que la rue Franklin où il se cachait aurait été “légèrement en dehors du périmètre”. Un nombre de résidents de la rue Franklin se sont même plaints d’avoir été perquisitionnés après la levée du couvre-feu et la découverte de Djokhar par le propriétaire du bateau, qui est maintenant un héros national [155]. »
19 h environ : les médias rapportent que le suspect en fuite serait acculé par les forces de l’ordre à Watertown [156]. À grand renfort de surveillance infrarouge par hélicoptère [157], la police a en effet repéré un homme dans le bateau d’un jardin, et lance l’assaut.
19 h 55 : craignant qu’il ne soit « armé et dangereux », les forces de l’ordre recourent à un robot [158] avec caméra et bras articulé pour soulever discrètement la bâche qui recouvre le bateau. On rapporte alors que des grenades assourdissantes sont utilisées pour « distraire le suspect » [159]. Une photo émergera plus tard montrant un homme ressemblant à Djokhar Tsarnaïev à califourchon sur le bateau [160], sans qu’il soit réellement possible de dire s’il est en train d’y entrer ou d’en sortir ; toujours est-il qu’il n’a pas de blessure apparente.
20 h 31 : des médias annoncent que trois personnes ont été arrêtées à New Bedford (60 miles au sud de Boston) dans le cadre de l’enquête sur les explosions du marathon [161].
À 20 h 40 environ, dans Franklin Street à Watertown, où le suspect est toujours retranché dans son bateau une heure et demie après avoir été repéré, une violente fusillade éclate :
20 h 42 : la foule assistant à l’opération applaudit [162].
20 h 50 : Reddit annonce que le suspect est arrêté et vivant [163].
20 h 55 : le Boston Globe confirme l’information [164].
À 20 h 58, la police, qui vient pourtant seulement d’arrêter un suspect, lance un tweet victorieux et oublieux de toute précaution d’usage :
CAPTURED !!! The hunt is over. The search is done. The terror is over. And justice has won. Suspect in custody.
— Boston Police Dept. (@Boston_Police) 20 avril 2013
Une photo émergera peu après montrant un jeune homme au visage ensanglanté menotté par les policiers [165], puis une vidéo du passage d’une ambulance, à partir de laquelle on peut voir que l’homme emmené à l’hôpital est grièvement blessé [166]. Selon la police, le suspect détenu est dans l’incapacité de parler [167]. Djokhar Tsarnaïev se serait en effet tiré une balle dans la bouche [168] dans une tentative de suicide au moment où il était acculé par ses assaillants, et aurait la gorge gravement endommagée. Un problème demeure cependant dans cette version des faits : des officiels fédéraux affirment que Djokhar Tsarnaïev n’avait pas d’arme quand l’assaut a été donné [169]...
- Version officielle : échappant aux dizaines de balles de la police, dont les impacts sont visibles sur le bateau, le suspect tente de mettre fin à ses jours avec une arme qu’il n’a jamais eue, et se rate à son tour...
Suite à l’annonce de l’ « arrestation » du suspect, les habitants de Watertown sortent en masse dans la rue pour célébrer l’événement en chantant « USA, USA ! [170] » et l’hymne national :
Conclusion : la piste de « l’État profond »
Suspect n°1 : le FBI
Dans le cadre des explosions de Boston, un témoignage clef soigneusement passé sous silence par la plupart des grands médias fait état d’une possible menace dont les autorités auraient eu connaissance avant l’attentat : celui de l’entraîneur de cross country de l’université de Mobile, qui affirme avoir vu des « chiens anti-explosifs » (bomb sniffing dogs) près de la ligne d’arrivée avant les explosions, ainsi que des guetteurs des forces de l’ordre sur les toits. Plus intriguant encore : d’après l’entraîneur, avant l’attentat, des annonces répétées ont eu lieu à destination des spectateurs du marathon pour les inviter à ne pas s’inquiéter, tout cela faisant partie d’un « exercice d’entraînement » [171].
En revanche, notons que les fameux tweets du Boston Globe datés de 12 h 53 [172] le 15 avril et annonçant une explosion contrôlée ne correspondent pas à l’annonce d’un exercice mais bien à la neutralisation d’un troisième engin explosif après l’attentat. Beaucoup d’internautes ont cru à l’antériorité de ces annonces en raison d’une erreur d’interprétation de l’heure affichée sur les tweets. Celle-ci a en effet trois heures d’avance par rapport à l’heure de Boston ; l’heure des tweets est celle de la côté Ouest des États-Unis (Pacific Daylight Time, PDT) – peut-être parce que Twitter est basé à San Francisco ? –, et il faut les lire en ajoutant trois heures pour obtenir l’heure de Boston (Eastern Daylight Time, EDT) et donc celle des événements relatés par le Boston Globe (ou même la police de Boston). Pour s’en convaincre, il suffit de regarder l’heure à laquelle le même Boston Globe annonce l’attentat [173], celui-ci ayant été commis à 14 h 49 heure locale. Les internautes se sont probablement rués sur cette information erronée parce que, bien loin des médias mainstream, ils savent pertinemment qu’un « exercice » ayant lieu en même temps qu’un attentat est l’une des marques de fabrique des attaques sous faux drapeau, comme l’ont révélé notamment des contre-enquêtes sur le 11 Septembre [174], les attentats de Madrid en 2004 [175] et de Londres en 2005 [176].
Quoi qu’il en soit, l’entraîneur était donc inquiet avant les explosions, songeant à une menace potentielle. Le chef de la police, lui, affirme n’avoir été au courant de rien [177].
Sur la base de ce témoignage et faisant fi des accusations de conspirationnisme qui menacent tous ceux qui s’aventurent sur cette piste, Ben Swann, de la chaîne Fox 19, a posé dès le mardi 16 avril au soir quelques questions sur l’implication exacte du FBI dans l’attentat de Boston, se demandant notamment si le Bureau disposait d’informations avant les explosions qui auraient pu permettre de les empêcher [178]. À ceux qui douteraient par principe de la possibilité même de ce genre d’implication, le reporter rappelle pour exemple que l’enquête sur l’attentat à la bombe contre le World Trade Center en 1993 avait révélé des liens plus que serrés entre le FBI et les auteurs de l’attaque, le Bureau ayant été jusqu’à collaborer directement avec un informateur infiltré dans la cellule terroriste responsable de l’attentat avant que celui-ci n’ait lieu [179]. Dans la même veine, un article de Russia Today [180] résumait en septembre 2011 l’enquête réalisée par Mother Jones sur l’implication du FBI dans les attaques terroristes aux États-Unis : le Bureau est en réalité partie prenante de la plupart des opérations terroristes, et ce dans le but (supposé) de les faire échouer. Il y a un an, le New York Times lui-même admettait d’ailleurs ces conclusions [181]. Mais ce journal n’est évidemment qu’un torchon conspirationniste.
À propos du FBI, on s’amusera d’ailleurs – relativement – à constater qu’il n’a pas tardé à frapper de nouveau après avoir « géré » le drame de Boston : le 23 avril, au Canada, la collaboration du Bureau avec la police locale aurait permis d’empêcher un attentat préparé par « Al-Qaïda » et visant un train de passagers [182]. Le gouvernement canadien a immédiatement utilisé ce pétard mouillé pour promouvoir des lois liberticides [183].
On notera également qu’à la fin du mois de mars, le FBI était intervenu dans l’enquête sur la disparition de Sunil Tripathi [184], cet étudiant de Brown University dont le nom avait été évoqué par les internautes comme possible suspect n°2 dans l’attentat de Boston et qui a été retrouvé mort le 23 avril dans une rivière de Providence, Rhode Island.
Dans le cas du « suspect n°1 » des autorités, Tamerlan Tsarnaïev, le FBI n’a pu qu’observer la porosité de sa couverture à mesure que les informations sont tombées. Les liens du Bureau avec le suspect sont exposés une première fois le 19 avril sur Russia Today par Zubeidat Tsarnaeva, la mère de Tamerlan et Djokhar, qui affirme que son fils aîné était surveillé par le FBI depuis plusieurs années et que le Bureau l’a même interrogé deux ans auparavant [185]. Elle ajoute par la même occasion qu’elle ne croit pas à la version officielle et que ses fils sont innocents. Le même jour, le père des deux suspects dit lui aussi que ses fils ont été piégés et qu’il ne croit pas à leur culpabilité [186]. Ce 19 avril, la tante, quant à elle, exige des preuves de la culpabilité de ses neveux [187]. Le FBI finit par émettre un bulletin officiel dans lequel il reconnaît qu’un « gouvernement étranger » l’avait contacté en 2011 pour obtenir des informations sur Tamerlan Tsarnaïev [188], à la suite de quoi il avait interrogé le suspect et sa famille mais n’avait trouvé aucun élément indiquant une quelconque activité terroriste. Le Bureau affirme avoir demandé en vain des informations supplémentaires de la part de ce « gouvernement étranger ».
Le 21 avril, des médias annoncent que les services de sécurité russes auraient fait part au FBI de leurs inquiétudes à propos de Tamerlan Tsarnaïev en novembre 2012 [189].
Rappelons que le FBI, dans son enquête sur l’attentat de Boston, avait demandé l’aide du public pour identifier les suspects, et ce après avoir diffusé les photos de Tamerlan et Djokhar Tsarnaïev...
Suspect n°2 : la CIA
Nous avons déjà rappelé les liens de l’oncle Ruslan Tsarni avec la CIA (voir plus haut, au paragraphe « Oncle Ruslan »). Ce dernier n’est pas le seul : Tamerlan Tsarnaïev aussi était en contact avec l’agence de renseignement, et sa mère était surveillée.
Le mercredi 24 avril, les médias russes et les autorités géorgiennes diffusent des documents affirmant que Tamerlan a assisté durant l’été 2012 à un séminaire organisé par la Jamestown Foundation pour les nouvelles recrues en Géorgie [190]. En 2007, cette fondation avait été accusée par le gouvernement russe de soutenir l’instabilité dans le sud de la Russie [191]. La Jamestown Foundation est fortement suspectée d’être un paravent de la CIA [192], et selon Kurt Nimmo, « la révélation de la connexion de Tamerlan Tsarnaïev à une ONG antirusse sponsorisée par la CIA doit être considérée comme le chaînon manquant dans l’histoire de sa prétendue radicalisation dans les mains des militants salafistes [193] ». La radicalisation de Tamerlan Tsarnaïev est en effet au cœur du storytelling officiel depuis le drame de Boston. Deux exemples parmi d’autres : l’évocation par Oncle Ruslan de « mentors » ayant radicalisé son neveu [194] et la « formation spéciale » que les deux frères ont dû recevoir pour confectionner des explosifs dans le style des islamistes afghans, indiens ou pakistanais [195].
Le jeudi 25 avril, le New York Times annonce que Tamerlan Tsarnaïev était sur deux listes de surveillance antiterroriste [196]. Extrait :
« Après que la CIA l’a déclaré sans lien avec l’extrémisme violent en octobre 2011, elle a demandé au Centre national de contre-terrorisme, la principale agence de contre-terrorisme du pays, d’ajouter son nom à une liste de surveillance par précaution, a déclaré un officiel du renseignement américain mercredi. D’autres agences, dont le département d’État, le département de la Sécurité intérieure et le FBI, ont été alertées. »
La mère de Tamerlan et Djokhar Tsarnaïev, elle aussi, était sur une liste de surveillance de la CIA dix-huit mois avant les attaques de Boston [197]. Elle est aujourd’hui suspectée d’avoir radicalisé son fils Tamerlan [198].
Ces événements ont-ils un quelconque rapport avec l’afflux récent en Syrie de terroristes en provenance du Caucase [199] ? Une chose est sûre : la piste de l’islamisme caucasien dans l’attentat de Boston est désormais dessinée à gros traits par les médias.
Depuis son arrestation le 19 avril, Djokhar Tsarnaïev aurait retrouvé l’usage de la parole. Il a ainsi pu confirmer à peu près tout le nouveau storytelling officiel sur l’islamisme radical ennemi de l’Amérique [200]. Il encourt la peine de mort pour avoir utilisé une cocotte-minute explosive, considérée comme « arme de destruction massive » par les autorités fédérales [201]. Katherine Russel, la veuve de Tamerlan Tsarnaïev, musulmane par conversion, est prise de son côté dans la tourmente de la diabolisation [202] de l’islam. « Diabolisation » reste d’ailleurs un terme très insuffisant pour caractériser l’offensive de certains médias américains contre la jeune femme et sa religion. Ann Coulter, « romancière polémiste », après s’être demandée pourquoi la police n’a pas achevé Djokhar Tsarnaïev directement dans le bateau dans un esprit de « peine de mort automatique », affirmera ainsi dans une interview sur Fox News que Katherine Russel « devrait être en prison pour port du hijab [203] »...
Que tirer de tout cela ? Comme le souligne Thierry Meyssan, il est trop tôt pour conclure [204]. Mais rappelons également la réalité décrite par Aymeric Chauprade : le terrorisme est avant tout un fait étatique [205]. « L’État profond », structure de pouvoir résultant de luttes internes dissimulées, doit être considéré comme le premier suspect de tout attentat. Il reste que, quels que soient les soupçons qui pèsent sur les agences fédérales dans le drame de Boston, les indices ne forment encore qu’une piste d’enquête parmi d’autres. Une piste qui impliquerait, comme d’habitude, trois possibilités : l’incompétence, le laisser-faire ou la planification.
Citons donc simplement pour terminer le « démocrate » Rahm Emmanuel, chef de cabinet de la Maison Blanche sous la première administration Obama, qui déclarait en 2009 [206] :
« Vous ne devez jamais gâcher une crise sérieuse. Ce que je veux dire par là, c’est que c’est une occasion de faire des choses que vous ne pouviez pas faire auparavant. »
Et pour ne pas laisser les « républicains » en reste, laissons le lapsus de fin à Georges W. Bush himself, ce grand récidiviste du conspirationnisme :
Voir aussi, sur E&R :